Le blues du critique (épisode 3)

ulysse

– « Allô, Guillaume ? C’est Baptiste…
– Ah, salut Bat. Tu tombes mal, j’ai pas beaucoup de temps là…
– T’inquiète, j’en ai juste pour une minute. Je viens de relire ton dernier article et franchement, ça me laisse dubitatif…
– … Ah bon ? Tu sais, je me rappelle pas trop, ça fait un bout de temps…
– Tu l’as posté le dix janvier. En introduction, tu annonçais en fanfare un texte sur le premier film que tu as vu cette année, non… ?
– …Allô… ? Allô.. ? Je capte super mal, là… Je suis chez des amis et y a pas de réseau…
– Guillaume, j’appelle sur ton fixe, là. Chez toi.
– …Ah, d’accord, je me rappelle maintenant ! Tu vas jamais me croire… En fait, j’avais écrit un super texte mais le chien de ma grand-mère a mangé ma clef USB, et…
– Pffff… N’importe quoi !
– Je te jure ! Sur la tête de mes futurs enfants. Et comme j’avais pas fait de sauvegarde… La tuile, quoi !
– Et ton bilan de l’année dernière, tu vas me dire qu’il était sur la même clef, c’est ça ?
– Euh… oui, exactement, il était sur la même clef… que le chien-chien à ma mamie a mangé… C’est con, hein ? Et toi, ton bilan de l’année, il en est où… ?
– Au moins je n’ai rien promis à nos fidèle lecteurs, moi… Sérieusement, ça serait pas mal que tu nous pondes un article avant l’été. J’en ai marre de bosser tout seul, moi !
– T’inquiète, j’ai un truc du tonnerre sur le feu. Une analyse au cordeau. Et j’y dissèque non pas un, ni deux mais trois films ! Des films que j’ai presque tous aimé en plus ! Houlà, c’est qui commence à se faire tard ; faut que j’y vais, moi. D’ailleurs, j’ai plus de pièces…
– Plus de p… Mais c’est moi qui t’appelle, espèce de… »

(tut…tut…tut…)

Donc, le premier film que j’ai vu cette année… Parents, enfants et grands-enfants, ne vous faites plus avoir par les platitudes dysneiènnes et apparentées qui lorgnent sans vergogne vers votre porte-monnaie. Tim Burton et Pixar n’en finissent plus de mourir, et Scratt commence à nous les briser menu à courir après ses noisettes. Chez nous aussi ça commence devenir agaçant, entre les promesses déçues de Folimage et les copies carbones des américaniaiseries sus-citées. Heureusement, une poignée d’auteurs s’est dit que ça serait pas mal de revenir aux bases, comme les livres pour enfants par exemple. Alors que le cœur de cible de l’animation mainstream reste désespérément les parents, ils proposent des films destinés avant tout aux enfants mais qui, par leurs qualités et leurs propos, séduisent sans difficulté les adultes. Dernier exemple en date, Ernest et Célestine de Benjamin Renner, Stéphane Aubier et Vincent Patar, basé sur les travaux de Gabrielle Vincent. Alors oui, je sais, c’est un peu tard pour le découvrir en salle mais le DVD devrait montrer le bout de ses moustaches dans une dizaine de jours. Jetez-vous dessus, c’est d’une beauté et d’une intelligence rares.
Pour le bilan, fichtre… Déjà, j’ai raté un nombre impressionnant de films majeurs, ce qui réduit les possibles. Ajoutons à cela une cuvée 2012 franchement moyenne, surtout si on la compare à la précédente. Pas de coup de cœur indiscutable, mais quelques fulgurances tout de même. Le mélancolique Oslo, 31 août de Joachim Trier par exemple, dont la magistrale séquence du bar n’a pas fini de me hanter. Ou l’improbable Faust d’Alexandre Sokourov, découvert à 10 heures du matin pendant la fête du cinéma et qui me laissa une étrange impression de jouissance cinéphile, de couleurs chatoyantes et de virtuosité. Encore plus déstabilisant, mais d’une beauté et d’un jusqu’au-boutisme qui forcent le respect, Ulysse, souviens-toi ! de Guy Maddin avec Jason Patric – l’acteur le plus improbable de la terre vu qu’il s’est fait connaître en remplaçant Keanu Reeves dans inénarrable Speed 2 ! Et puis, forcément, Moonrise Kingdom de Wes Anderson, que j’évoquais en détail ici. Pas forcément le meilleur film de son auteur, mais quel plaisir de retrouver sa simplicité, son univers et l’émotion qui en découle. Et pour Bruce Willis dans un rôle à la mesure de son immense talent, hélas gâché à force de facilité hollywoodienne.
Voilà, une nouvelle année commence (rires), pleine de promesses et d’envies. Mes bonnes résolutions seront d’une simplicité désarmante : essayer d’aller au cinéma aussi souvent que possible, parce que la plupart des films ne pourront jamais vraiment exister en dehors de l’écrin magique d’une salle obscure. Retrouver le plaisir des bonnes séries télé aussi, et essayer d’en parler un peu plus. Et oui Baptiste, je vais essayer d’écrire plus régulièrement, et… Bon, d’accord, j’arrête de faire des promesses que je ne tiendrai pas…

 

2 commentaires :

  1. Article très sympa.

    Sur 2012, je retiendrais également Royal affair, Margin Call et La part des anges.

    Je ne suis pas certain d’avoir compris Holy motors, mais quel film !

    J’ai bien compris Bullhead…mais pas son succès.

    Le début 2013 est beaucoup plus prometteur.Curieux d’avoir votre avis sur Django unchained, Lincoln ou Sugar man. Vous avez du boulot !

    • Eh oui, vous avez bien raison, nous avons du boulot! Je suis d’accord, le premier trimestre 2013, qui s’annonce effectivement prometteur. J’ai beaucoup aimé Django Unchained, dans lequel Tarantino aborde enfin un sujet original en limitant ses « références » au cinéma de genre, Lincoln aborde le même sujet d’un autre point de vue, mais est victime des poncif du biopic – mettant un peu trop de côté le personnage joué par T. Lee Jones, et c’est dommage. Zero Dark Thirty m’a scotché, par son traitement et une forme d’intransigeance cinématographique qui m’a beaucoup touché. Trois films qui explorent les faux plis du drapeau, et les recoins sombre de la – courte – histoire des états-unis. Peut-être un futur article d’ailleurs…

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