Ah, la rentrée ! La température fraîchit, les enfants retournent – enfin ! – à l’école, les feuilles d’impôts tombent dans les boîtes aux lettres… On se remémore les vacances au bord de la mer ou perdu au fin fond des Cévennes, si proches et pourtant tellement éloignées de nos préoccupations du moment. Allez, histoire de savourer une dernière fois le doux parfum de l’été, je vous propose de revenir sur deux films vus coup sur coup à une époque où on pouvait se balader en t-shirt sans risquer une pneumonie.
Les salauds, de Claire Denis
Jusqu’ici, Claire Denis était une de mes héroïnes de cinéma, par vraiment dans « l’auteur-système » à la française, à des années lumières de la brochette d’andouilles qui encombrent les plateaux télé et les agendas des producteurs, une des rares encore capable de regarder le monde. Jusqu’ici, donc. Ces Salauds commençaient bien pourtant, avec deux séquences aussi belles qu’intrigantes : celle qui ouvre le film, et cette jeune-fille qui déambule nue dans les rues de Paris. Sauf que ça sera tout. Le reste du métrage est filmé sans le moindre parti-pris, avec une froideur et un manque d’ambition formelle déconcertants. C’est très bien d’éluder la portée morale du sujet, à condition que cela ne débouche pas sur du vide. Et rassembler des acteurs aussi rares et intéressants que Grégoire Collin, Alex Decas ou Michel Subor pour ne rien en faire – au point que ce soit le consensuel Vincent Lindon qui tire son épingle du jeu – est à la limite de la malhonnêteté. Et cette putain de dernière séquence, celle qu’elle a l’intelligence de ne pas montrer tout au long du film… pour nous l’infliger malgré tout en guise de générique de fin. A Cannes, elle annonçait que son film allait déplaire. Ça ne justifie rien. Salaud toi-même, Claire.
Les salauds, de Claire Denis, France, 2013 avec Vincent Lindon, Chiara Mastroiani, Micher Subor
Michael Kohlhaas, d’Arnaud des Pallières
Je n’aime pas trop les films en costume mais je trouve que Mads Mikelsen est un des acteurs les plus intéressant du moment. Comprenez la torture au moment de prendre ma place… Finalement, dans une démarche totalement cinéphile, je me suis décidé parce que l’affiche est jolie… Mads Mikelsen, donc. Un monstre de cinéma comme on n’en fait plus, à des années lumières des apollons hollywoodiens photoshopés. Il est danois, ça doit jouer quelque part. Encore un film qui refuse le positionnement moral et qui garde ses distances avec son sujet. Sauf que contrairement aux Salauds, c’est beau, lumineux, et ça ne parle pas pour ne rien dire – à l’exception de Denis Lavant, qu’on aurait préféré dans le rôle de César comme c’était prévu au départ. Est-ce que ça suffit pour en faire un film intéressant ? Au bout d’un moment, on se pose légitimement la question. L’austérité met un peu mal à l’aise, comme le personnage principal et le jeu de son interprète qui retrouve la minéralité du guerrier silencieux de Valhalla Rising (dernier bon film de Nicolas Winding Refn). Jusqu’à la dernière séquence où il explose en une cascade d’émotions qui emporte le spectateur. L’exécution, inévitable, de Kohlhaas, filmée d’un seul tenant en plan serré, laissant le bourreau et le reste du monde dans le flou pour se focaliser sur le visage bouleversant de Mikelsen, un moment de cinéma contenant tout ce qui fait défaut au film de Claire Denis. De l’humanité, tout simplement.
Michael Kohlhaas, de Arnaud des Pallières, France, 2013 avec Mads Mikelsen, Bruno Ganz, Paul Bartel