en revenant du cinéma» adolescence http://enrevenantducinema.fr regards croisés sur le cinéma Tue, 19 Nov 2013 20:53:07 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.6.1 Clip de Maja Milos http://enrevenantducinema.fr/2013/05/09/clip-de-maja-milos/ http://enrevenantducinema.fr/2013/05/09/clip-de-maja-milos/#comments Thu, 09 May 2013 07:25:24 +0000 Guillaume Pic http://enrevenantducinema.fr/?p=1667

Jeunesse sans amour

Jasna a 16 ans. Elle habite en banlieue de Belgrade avec sa famille. Son oncle installé au Qatar lui a donné un téléphone dernier cri, et elle passe son temps à filmer avec. Le lycée, les copines délurées, les excès en tout genre, son corps aussi, et le garçon qu’elle désire. Bienvenue dans le quotidien d’une adolescente … Lire la suite...

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Clip-2

Jeunesse sans amour

Jasna a 16 ans. Elle habite en banlieue de Belgrade avec sa famille. Son oncle installé au Qatar lui a donné un téléphone dernier cri, et elle passe son temps à filmer avec. Le lycée, les copines délurées, les excès en tout genre, son corps aussi, et le garçon qu’elle désire. Bienvenue dans le quotidien d’une adolescente serbe d’aujourd’hui.
Elle ne supporte plus de vivre avec sa famille. Il n’y a que dans sa chambre où elle se sent à peu près libre, les autres pièces de l’appartement étant systématiquement des lieux d’affrontement, avec sa petite sœur ou avec sa mère. Elle déteste tellement être là qu’elle ne peut pas s’empêcher de leur faire payer. Son père à l’agonie s’efforce de prendre le moins de place possible, et elle l’ignore purement et simplement. Avec la cruauté propre à son âge, elle ira même jusqu’à reprocher à sa mère de faire comme si il n’était déjà plus là, alors que c’est elle. Il y a un véritable mur d’incompréhension entre les deux femmes. La mère essaie tant bien que mal de faire face au quotidien qui s’acharne sur sa famille, alors que Jasna rejette tout ce qui l’y ramène.
Au lycée, totalement délabré, il y a les copines, et surtout il y a Djole. Beau comme un dieu, l’adolescent a tout pour plaire : violent, nationaliste, meneur, il passe son temps entre la fête, le foot et les jeux vidéo. Jasna va tout faire pour attirer son attention, jusqu’à ce qu’il accepte enfin qu’elle le suce dans les toilettes du lycée. La séquence est froide, comme toutes celles qui jalonneront ensuite le film. Les deux adolescents s’appliquent à reproduire la sexualité que la société leur montre : il l’humilie parce que c’est ce qu’on attend de lui, elle le laisse faire pour les mêmes raisons. La réalisatrice, qui est passée par la case documentaire, filme leurs ébats sans la moindre pudeur ou velléité artistique. En écho à ce qui nourrit les fantasmes de ses personnages, ces clips amateurs tournés à l’arrache qui pullulent sur la toile. Gros plans, fellation, sodomie, il y en a pour tous les goûts dans cette nouvelle pornographie exclusivement masturbatoire qui a explosé avec internet*. On est frappé par les abîmes qui se dessinent ; ces jeunes font du sexe comme ils boivent, prennent de la drogue ou dansent. Ce sont autant d’exutoires au désespoir, à la misère, à l’absence d’avenir et à la solitude. La Serbie ne s’est jamais complètement remise de la guerre et l’ombre du conflit plane sur tout le film, dans les bâtiments en ruine, dans la scène glaçante de l’orphelinat, dans les excès de Djole. Et le message envoyé par la société capitaliste, notamment à travers les chansons d’une misogynie consternante qui rythment les fêtes du film, accentue encore un peu plus le malaise. La jeunesse serbe est totalement paumée, parce qu’elle ne croit plus en l’amour. Il arrive tout de même que des bribes arrachées à l’enfance remontent à la surface, comme lors de la très belle scène de l’hôpital ou Jasna vient se lover contre son père alité juste après qu’il lui ait dit qu’il l’aime, ou lorsqu’elle regarde des photos de famille avec ses grands-parents. Des moment forcément brefs, parce que dans sa tête, les illusions de l’enfance ont fait place depuis longtemps à la laideur du monde.
La réalisation est particulièrement inspirée, avec ce qu’il faut de distanciation et une belle maîtrise du point de vue qui contraste intelligemment avec les clips filmés par l’adolescente. A aucun moment Maja Milos ne porte de jugement sur ses personnages, c’est clairement la société serbe et la place qui y est réservée aux femmes qu’elle critique. Et si le sujet nous bouscule autant, c’est peut-être parce que chez nous aussi la question mérite d’être posée.
Malheureusement, c’est toujours la même chose : dès qu’un film se retrouve interdit aux moins de 16 ans pour des scènes de sexe non-simulées, vous pouvez être sûr que la presse généraliste ne retiendra que ça. Et encore, Clip s’en sort mieux que d’autres en leurs temps, puisque les habituels grenouilleuses et grenouilleurs de bénitier garants de la bonne morale – la leur, donc –, sans doute surbookés avec le mariage pour tous, ont eu la bonne idée de ficher la paix aux neuf salles courageuses qui le programment. Soyons clair, Clip n’est pas un film aimable. Il est rêche, âpre, violent et dérangeant. Mais au delà de tout cela, c’est un sacré bon film.

* Dans Baise-moi de Virginie Despentes et Coralie Trinh-Thi « sorti » en 2000, le filmage des scène de sexe empruntait beaucoup à la pornographie de l’époque – qui était essentiellement diffusée en VHS et DVD. En revoyant le film aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de constater un certain soucis d’esthétisme et de chaleur dans les choix de cadre, la représentation des corps et de l’acte sexuel, sans doute de manière inconsciente. Pour Clip, la réalisatrice a clairement choisi une (non-)esthétique qui fait écho au porno en vogue de nos jours.

Clip, de Maja Milos, Serbie, 2011 avec Isidora Simijonovic, Vukasin Jasnic

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Un amour de jeunesse de Mia Hansen-Love http://enrevenantducinema.fr/2011/07/04/au-fil-de-leau/ http://enrevenantducinema.fr/2011/07/04/au-fil-de-leau/#comments Mon, 04 Jul 2011 10:40:47 +0000 Baptiste Madamour http://enrevenantducinema.fr/?p=411

Au fil de l’eau

Sous l’apparente simplicité d’Un amour de jeunesse se cachent des partis pris de cinéma précis et radicaux. Mia Hansen-Love nous raconte l’histoire d’une adolescente vivant un amour absolu avec ses allers-retours, ses croyances, ses déceptions sur une durée d’un peu moins de dix ans. Sur cette durée où pourtant normalement les corps changent, les acteurs ne … Lire la suite...

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Au fil de l’eau

Sous l’apparente simplicité d’Un amour de jeunesse se cachent des partis pris de cinéma précis et radicaux. Mia Hansen-Love nous raconte l’histoire d’une adolescente vivant un amour absolu avec ses allers-retours, ses croyances, ses déceptions sur une durée d’un peu moins de dix ans. Sur cette durée où pourtant normalement les corps changent, les acteurs ne sont pas vieillis artificiellement à part la coiffure et les vêtements, comme s’ils ne pouvaient pas bouger tel leur amour qui ne semble pas évoluer, cela crée une étrangeté troublante, la cinéaste partage cette vision du cinéma où la vérité n’est pas dans l’illustration plate de la réalité avec l’identification facile qu’elle provoque, par exemple le jeu des acteurs crée un décalage, ils cherchent une douceur, une juste tonalité plus qu’une sensation de réalisme, la justesse est dans ces corps bougeant dans une lumière magnifique (un des grands talents de Mia Hansen-Love) qui se rencontrent, se touchent, se déchirent.
C’est un film en mouvement, nous suivons les pas de cette adolescente avançant dans la vie avec une apparente détermination, Mia Hansen-Love mène cette histoire avec une élégante fluidité, elle coupe dans la séquence, dans le geste et raccorde de façon très discrète à la séquence ou au geste suivant, ce qui fait qu’on passe d’une scène à l’autre comme dans une coulée. Elle ne tourne pas des séquences qui nous expliqueraient où on est, quand on est, juste un panneau de signalisation ici, une date inscrite au tableau, là, une façon sobre et efficace d’éviter d’introduire une scène, nous sommes plongés dedans directement, un cours de lycée, un bar, le personnage faisant un travail alimentaire, etc. rien n’est dit, cela demande parfois un temps pour comprendre où on est et pour ensuite arrêter de chercher à comprendre et nous laisser emmener, pour être dans la sensation plutôt que dans le commentaire, nous sommes dans tel pays avec telle personne puis la séquence semble se poursuivre dans un autre pays avec d’autres personnes. Cela a dû demander un travail important de découpage, de construction pour arriver à ce mouvement qui ne se voit pas, tout se fait en douceur, et contrairement à ces deux précédents films (les très beaux Tout est pardonné et Le père de mes enfants), il n’y a pas de ruptures brusques qui découpent le film.
Mais cette mise en scène brillante serait vaine si elle ne servait pas un sujet d’une grande sensibilité, cette impression de mouvement est en opposition avec le sentiment d’amour de l’héroïne, ce sentiment amoureux qui ne peut disparaître, qui « ne passe pas » (malgré les tendres et inquiètes injonctions parentales), et c’est ce contraste entre cette énergie visible de cette adolescente devenant une femme, cette force en mouvement qui apprend, s’enrichit mais qui en même temps cache une émotivité qui reste bloquée, comme à l’arrêt, symbolisé par ces lieux de mémoires où elle repasse comme pour un éternel retour, qui est bouleversant. Lorsque l’héroïne se permet après avoir refait les mêmes gestes qu’avec son amant (mettre des pierres sur une serviette poser au bord d’une rivière a rarement été un geste aussi touchant) de se lancer dans le courant de l’eau comme dans le courant de la vie, dans l’acceptation que les choses changent, une émotion nous étreint, cette émotion cachée sous l’apparente simplicité d’un amour de jeunesse.
Un amour de jeunesse de Mia Hansen-Love, France, 2010, avec Lola Creton, Sebastian Urzendowsky, Magne Havard Brekke…

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