en revenant du cinéma» François Truffaut http://enrevenantducinema.fr regards croisés sur le cinéma Thu, 09 May 2013 18:16:32 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.5.1 Damsels in distress de Whit Stillman http://enrevenantducinema.fr/2012/10/19/damsels-in-distress-de-whit-stillman/ http://enrevenantducinema.fr/2012/10/19/damsels-in-distress-de-whit-stillman/#comments Fri, 19 Oct 2012 17:15:10 +0000 Baptiste Madamour http://enrevenantducinema.fr/?p=1126 Une délicate détresse

Damsels in distress se passe presque entièrement sur un campus étasunien avec ses associations, ses fraternités, un groupe de filles qui s’occupent d’une association pour prévenir les suicides dissertent sur la vie, l’amour, etc. Tout paraît familier mais tout est décalé, les héroïnes essaient d’empêcher les suicides grâce à des donut ou des savons, des étudiants qui … Lire la suite...

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Une délicate détresse

Damsels in distress se passe presque entièrement sur un campus étasunien avec ses associations, ses fraternités, un groupe de filles qui s’occupent d’une association pour prévenir les suicides dissertent sur la vie, l’amour, etc. Tout paraît familier mais tout est décalé, les héroïnes essaient d’empêcher les suicides grâce à des donut ou des savons, des étudiants qui se forment au métier d’enseignant ratent leur suicide en sautant du premier étage de leur université, un étudiant cinéphile converti au catharisme ne pratique que la sodomie pour être conforme avec sa religion, un autre ne sait pas reconnaître les couleurs parce que ses parents élitistes lui ont fait sauter les classes où il aurait dû les apprendre.
On pourrait être dans une comédie mais le cinéaste ne cherche pas le gag, il cherche l’absurde, les personnages ne cessent d’échafauder des théories, les discussions s’enchainent sans avoir vraiment de sens évident. Le ton est léger alors que le fond est sombre, les héroïnes regardent ce qui les entourent avec détachement comme blasées, trop lucides sur ce qui les attend dans la vie. Il faut beaucoup de talent aux actrices pour rendre émouvantes ces étudiantes absentes à elles-mêmes. La mise en scène fluide et élégante caresse ces visages en douceur.
Ce qui intéresse le cinéaste c’est de créer un monde irréel, le film paraît intemporel, il a gommé tous les signes de modernités (écrans, téléphones, etc.), les tenues pourraient dater des années 60, voir être plus anciennes, nous sommes dans un lieu clos qui apparaît comme un éden, ainsi lorsque Violet (incarnée par Greta Gerwig, déjà impressionnante dans le Greenberg de Noah Baumbach) s’échappe du campus, un plan la montre descendre un escalier qui s’enfonce sous terre, puis un plan la montre remonter cette escalier avant le retour au campus, l’ailleurs n’existe pas vraiment. La luminosité et les couleurs vives du film renforcent cette impression paradisiaque.
Ce lieu clos n’est pas un espace réel c’est un espace mental, l’espace de la cinéphilie, le titre du film emprunte celui d’un film de George Stevens avec Fred Astaire, deux personnages s’embrassent devant Baisers volés de Truffaut, on y parle de la nouvelle vague mais on pense aussi aux comédies musicales de Demy, de Minelli… Le film s’inscrit aussi parmi une famille de cinéastes contemporains comme Wes Anderson qui partage son dandysme, la même minutie dans la composition des plans et cet humour déceptif très particulier, ces étudiantes, qui marchent dans leur robe claire, baignées de soleil, rappellent les sœurs de Virgin Suicides (avec le thème du suicide abordé d’un autre angle) de Sofia Coppola, on peut retrouver le Kaboom de Gregg Araki… On pourrait parler d’une famille de cinéastes pop, qu’on retrouve en France dans le Mods de Serge Bozon. Ces films ont en commun le même regard délicat sur des personnages en inadéquation avec la société, qui ne se révoltent pas et cherchent à créer leur propre univers à côté en assistant à la décadence du monde.
Toutes ces références ne sont pas là pour donner des signes de reconnaissance aux cinéphiles, elles sont le sujet du film, face à l’ennui, à la tristesse, le cinéma est le lieu qui permet d’accepter de vivre, qui permet de respirer, de s’échapper, Violet parle des claquettes comme du meilleur moyen pour sortir de la dépression, on peut voir cela comme la métaphore du cinéma pour Whit Stillman. C’est pourquoi ces scènes de comédie musicale qui clôturent le film sont particulièrement émouvantes, elles sont le moyen de s’extraire de la pesanteur des choses.
Damsels in distress de Whit Stillman, EU, 2012 avec Greta Gerwig, Analeigh Tipton, Carrie MacLemore, Megalyn Echikunwoke…

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La nouvelle guerre des boutons de Christophe Barratier http://enrevenantducinema.fr/2011/09/30/la-guerre-des-moutons/ http://enrevenantducinema.fr/2011/09/30/la-guerre-des-moutons/#comments Thu, 29 Sep 2011 22:45:24 +0000 Guillaume Pic http://enrevenantducinema.fr/?p=527

La guerre des moutons

– Chérie, si on allait au ciné ce soir ? – Voir quoi ? J’te préviens, j’ai pas envie de me prendre la tête ! – Je regarde le programme… Ah, c’est marrant, ils repassent La guerre des boutons ! c’est bien le film en noir et blanc avec le squelette ? – Nan, ça c’est Les disparus de Saint-Agil, … Lire la suite...

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La guerre des moutons

– Chérie, si on allait au ciné ce soir ?
– Voir quoi ? J’te préviens, j’ai pas envie de me prendre la tête !
– Je regarde le programme… Ah, c’est marrant, ils repassent La guerre des boutons ! c’est bien le film en noir et blanc avec le squelette ?
– Nan, ça c’est Les disparus de Saint-Agil, rien à voir ! La guerre des boutons, c’est avec P’tit Gibus, « si j’avais su j’aurai pas venu », les gosses qui se bagarrent tout nus…
– Ah d’accord ! Apparemment, ils l’ont ressorti, mais en couleur… Putain, elle est si vieille que ça, Mathilde Seigner ?
– T’es con, c’est pas le même film, ils l’ont refait ! J’te préviens, je veux pas voir ça !
– Moi non plus !
– Du coup, ils passent quoi dans la salle 2 ?
– Attends, je regarde… Ah merde ! La nouvelle guerre des boutons, avec Kad Merad… Euh, finalement je crois qu’on va pas aller au ciné ce soir…

En 1962, Yves Robert donnait sa version du roman écrit par Louis Pergaud au début du siècle dernier. Sans aucun doute le meilleur film d’un modeste artisan qui œuvra principalement dans le cinéma populaire. En le revoyant aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de le rapprocher des Quatre cents coups, sorti trois années plus tôt. Si la mise en scène est quelconque, les thématique abordées renvoient directement au chef-d’œuvre de François Truffaut : le fossé abyssal qui sépare le monde de l’enfance de celui des adultes, et cette jeunesse en quête de liberté, asphyxiée par une société normative. Société urbaine pour Antoine Doinel, société rurale pour Lebrac, aussi castratrice l’une que l’autre. La violence, l’incompréhension, l’impuissance, rien n’était éludé dans la version d’Yves Robert. Le seul adulte qu’il sauvait, c’était l’instituteur dont on devinait implicitement un parcours identique à celui du jeune rebelle. Pas un monument du septième art, donc, mais un film honnête dont les dialogues savoureux sont passé à la postérité*.
Passons sur l’adaptation de Yann Samuell dont l’unique mérite est d’avoir tenté de couper l’herbe sous le pied de Christophe Barratier. C’est la version de ce dernier, n’en doutons pas, qui va emporter le morceau. Il faut dire que rien n’a été laissé au hasard. D’abord, on transpose l’histoire dans un cadre historique ultra-référencé : la seconde guerre mondiale. Plus précisément mars 1944, soit quelques mois avant la libération. Tout le monde connaît, la victoire est proche et c’est suffisamment vieux pour permettre d’arrondir les angles : les villageois sont tous de gentils résistants, et si le maire bois le coup avec les miliciens, il reste un collabo passif, donc excusable. Les vichystes sont soit d’horribles miliciens, tous jeunes**, soit des personnages caricaturaux dessinés à la hache, comme ce gardien de musée s’extasiant devant une statue grecque, donc forcement présenté comme un homosexuel refoulé. En tout cas, les méchants habitent tous en ville, et les gentils à la campagne. Pour enfoncer le clou, Barratier joue la carte « Anne Frank » en inventant Violette, jeune-fille juive cultivée qui se cache après avoir été séparée de ses parents, qui tient un journal, et tombe sous le charme de Lebrac. Là où le film d’Yves Robert ne tentait jamais de rapprocher les univers des enfants et des adultes – on se copiait, mais on gardait toujours ses distances – le réalisateur de l’indigeste Les choristes franchit allègrement le pas en mettant en parallèle la guerre des gosses et celle des grandes personnes. Ainsi, le père de Lebrac, brutal, vulgaire et haïssable au début, devient un héros le jour où son fils découvre qu’il est résistant ! Pire, il crée pour l’instituteur – insupportable Guillaume Canet – une romance parallèle à celle de Lebrac avec… la mercière qui a pris la jeune fille juive sous son aile ! Et évidement, enfants et adultes s’allient à la fin du film afin de permettre leur fuite au nez et à la barbe des miliciens… Ouf ! Sans oublier le post happy-end qui nous précise que si la jeune Violette ne retrouva jamais ses parents, elle revint quelques mois plus tard, à la libération, avec la mercière pour s’installer au village. Il ne manque que le carton : « tiré d’une histoire vraie »…
Passons rapidement sur la pudibonderie de cette version. Les enfants ne fument plus et ne se battent plus à poil, mais en sous-vêtements. C’est plus correct, il ne faut choquer personne. Passons sur certaines scènes dont le sens est purement et simplement inversé : En 1962, le drapeau blanc était hissé afin de soigner un animal blessé, ce à quoi s’employaient les enfants des deux villages. En 2011, les Velrans ignorent le symbole de paix et en profitent pour humilier Petit Gibus, les salauds. Plus grave encore que la simplification historique – rappelons que les derniers mois de l’occupation furent parmi les plus troubles de le seconde guerre mondiale –, le film fait preuve d’un révisionnisme cinématographique déplorable : en se référant au cinéma dît de qualité française, Barratier nie sciemment l’influence de la Nouvelle Vague qui illuminait le film d’Yves Robert. Même si il passe rapidement dessus, Yann Samuell a au moins situé sa version pendant la Guerre d’Algérie – qui hanta notamment le cinéma de Jacques Demy. La nouvelle guerre des boutons emprunte le courant nauséeux qui voudrait faire de la Nouvelle Vague un détail de l’histoire du cinéma, quelque chose dont il faut se débarrasser au profit d’un conformisme pantouflard et rassembleur. Et malheureusement, le public suit. Plus que jamais, il est essentiel de défendre des films comme Les bien-aimés, L’Apollonide et La guerre est déclarée qui proposent un cinéma moderne, complexe et surtout réaliste. La société va mal et le cinéma doit en offrir au spectateur une image juste. Pas lui mettre des œillères en lui murmurant à l’oreille que jusqu’ici, tout va bien, ou que c’était mieux avant.

*A noter que les deux productions ont demandé à la veuve du réalisateur le droit d’utiliser, entre autre, le mythique « si j’avais su, j’aurai pas venu » du Petit Gibus. Elle les aurait poliment rembarrés en leur suggérant d’inventer leurs propres dialogues…

**Toute similitude avec le quotidien décrit par le grand documentariste Jean-Pierre Pernaut à 13h sur TF1 serait fortuite, cela va de soi… Des gentils enfants ? Des gentils vieux ? Des méchants jeunes ? Nan, aucun rapport…

La nouvelle guerre des boutons de Christophe Barratier, France, 2011, avec Guillaume Canet, Lætitia Casta, Kad Merad, Gérard Jugnot

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