en revenant du cinéma» Judi Dench http://enrevenantducinema.fr regards croisés sur le cinéma Thu, 09 May 2013 18:16:32 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.5.1 Skyfall de Sam Mendes http://enrevenantducinema.fr/2012/11/01/skyfall-de-sam-mendes/ http://enrevenantducinema.fr/2012/11/01/skyfall-de-sam-mendes/#comments Thu, 01 Nov 2012 00:45:59 +0000 Guillaume Pic http://enrevenantducinema.fr/?p=1133 Retour vers le passé.

James Bond a cinquante ans ! L’insubmersible franchise inspirée par les écrits de Ian Fleming a eu beau frôler la catastrophe à plusieurs reprises, elle est toujours là, se réinventant sans cesse depuis que le cocktail misogynie-distanciation incarné par Sean Connery est passé de mode à la fin des années 60. Pour fêter dignement l’anniversaire de … Lire la suite...

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Retour vers le passé.

James Bond a cinquante ans ! L’insubmersible franchise inspirée par les écrits de Ian Fleming a eu beau frôler la catastrophe à plusieurs reprises, elle est toujours là, se réinventant sans cesse depuis que le cocktail misogynie-distanciation incarné par Sean Connery est passé de mode à la fin des années 60. Pour fêter dignement l’anniversaire de 007, Eon production nous propose ce vingt-troisième épisode – le troisième pour l’acteur Daniel Craig – qui a bien faillit ne pas voir le jour pour cause de banqueroute de la MGM fin 2009. Soyons honnête, je suis un incorrigible Bondophile depuis ma plus tendre enfance. A six ans, je fantasmais déjà devant l’affiche racoleuse du calamiteux Moonraker, c’est dire ! Je vais tâcher d’être le plus objectif possible, par respect pour mes fidèles lecteurs, mais ça va être dur. Par contre, je ne vais pas me gêner pour révéler des moments clef de l’intrigue, et pour celles et ceux que cela dérange, je me permets de vous orienter vers la critique exemplaire que Guillaume Loison a écrit pour TéléCinéObs 1.

Ses heureux producteurs le martèlent depuis des semaines : il s’agit du meilleur volet de la saga, avec un méchant d’anthologie, un Daniel Craig en pleine forme et un grand réalisateur derrière la caméra. Mouais, si Skyfall enterre sans problème l’épisode précédent, on est tout de même loin d’un Casino Royale. Et embaucher des « auteurs » comme Sam Mendes – dont les ambitions artistiques pourraient se résumer à un sac-plastique qui virevolte dans la rue (American beauty, 1999) – n’a pas été la meilleure idée de Eon production. Vu le cahier des charges de la franchise, il ne reste pas beaucoup de place pour l’ego d’un auteur. Pour mettre en image un Bond, il faut un artisan efficace et discret, capable de se mettre au service des producteurs – car les James Bond sont des films de producteurs par excellence – et d’exercer son art dans le cadre étriqué qu’on lui impose. Exemple parfait : Martin Campbell, qui ressuscita la franchise à deux reprises : en 1995 avec Goldeneye et surtout en 2006 avec Casino Royale. Cette relecture bienvenue des débuts de 007 dépoussiéra non-seulement le mythe en s’attaquant aux sources de la misogynie du personnage (au figuré… et au sens propre…), mais également la mise en scène de l’action 2. Deux choses que Marc Forster a eut la mauvaise idée de laisser tomber dans le poussif Quantum of Solace (2008), avec ses poursuites illisibles digne d’un Michael Bay et son scénario aussi emberlificoté qu’inintéressant. Mendes a d’ailleurs l’intelligence de rompre avec le filmage épileptique de son prédécesseur dès la séquence d’ouverture. Pour le reste, rien de transcendant mais rien de honteux non plus. On soulignera tout de même la photographie impeccable de Roger Deakins, en particulier dans la dernière partie du film.
Le scénario vise à remplir deux objectifs : rendre hommage au cinquantenaire de notre espion préféré et secouer l’architecture traditionnelle à laquelle nous sommes habitués. On louche donc sans vergogne sur The Dark Knight de Christopher Nolan, version allégée. D’un côté le héros brisé qui doit se reconstruire, de l’autre le trauma du jeune garçon qui perd brutalement ses parents. Et de nous ressortir le coup du méchant qui se laisse capturer parce que ça faisait partie de son plan, gimmick un peu éculé depuis le Avengers de Joss Whedon. Par contre, faire du personnage de M (Judi Dench, impériale) le cœur de l’intrigue est une vraie bonne idée.
C’est elle qui va focaliser la haine du méchant de service, un ancien agent désavoué puis abandonné par la patronne du MI6 – idée qui avait déjà été exploitée dans Goldeneye. Elle n’est pas tendre avec ses subordonnés, capable de les envoyer à une mort certaine sans sourciller parce que c’est son boulot, aussi ingrat qu’il soit. C’est d’ailleurs ce côté impitoyable et froid qui imprègne la première séquence du film où elle se retrouve indirectement responsable de la mort d’un agent, du flinguage de Bond et de la perte d’un disque-dur contenant la liste de tous les agents de l’OTAN infiltrés. Alors que son meilleur élément digère amèrement la pilule dans le stupre et l’alcool, le gouvernement britannique profite de la situation pour la pousser vers la sortie. Bond arrête de bouder lorsque les locaux du MI6 sont la cible d’un attentat, mais il est loin d’être au top-niveau quand sa chef le jette comme un mort de faim sur la piste de Silva (Javier Bardem, grand spécialiste des coupes de cheveux improbables). A partir de là, on déroule : pseudo-enquête à l’autre bout du monde, bagarre, coucherie avec la girl de service pour arriver jusqu’à Silva dont la première apparition, aussi sobre qu’efficace, est très réussie. Concours de tir pour savoir qui a la plus grosse, oups, raté et adieu Bérénice-la-potiche, la cavalerie arrive et hop! Le blondinet à la sexualité équivoque se retrouve en prison à Londres. Sauf qu’à ce moment, il reste une bonne heure de métrage…
Après l’évasion spectaculaire du méchant, le film prend une orientation inattendue. Bond enlève sa mère d’adoption et rejoint la propriété familiale perdue dans les Highlands à bord de la mythique Aston Martin DB-5 de Goldfinger. Pour y attendre son faux-frère jumeau là où tout a commencé et régler ces histoires de familles une bonne fois pour toute. Le film prend alors des allures de survival rural écossais, au cœur d’un paysage à la fois grandiose et terriblement mélancolique. Fini le smoking et le Walther PPK de service, ici on travaille au fusil de chasse et à la dynamite, et l’ombre du grand Sam Pekinpah n’est pas loin. Dommage que le personnage de Bardem s’affadisse au fur et à mesure que le film avance, en particulier lors du final qui y aurait gagné en émotion.

Anniversaire oblige, le spectateur attentif en aura pour son argent avec une série de clins d’œils assez fins et sympathiques : un réajustement de tenue à la Pierce Brosnan, un lézard géant qui rappelle les crocodiles de Roger Moore, l’écosse natale et la voiture de Sean Connery et même un final poignant qui fait écho au meilleur des Bonds, l’inégalable Au service secret de Sa Majesté de Petet Hunt avec l’injustement décrié George Lazenby (photo ci-contre). Par contre, à aucun moment il n’est fait allusion à Timothy Dalton. Acteur talentueux qui endossa le smoking à la mauvaise période mais qui, bien avant Craig, su insuffler des fêlures et une part de tragédie à son interprétation. Cet oubli est un lapsus révélateur tant dans Skyfall le personnage de Bond manque cruellement de densité. Simple spectateur, il donne l’impression de traverser l’intrigue à minima, jouant certes son rôle, mais sans souffle, sans passion, sans que ses déboires ne le touchent vraiment. C’est d’autant plus dommage que l’on sait depuis Millenium que Daniel Craig est bon acteur.

Pour conclure cette critique interminable (coucou Baptiste), on peut s’interroger sur les prochaines aventures de James Bond. En 2006, Eon décidait de dégraisser le mythe de ses fioritures obsolètes – les punch-lines ringardes, les gadgets, les personnages secondaires figés. A la fin de Skyfall, M est redevenu un homme, Q a réintégré son département et Moneypenny son bureau. Et le film de se conclure sur le mythique « Gun Barrel » mis au point par Maurice Binder pour James Bond 007 contre Docteur No Il y a cinquante piges. Cette pointe de nostalgie est fort sympathique, mais je souhaite bien du courage aux scénaristes du prochain opus pour rebondir dessus !

Skyfall de Sam Mendes, GB, 2012, avec Daniel Craig, Judi Dench, Javier Bardem, Bérénice Marlohe.

1 Je vous la livre telle quelle : « Action en cascade (correctement réglée par un Sam Mendes qu’on n’attendait pas à ce niveau), dérision et remise en cause – gentillette – du mythe : complet mais jamais étouffe-chrétien, ce James Bond du cinquantenaire exécute brillamment sa mission. La meilleure idée du film ? Imposer à 007 une rasade de modernité via un ennemi hacker (Bardem, excellent), sorte de Julian Assange démoniaque qui oblige le récit à se reconfigurer sans cesse, tout en repliant son héros dans ses retranchements virils traditionnels, le cristallisant par là même en dinosaure de blockbuster encore vert. Malin et jouissif ». Et je suis persuadé qu’il a été grassement payé pour ça…

2 Jusqu’au début des années 80, la saga servait de mètre-étalon aux films d’action anglo-saxons. L’émergence d’une « nouvelle vague » de réalisateurs comme John McTiernan (Piège de cristal, 1985) et l’assimilation des codes du cinéma d’action hong-kongais dans les années 90 ont beaucoup fait souffrir l’agent britannique dont les cascades et bagarres à l’ancienne finirent par lui donner un côté vieillot, pour ne pas dire ringard.

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J. Edgar de Clint Eastwood http://enrevenantducinema.fr/2012/01/16/les-faux-plis-du-drapeau/ http://enrevenantducinema.fr/2012/01/16/les-faux-plis-du-drapeau/#comments Mon, 16 Jan 2012 09:29:42 +0000 Guillaume Pic http://enrevenantducinema.fr/?p=732 Les faux plis du drapeau

La société étasunienne a toujours suscité une grande admiration et beaucoup d’incompréhension de ce côté-ci de l’Atlantique, et Clint Eastwood en est la parfaite illustration. Qu’un Républicain convaincu puisse porter un regard critique sur les institutions de son pays et faire preuve d’un humanisme incontestable a de quoi déstabiliser. Ne cherchez pas à comprendre, chez … Lire la suite...

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Les faux plis du drapeau

La société étasunienne a toujours suscité une grande admiration et beaucoup d’incompréhension de ce côté-ci de l’Atlantique, et Clint Eastwood en est la parfaite illustration. Qu’un Républicain convaincu puisse porter un regard critique sur les institutions de son pays et faire preuve d’un humanisme incontestable a de quoi déstabiliser. Ne cherchez pas à comprendre, chez nous, ça ne fonctionne pas comme ça et c’est sans doutes grâce à ce décalage que la critique française a su reconnaître en lui un auteur, et ce bien avant ses compatriotes. Sa dernière réalisation nous prouve, après le trop inégal Au-delà, que le dernier héritier du cinéma classique hollywoodien a de beaux restes…
De la vie de J. Edgar Hoover, patron du FBI de 1924 jusqu’à sa mort en 1972, nous ne connaissons que le versant publique : manipulateur, aveuglé par une haine inextinguible du communisme, n’hésitant pas à enfreindre la loi pour arriver à ses fins, le personnage n’a rien d’aimable. Sa vie privée reste un mystère et se résume à quelques vagues rumeurs. C’est dans cette brèche que Clint Eastwood et son scénariste vont s’engouffrer, détournant les codes d’un genre fatiguant – le biopic hagiographique – pour dresser le portrait d’une Amérique bien loin des idées reçues. Au lieu de jouer la carte de l’évolution des personnages, le réalisateur préfère les figer et les transformer en autant de miroirs de la société étasunienne. La mère – Judi Dench, glaçante – représente l’autoritarisme et le puritanisme. La secrétaire – Naomi Watts, un brin effacée – incarne la sacro-sainte valeur du travail et du dévouement. Clyde Tolson – Armie Hammer – le fidèle second, représente l’Amérique telle qu’Eastwood voudrait qu’elle soit, celle de la vérité, capable de se rebeller lorsqu’elle est étouffée, celle qui, a défaut d’exister concrètement, accompagne envers et contre tout le personnage principal. Hoover – Leonardo DiCaprio, impeccable – c’est l’incarnation d’un pays qui refuse de se regarder en face, une nation construite sur un génocide et l’esclavagisme, contrainte de se réfugier dans des mythes parce qu’elle n’a pas d’histoire. Sempiternellement déchirée entre l’idée de liberté et une rigidité conservatrice, elle s’efforce d’exister quelque part entre ce qu’elle voudrait être et ce qu’elle est vraiment. La métaphore de l’homosexualité refoulée, en plus d’être un savoureux clin d’oeil à l’image machiste qui colle à la peau du réalisateur, est d’une grande justesse.
Le scénario, dense, parfois confus, aurait gagné à être resserré. La sobriété de la mise en scène et de la photographie, la direction d’acteurs toute en retenue et la musique minimaliste peuvent agacer, en particulier lorsque la narration donne des signes de faiblesse. Certains critiques y voient du classicisme, je penche plutôt pour un effacement de la réalisation au profit du scénario, ce qui plombait déjà des films comme Invictus ou L’échange*.
Mais le dernier quart d’heure récompense l’indulgence du spectateur. Jusque-là, le réalisateur gardait ses distances avec l’histoire, se contentant de quelques petites touches personnelles de temps à autres. Ce n’est qu’au moment de la mort de Hoover qu’il se l’approprie enfin. Nous découvrons l’intimité du personnage à travers le regard pudique de Clyde Tolson qui entre dans sa chambre pour la première fois. La mise en scène semble se réveiller : la caméra s’enhardit, la photographie devient chaleureuse et la musique entre en résonance avec nos émotions. La pièce que l’on découvre est à l’opposé du personnage, remplie avec goût d’objets d’art, un lieu de vie aimable où gît, au pied du lit, le corps nu et usé d’un homme qui semble enfin en paix. Ce corps, c’est aussi celui de Clint Eastwood, réalisateur américain de 81 ans qui laissera derrière lui une œuvre magistrale.
Ce n’est pas la première fois qu’il nous fait le coup du film-testament, et j’espère sincèrement que d’autres suivront. Quels que soient leurs défauts, ça sera toujours mieux que la grande majorité des films interchangeables dont Hollywood nous abreuve sans relâche.

 J. Edgar, de Clint Eastwood, Etats-unis, 2011, avec Leonardo DiCaprio, Armie Hammer, Naomi Watts, Judi Dench…

* A contrario, Gran Torino s’appuyait sur un scénario simple – mais pas simpliste comme on a pu l’entendre – qui lui permettait de donner toute la mesure de son talent de metteur en scène.

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