Intérieur, extérieur
On suit Martha entre son entrée et sa vie dans une communauté sous l’emprise d’un gourou manipulateur et sa sortie de cette secte chez sa sœur et son beau-frère, couple friqué vivant au bord d’un lac.
C’est un film avec un dispositif simple, un montage parallèle entre le présent et passé avec un passage de l’un à l’autre qui fait parfois système mais l’ensemble reste fluide parcouru par une tension qui semble pouvoir exploser à tout moment.
On a peur du film à thèse sur le lavage de cerveau, le danger des sectes mais le cinéaste est plus subtil que ça. La grande maison de la sœur de l’héroïne et ses apparats bourgeois ont quelque chose d’étouffant et cette sœur qui essaie d’aider Martha à s’en sortir en l’habillant, la maquillant, ne cessant de lui dire qu’elle est belle, la chosifie comme la secte l’asservissait. Ainsi de nombreuses pistes sont ébauchées mais avec cette volonté d’être dans la retenue, de laisser de l’espace au spectateur. On peut s’en réjouir, le film n’est ni didactique ni écrasant mais ça masque aussi une certaine froideur, une mise à distance de l’émotion, une peur de se mouiller qui est parfois dommage tant les acteurs apportent une présence forte à leur personnage, de l’héroïne jouée par Elizabeth Olsen qui reste constamment troublante à cette sœur qui veut bien faire mais ne peut comprendre incarné avec beaucoup d’ambiguïté par Sarah Paulson. Du coup on assiste à un bel objet intrigant mais qui manque parfois de souffle, on aimerait que quelque chose fasse que le programme soit perturbé, que quelque chose dépasse le film, que ça déraille.
La mise en scène est élégante, de nombreux plans sont très beaux, ainsi ceux dans l’eau, la nature, celui où l’héroïne disparaît dans une verdure qui envahit l’écran, de même ces scènes où les membres de la communauté entrent par effraction dans des maisons en silence comme s’ils étaient des fantômes, impressionnent par leur étrangeté.
Les plans souvent fixes sans que cela devienne une posture, composés avec une beauté qui n’est pas ostentatoire, avec une lumière douce attentive aux visages, aux corps, aux vibrations participent à ce sentiment d’incertitude qui domine le film et perdurera après une fin surprenante et ouverte.
Martha Marcy May Marlene de Sean Durkin, EU, 2012 avec Elizabeth Olsen, Sarah Paulson, John Hawkes, Brady Corbet...
Un film assez intrigant et fascinant, un beau thriller psychologique.