en revenant du cinéma» Noémie Lvovsky http://enrevenantducinema.fr regards croisés sur le cinéma Thu, 09 May 2013 18:16:32 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.5.1 Camille redouble de Noémie Lvovsky http://enrevenantducinema.fr/2012/10/09/camille-redouble-de-noemie-lvovsky/ http://enrevenantducinema.fr/2012/10/09/camille-redouble-de-noemie-lvovsky/#comments Tue, 09 Oct 2012 10:32:11 +0000 Guillaume Pic http://enrevenantducinema.fr/?p=1102 Reçue avec mention

Cette fois, c’est sûr : le cinéma est au plus mal. Entre la baisse globale de la fréquentation, l’effondrement du marché de la vidéo, le piratage… C’est bien simple, on n’a jamais été si proche de la catastrophe économique. Résultat des courses, les financeurs serrent les fesses et s’accrochent aux vieilles recettes pour limiter la casse. Principales … Lire la suite...

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Cette fois, c’est sûr : le cinéma est au plus mal. Entre la baisse globale de la fréquentation, l’effondrement du marché de la vidéo, le piratage… C’est bien simple, on n’a jamais été si proche de la catastrophe économique. Résultat des courses, les financeurs serrent les fesses et s’accrochent aux vieilles recettes pour limiter la casse. Principales victimes, le spectateur bien sûr, et ce cinéma du milieu cher à tous les cinéphiles. Entre les gros budgets formatés et les films d’auteurs intimistes – de plus en plus formatés eux aussi –, il y a de moins en moins de place pour d’autres propositions artistiques.
Heureusement, le cinéma n’est pas une industrie comme les autres, et il arrive que le public plébiscite des films qui ne rentrent pas dans les cases évoquées ci-dessus. Leur point commun ? Ils jettent une passerelle entre le drame auteurisant et la comédie populaire, s’amusant à aborder des sujets sérieux avec un ton détaché et des ressorts qu’on pensait réservés à cette dernière. Et pour enfoncer le clou, ce cinéma n’oublie pas d’où il vient et s’évertue à tisser des liens entre les générations au delà de l’hommage de complaisance.
Dernier succès en date de ce courant, Camille redouble de Noémie Lvovsky, où l’actrice-réalisatrice s’appuie sur le concept de Peggy Sue s’est mariée pour faire revivre à la Camille du titre son adolescence dans les années 80, période ayant lourdement conditionné ses drames de quarantenaire alcoolique. Contrairement aux comédies américaine des années 2 000, le film ne tombe jamais dans le piège du « c’était mieux avant »1: les personnages ne sont pas des adolescents attardés qui s’efforcent de raviver la flamme des années lycées dans leur condition d’adulte : Camille – Noémie Lvovsky – se retrouve littéralement propulsée dans le corps de ses 16 ans, sachant pertinemment tout ce qui va lui arriver après. Elle va s’efforcer d’échapper à un destin pourtant inéluctable, que ce soit la rencontre avec l’amour de sa vie qui la quittera 24 ans plus tard ou la mort de sa mère d’une rupture d’anévrisme peu après son seizième anniversaire. Mais là où le film emporte le morceau, c’est que comme dans le très bon Les beaux gosses de Riad Sattouf, le regard qu’elle porte sur son adolescence est sans complaisance. A côté des grandes tragédies qui vont façonner sa vie, il y a cette guerre permanente contre les vicissitudes de l’âge ingrat qui, pour une fille de 16 ans, paraissent au moins aussi insurmontable : le fossé infranchissable avec les adultes, la violence des premiers émois sexuels, le regard impitoyable de l’autre et celui, peut-être pire encore, que l’on porte sur soi-même. Cette volonté de ne jamais tricher avec la réalité – l’actrice incarne elle-même le personnage à 16 ans sans que cela ne fasse tiquer le spectateur – explique sans doutes l’engouement du public et de la critique pour le film.
Au delà de ses qualités purement cinématographiques, le long-métrage n’oublie jamais d’où il vient, et son casting exemplaire dessine une carte de ce cinéma du milieu que d’aucuns voudraient enterrer avant l’heure. Il s’inscrit dans le passé, avec des cameos savoureux de Jean-Pierre Léaud – héraut de la Nouvelle Vague – et de Mathieu Amalric – qui renvoie forcément au cinéma de Despléchin et d’Assayas 2. Mais il s’inscrit également dans le présent, et si l’on cherche un dénominateur commun à l’expression contemporaine de ce cinéma français à la fois intéressant, populaire et rentable, c’est du côté de Noémie Lvovsky elle-même et de ses rôles récents qu’il faut le chercher. Consciente de ce qui se joue autour d’elle, il n’est pas étonnant de la voir intégrer dans son casting Les beaux gosses – Vincent Lacoste et Anthony Sonigo, mais aussi Riad Sattouf en réalisateur de film d’horreur – ainsi que Samir Guesmi, Michel Vuillermoz et l’incontournable Denis Podalydès tout droit sortis d’Adieu Berthe. La guerre est déclarée n’est pas loin non plus, dans la manière de s’appuyer sur le vécu pour conter une histoire, et la volonté de proposer au spectateur de sortir des sentiers (re)battus de la codification des genres qui voudraient qu’on ne traite les sujets graves que gravement et les sujets légers avec désinvolture.
La particularité de tous ces films, et Camille redouble en est l’exemple parfait, c’est qu’en s’appuyant sur le réel des situations et/ou des personnages, ils renvoient le spectateur vers son propre vécu. Sans oublier de lui raconter une histoire qui, aussi fantastique qu’elle puisse être – ce n’est pas un rêve, Camille voyage vraiment dans le temps – s’appuie sur des morceaux de vie qui font écho à la sienne. Et cette honnêteté fait un bien fou.

Camille redouble, de Noémie Lvovsky, France, 2012, avec Noémie Lvovsky, Samir Guesmi, Denis Podalydès, Vincent Lacoste…

1 L’exception notable étant le Supergrave de Greg Mottola.

2 Et à ce mouvement amorcé par Un monde sans pitié en 1989 qui posait un regard transversal et doux-amer sur le rapport de l’individu aux normes sociétales.

]]> http://enrevenantducinema.fr/2012/10/09/camille-redouble-de-noemie-lvovsky/feed/ 2 L’Apollonide – souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello http://enrevenantducinema.fr/2011/09/22/comment-sechapper/ http://enrevenantducinema.fr/2011/09/22/comment-sechapper/#comments Thu, 22 Sep 2011 14:53:51 +0000 Baptiste Madamour http://enrevenantducinema.fr/?p=522

Comment s’échapper

On entre dans ce film par un travelling dans le couloir de la maison close, le ton est ainsi donné, le mouvement est lent, la lumière, le grain de l’image crée une impression onirique, des prostitués passent comme des spectres. On entre dans ce lieu et on en sortira très peu, enfermés dans le film comme ces prostitués … Lire la suite...

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Comment s’échapper

On entre dans ce film par un travelling dans le couloir de la maison close, le ton est ainsi donné, le mouvement est lent, la lumière, le grain de l’image crée une impression onirique, des prostitués passent comme des spectres. On entre dans ce lieu et on en sortira très peu, enfermés dans le film comme ces prostitués recluses.
L’idée d’un film dans un bordel pourrait laisser attendre un film sensuel, ou du moins excitant, pervers, ou alors un film sur une communauté joyeuse malgré la difficulté du métier, il n’en est rien, le film est froid, âpre, malaisant, oppressant. Nous assistons à un processus de dévitalisation, le personnage de Clotilde (superbement incarnée et désincarnée par Céline Sallette mais toutes les actrices sont impressionnantes de Jasmine Trinca à Adèle Haenel) semble en être le fil conducteur, elle se plaint d’être là depuis trop longtemps, rien ne semble plus avoir de sens pour elle, sauf s’extraire de ce monde, elle s’éloigne de ses clients comme elle disparaît du film.
Ainsi le film est moins sur la pulsion sexuelle que sur la pulsion de mort, c’est à dire sur le processus de répétition qui finit par faire baisser la tension, (thématique proche du Crash de David Cronenberg), il n’y a pas vraiment de conflits, tout paraît calme, la vie des pensionnaires et des clients est répétitive, les mêmes jeux, les mêmes scènes de toilettes, les mêmes conversations chuchotées des clients sur l’actualité de l’époque, le même son de l’horloge, les rapports sexuels, tout se répète, tout s’équivaut comme semble le montrer les quelques moments où l’écran se divise en quatre, quelque que soit le corps, quelques soient les actes, tout est sur le même plan, les corps deviennent des pantins, des poupées comme dans cette scène puissante où une prostitué en imite les mouvements heurtés pour satisfaire un fantasme. Seul l’acte barbare d’un client crée une rupture dans le film, une césure. Cela ne se passe pas pour rien à la fin du XIXème siècle, au début du travail à la chaîne, de l’industrie, au début de la mécanisation du corps.
Le dispositif radical pourrait laisser croire à un cinéma très théorique mais nous ne sommes pas dans la réflexion, le dispositif travaille sur la sensation, sur quelque chose d’hypnotique, il ne nous donne pas tant à penser qu’à ressentir.
Bertrand Bonello emmène le film vers le rêve, à la lisière du fantastique, comme si on était dans l’antichambre de la mort, en opposition à la façon très triviale dont il filme le travail des prostitués (la toilette, le médecin, les conseils à une nouvelle venue). L’entrée des prostitués auprès des clients est comme une entrée en scène, et les scènes sexuelles sont filmées soit devant des miroirs, soit devant un fond noir renforçant cette impression de théâtralité froide et distante. Seules la scène renoirienne se passant au bord d’une rivière où les corps nus semblent reprendre un instant vie et les quelques moments d’échanges, de tendresses et d’humour entre les prostitués apportent quelques respirations pour ce corps malade qu’est le film.
Ainsi ce qui se joue n’est pas juste la prostitution mais c’est aussi le jeu de la vie, comme le montre une des scène les plus fortes, suite à la mort d’une des prostitués, ses consœurs dansent et pleurent, tentent de se réconforter les unes, les autres sans se regarder. La scène est très étrange, c’est une tristesse qui ne déborde pas, qui semble intérieure à chacune, nous ne sommes pas dans le drame, la tristesse renvoie chacune à sa propre vie, son propre désarroi par rapport à l’absurdité de la mort. Cette scène rappelle Cindy, the doll is mine, un magnifique court-métrage de Bertrand Bonello, car si ce cinéaste tourne autour d’obsession comme le corps soumis, transformé, la sexualité (comme dans Le pornographe ou Tiresia) la mort, la dilatation du temps (dans De la guerre, nous trouvions déjà des personnages tournant en rond dans un espace restreint en cherchant rien moins que le sens de la vie) c’est ce court-métrage qui semble être la matrice de L’Apollonide. Asia Argento y joue une photographe et son modèle, dans cette hommage à Cindy Sherman, on y voyait une Asia Argento avec une poupée dans les bras et une tristesse qui semblait venir de nulle part, juste de la difficulté d’être.
Ainsi on retrouve dans L’Apollonide cette inquiétante étrangeté qui irrigue toute l’œuvre de ce cinéaste, inquiétante étrangeté qui s’insinue et laisse un profond sentiment de tristesse inexpliquée.
L’Apollonide – souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello, France, 2011 avec Hafsia Herzi, Céline Sallette, Jasmine Trinca, Adèle Haenel, Alice Barnole, Noémie Lvovsky…

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