Retour sur Terre
On connait l’importance de la lumière pour Clint Eastwood, et on a l’impression qu’il a choisit de filmer le mauvais scenario d’Au delà juste pour pouvoir jouer avec la lumière, la photo dans Paris, Londres ou San Francisco, comme il avait peut-être choisit de tourner Invictus pour l’Afrique du Sud, pour filmer des matchs de rugby plus que pour illustrer une histoire sentencieuse et sans grand intérêt. Ainsi la lumière est somptueuse, des rues et des intérieurs parisiens aux ruelles de Londres évoquant Dickens, la mise en scène est comme toujours fluide, élégante et discrète par contre l’histoire, contant en parallèle trois destins confrontés à l’idée de la mort et à ce qui s’ensuit, manque de puissance, la partie française est très faiblarde et déséquilibre le film, à certains moments Eastwood semble ne pas avoir grand chose à filmer.
Une autre hypothèse pour expliquer le choix de ce scénario est qu’il permet à Eastwood de s’amuser à travailler sur les terres d’autres cinéastes américains, l’impressionnante séquence d’ouverture du Tsunami ainsi que l’attentat dans le métro pourraient figurer dans un film de Steven Spielberg (en outre producteur du film). Difficile aussi de ne pas penser à Night Shyamalan pour toute la partie américaine sur ce médium qui communique avec les morts, la scène où George découvre le secret de Mélanie évoque celle où l’enfant parle à sa mère de sa grand-mère morte dans le Sixième sens, de même George refusant son don, et ayant des visions en touchant les mains de ceux qu’il croise rappelle nettement le personnage incarné par Bruce Willis dans Incassable.
Si cette partie américaine où l’on retrouve l’inquiétante étrangeté de Shyamalan est la plus forte, l’ensemble est claudiquant parce que Eastwood contrairement à Spielberg et Shyamalan n’est pas un cinéaste mystique, il semble vouloir aborder le sujet de la mort d’une façon non religieuse voire scientifique, même si le ciel est très présent, mais ça ne donne pas grand chose cinématographiquement, il y a justement pas d’au-delà chez lui, Eastwood est avant tout un cinéaste terrien, un cinéaste de la boue, un cinéaste sachant filmer les corps, les visages, les émotions humaines comme pour cette superbe scène de confidences pendant les cours de cuisine, où en quelques plans sur une bouche ouverte attendant de la nourriture, il filme une des scènes les plus sexuelles et les plus troublantes qui soit, portée par les deux grands comédiens que sont Matt Damon et Bryce Dallas Howard. De même le personnage de la mère alcoolique est fort et touchant et ses échanges avec ses enfants sont justes et émouvants.
Quand il s’arrête sur ce qui se passe entre deux corps, quand il cherche ce qui vibre entre deux êtres, entre deux comédiens, on retrouve la puissance du cinéaste. Finalement Eastwood continue de plus s’intéresser à la vie qu’à la mort, ça fait peut-être un film bancal mais c’est rassurant.
Au-delà (Hereafter) de Clint Eastwood, EU, 2010 avec Matt Damon, Cécile de France…