Claude Chabrol, le cinéma jusqu’à la fin

Beaucoup de choses ont été dites ces deniers jours suite à la mort de Claude Chabrol et peu de choses sur son cinéma, on a entendu ici et là les mêmes clichés, un homme qui aime la vie, un gourmand et aussi un cinéaste dont l’œuvre est sans cesse renvoyée à son cinéma de la charnière des années 60/70 c’est à dire l’époque des Noces rouges, du Boucher, de Que la bête meurt. Bien sûr ces films comme ceux de la Nouvelle Vague sont importants et ont marqués l’histoire du cinéma, mais dans les années 90 il a réalisé des films comme Betty, La Cérémonie, l’Enfer et dans les années qui suivent son travail continue d’être captivant.
Ce qui est passionnant chez ce cinéaste, c’est qu’il a sans cesse remis son titre en jeu. Par exemple, il réalise La Cérémonie en 1995, film acclamé par la critique, qui plait au public, il aurait pu ensuite refaire ce film, en variant l’histoire, en continuant cette critique acerbe d’une bourgeoisie bien pensante, il aurait pu jouer sur son savoir faire, sa maîtrise, faire un cinéma considéré comme solide, intelligent, au rythme efficace. Mais il tourne ensuite un film de transition Rien ne va plus, (dont le titre n’est pas un hasard), et décide alors de prendre un autre chemin, d’utiliser une autre forme, il essaie d’oublier son savoir faire, la « grande forme » pour réaliser des films dont l’intrigue est expliquée dès le départ (Merci pour le chocolat, les Demoiselles d’honneur…). Des films qui jouent sur une esthétique proche du téléfilm, où il travaille sur le retranchement, sur la fluidité, sur ce qu’on ne voit pas et non plus sur ce qu’on voit. Il essaie de ne pas faire ce qu’il sait faire, et surtout ce qu’il sait plaire, d’où des films parfois décevant et déroutants à la première vision où l’on se demande où il veut nous amener, et étrangement qui mettent mal à l’aise, troublent profondément lors d’une deuxième vision, parce que ce sont des films (jusqu’au dernier Bellamy) qui se dérobent à tout moment, qui ne sont pas aimables, qui ont de nombreuses sous couches, dans lesquels du jeu des acteurs, au décor, à l’intrigue vite expédiée, tout semble à la limite du faux (il envoie valser avec bonheur le sacro-saint réalisme), tout cela filmé comme un à plat gris pourtant ils sont travaillés en profondeur par une inquiétante étrangeté. On passe de personnages de femmes brisées par la vie qui tente de se battre comme elles peuvent (une Affaire de femme, la Cérémonie) à une galerie de fantômes, de personnages qui ont déjà quitté la vie (du Dutronc de Merci pour le chocolat aux pantins de L’ivresse du pouvoir en passant par la famille des Fleurs du mal) et qui sont filmés comme tels. Cette dernier période est peut-être la plus noire de son œuvre où seules les jeunes peuvent peut-être encore tenter de faire quelque chose. Nous ne sommes plus dans la rage, le portrait acide d’une société nous sommes au-delà, nous sommes dans le domaine de la mort, de la tristesse.
Un moment de son œuvre qui montre que Chabrol est resté un cinéaste majeur, quelque soit l’époque, qui savait prendre des risques, quitte à perdre les critiques paresseux, conservateurs et une partie de son public.

Un commentaire :

  1. Rebonsoir, merci pour cet hommage à Chabrol qui a terminé avec Bellamy (ce n’est pas son meilleur selon moi). Mes films préférés sont: Que la bête meure, Le boucher, La femme infidèle, La cérémonie, Une affaire de femmes, Betty, Merci pour le chocolat (revu récemment). Bonne soirée.

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