De corps et d’eau
Vincent quitte la ville pour partir dans le Verdon. Il semble fuir quelque chose. On découvre qu’il paraît dans son élément quand il est dans l’eau, cette eau qui lui donne des pouvoirs particuliers.
Dès le départ, un rythme est donné, peu de dialogues, des plans souvent larges, le dépouillement du héros fait écho à un dépouillement de la mise en scène. La nature est filmée simplement, sans artifice, rappelant par là la manière d’un Alain Guiraudie ou d’une Kelly Reichardt, ces cinéastes qui aiment la campagne et savent qu’elle se suffit à elle-même, qu’il ne faut pas chercher à l’embellir mais surtout arriver à la capter, prendre le temps de filmer ses bruissements. Il faut une certaine confiance dans son regard pour imposer ainsi des choix forts, radicaux qui peuvent dérouter mais sans jamais que ce soit voyant, sans jamais écraser le spectateur.
On trouve dans Vincent n’a pas d’écailles tout un travail sur la matière liquide, les textures, les miroitements, la luminosité, les différentes opacités, un travail impressionnant sur le son, et cela suivant les types de plans d’eau, rivières, lacs, piscine, océan, lacs sous la pluie, rues sous la pluie, torrents dans un fossé, baignoire, etc. Une mise en scène qui épouse cette fluidité et que contredit le corps du héros qui, sur terre, semble sans cesse statique, figé, mutique, paraissant ne pas savoir comment se mouvoir dans l’espace, pas très à l’aise dans le monde normal, en retrait. Mais sa rencontre avec Lucie (Vimala Pons, au jeu clair et mutin, qui incarnait La Fille du 14 juillet d’Antonin Peretjatko) va le changer, elle apporte du mouvement à son corps, elle l’entoure, le regarde, elle se transforme en un courant d’eau douce qui irait dans le sens inverse du corps du héros pour « la caresse la plus longue du monde ».
Dans la vie, c’est Lucie la super héroïne, c’est elle qui a un super pouvoir d’enchantement du monde.
Lui, son pouvoir le handicape, ne le rend pas heureux, l’oblige à fuir sans cesse, comme dans ces scènes d’actions efficaces et ludiques où le héros fuit la gendarmerie et où se pose sans cesse la question sur comment trouver de l’eau dans chaque nouvel espace.
L’eau envahit ainsi presque tout et pourtant le plan le plus beau se déroule de nuit, sur la terre ferme, éclairée d’une lampe de camping qui, d’une lumière blanche éblouissante, illumine la scène où l’on devine des feuillages, on ne voit pas bien où on est, ils sont tous les deux, elle disparaît dans le plan et réapparait en haut d’un arbre, il la rejoint puis decend, elle l’embrasse, la tête en bas, les pieds accrochés à une branche rappelant une scène du Spiderman de Sam Raimi. Cette scène est magique, nous plonge dans une ambiance onirique grâce à un jeu sur la lumière, une simple lampe de camping, pas besoin de grands mouvements de caméras, de millier de plans pour émouvoir. Tout est là.
Un film très cohérent d’un cinéaste qui va devenir important dans le paysage du cinéma français.
Vincent n’a pas d’écailles de Thomas Salvador, France, 2014 avec Thomas Salvador, Vimala Pons, Youssef Hadji…