Alain Guiraudie – en revenant du cinéma http://enrevenantducinema.fr Tue, 24 Apr 2018 20:15:36 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.8 Rester vertical d’Alain Guiraudie http://enrevenantducinema.fr/2016/09/05/2144/ http://enrevenantducinema.fr/2016/09/05/2144/#respond Mon, 05 Sep 2016 15:55:34 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2144 Un pas de côté

Rester vertical raconte l’histoire d’un scénariste qui a perdu son inspiration et se retrouve dans une impasse, il est permis de penser qu’on y trouve une … Lire la suite...

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Un pas de côté

Rester vertical raconte l’histoire d’un scénariste qui a perdu son inspiration et se retrouve dans une impasse, il est permis de penser qu’on y trouve une part autobiographique. Rester vertical semble avoir été fait contre le film précédent d’Alain Guiraudie, le très beau et puissant L’inconnu du lac, film d’une grande maîtrise formelle liant le désir et la mort autour d’un lac qui devient un espace confiné et étouffant avec un jeu impressionnant sur la répétition. Alain Guiraudie, après ce film majeur, ne pouvait que se trouver dans une situation délicate, refaire le même film ou retourner à ses films précédents, plus foutraques et fantaisistes avec toujours des éclats magiques, il semble avoir décidé de se mettre en danger, de remettre son inspiration en jeu.
Ainsi on suit Léo qui ne semble savoir où il va et on a l’impression de regarder un film qui ne sait pas non plus où il va, ce qui en fait la beauté et la fragilité. C’est comme une profession de foi contre un cinéma formaté et prévisible, comme l’atteste cette scène au milieu du film où le producteur s’emporte sur le fait qu’il n’y a pas de scenario. Un film construit, ultra-scénarisé qui plairait à tous, ce n’est pas le genre du cinéaste.
C’est sûrement le film le plus dépressif de l’auteur, si ses films précédents se paraient de moments d’angoisse, il y avait toujours un désir qui bouleversait tout, quitte à aller dans le mur mais au moins ça valait le coup d’essayer, le héros semble ici se prendre des coups sans trop comprendre pourquoi, il ne se rebelle pas vraiment, essaie juste de bien faire, ce qui va précipiter sa chute, il va de rencontre en rencontre mais il semble déconnecté, passif, en retrait, s’accrochant à son bébé comme à une bouée et Damien Bonnard est très fort pour rendre intense ce personnage buté et dépassé, par ce qu’il vit mais aussi par le monde et sa violence. L’espace est éclaté entre différents lieux, Cévennes, Brest, etc. et le héros passe de l’un à l’autre comme s’ils étaient à côté, il donne l’impression de tourner en rond avec ces lieux qui reviennent, comme ce virage de montagne, cette rue traversée des rails du tram, il ne trouve pas d’échappatoires, comme si le film faisait du surplace.
Ainsi ce film sur l’inhibition semble un peu en deçà mais son projet contenait déjà cet en deçà.
Guiraudie n’a pas perdu pour autant sa mise en scène, les plans de la Causse sous la nuit, de Brest ou des corps que l’on rencontre sont toujours d’une beauté évidente, qui d’autres sait aussi bien capter les sons de la nature, par exemple ? Il y a toujours des moments magnifiques, un sexe qu’on caresse, une sodomie euthanasiante, un enfant appât dans la nuit, une rencontre avec des loups ou ces gueules de brebis dans une bergerie nous interrogeant du regard, pourtant l’ensemble laisse un goût déceptif, il manque le souffle supplémentaire qui emportait tout dans ses précédents films mais cela semble nécessaire à l’auteur de prendre ce chemin de traverse pour retrouver sa verve et son désir.
Quand Alain Guiraudie se perd, on est prêt à le suivre tant il est, aujourd’hui, un cinéaste important, même s’il doit batailler pour rester vertical.
Rester vertical d’Alain Guiraudie, France, 2016 avec Damien Bonnard, India Hair, Raphaël Thiéry…

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Vincent n’a pas d’écailles de Thomas Salvador http://enrevenantducinema.fr/2015/02/24/vincent-na-pas-decailles-de-thomas-salvador/ http://enrevenantducinema.fr/2015/02/24/vincent-na-pas-decailles-de-thomas-salvador/#respond Tue, 24 Feb 2015 18:04:41 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2108 De corps et d’eau

Vincent quitte la ville pour partir dans le Verdon. Il semble fuir quelque chose. On découvre qu’il  paraît dans son élément quand il est dans l’eau, … Lire la suite...

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vincent3De corps et d’eau

Vincent quitte la ville pour partir dans le Verdon. Il semble fuir quelque chose. On découvre qu’il  paraît dans son élément quand il est dans l’eau, cette eau qui lui donne des pouvoirs particuliers.
Dès le départ, un rythme est donné, peu de dialogues, des plans souvent larges, le dépouillement du héros fait écho à un dépouillement de la mise en scène. La nature est filmée simplement, sans artifice, rappelant par là la manière d’un Alain Guiraudie ou d’une Kelly Reichardt, ces cinéastes qui aiment la campagne et savent qu’elle se suffit à elle-même, qu’il ne faut pas chercher à l’embellir mais surtout arriver à la capter, prendre le temps de filmer ses bruissements. Il faut une certaine confiance dans son regard pour imposer ainsi des choix forts, radicaux qui peuvent dérouter mais sans jamais que ce soit voyant, sans jamais écraser le spectateur.
On trouve dans Vincent n’a pas d’écailles tout un travail sur la matière liquide, les textures, les miroitements, la luminosité, les différentes opacités, un travail impressionnant sur le son, et cela suivant les types de plans d’eau, rivières, lacs, piscine, océan, lacs sous la pluie, rues sous la pluie, torrents dans un fossé, baignoire, etc. Une mise en scène qui épouse cette fluidité et que contredit le corps du héros qui, sur terre, semble sans cesse statique, figé, mutique, paraissant ne pas savoir comment se mouvoir dans l’espace, pas très à l’aise dans le monde normal, en retrait. Mais sa rencontre avec Lucie (Vimala Pons, au jeu clair et mutin, qui incarnait La Fille du 14 juillet d’Antonin Peretjatko) va le changer, elle apporte du mouvement à son corps, elle l’entoure, le regarde, elle se transforme en un courant d’eau douce qui irait dans le sens inverse du corps du héros pour « la caresse la plus longue du monde ».
Dans la vie, c’est Lucie la super héroïne, c’est elle qui a un super pouvoir d’enchantement du monde.
Lui, son pouvoir le handicape, ne le rend pas heureux, l’oblige à fuir sans cesse, comme dans ces scènes d’actions efficaces et ludiques où le héros fuit la gendarmerie et où se pose sans cesse la question sur comment trouver de l’eau dans chaque nouvel espace.
L’eau envahit ainsi presque tout et pourtant le plan le plus beau se déroule de nuit, sur la terre ferme, éclairée d’une lampe de camping qui, d’une lumière blanche éblouissante, illumine la scène où l’on devine des feuillages, on ne voit pas bien où on est, ils sont tous les deux, elle disparaît dans le plan et réapparait en haut d’un arbre, il la rejoint puis decend, elle l’embrasse, la tête en bas, les pieds accrochés à une branche rappelant une scène du Spiderman de Sam Raimi. Cette scène est magique, nous plonge dans une ambiance onirique grâce à un jeu sur la lumière, une simple lampe de camping, pas  besoin de grands mouvements de caméras, de millier de plans pour émouvoir. Tout est là.
Un film très cohérent d’un cinéaste qui va devenir important dans le paysage du cinéma français.
Vincent n’a pas d’écailles de Thomas Salvador, France, 2014 avec Thomas Salvador, Vimala Pons, Youssef Hadji…

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Bilan de l’année 2013 http://enrevenantducinema.fr/2014/01/15/bilan-de-lannee-2013/ http://enrevenantducinema.fr/2014/01/15/bilan-de-lannee-2013/#respond Wed, 15 Jan 2014 16:52:36 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1839 La France en force

Le titre ne doit pas faire croire que En revenant du cinéma verse tout d’un coup dans un nationalisme rance mais mettre en avant qu’après une … Lire la suite...

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L-Inconnu-du-lacLa France en force

Le titre ne doit pas faire croire que En revenant du cinéma verse tout d’un coup dans un nationalisme rance mais mettre en avant qu’après une année 2012 plutôt terne, l’année 2013 du cinéma nous paraît plus excitante et en particulier en ce qui concerne les productions françaises.
Ainsi le système de financement de ce cinéma qui donne des ulcères aux ultralibéraux et aux réactionnaires de tout poil continue de montrer une certaine efficacité (étonnant que le gouvernement actuel et sa logique de droite ne l’attaque pas plus comme il le fait pour les autres systèmes de solidarité). Bien sûr ce système peut être amélioré (par exemple la trop grande importance du scénario pour recevoir l’avance, l’absence de courage artistique des diffuseurs publics comme France2 ou France 3, la médiocrité de son cinéma grand public, etc.) mais il permet encore au cinéma français de survivre, et de belle manière, face à l’hégémonie étasunienne.

Donc commencer par l’Inconnu du lac, un des chocs de l’année.
On aimait déjà les films d’Alain Guiraudie, sa façon de filmer les corps, tous les corps, de les rendre sensuels, sa façon de mêler le politique à l’intime, la tristesse et la drôlerie.
En resserrant son cinéma sur un seul lieu, en bridant sa fantaisie, sa puissance explose. Un huis-clos en pleine nature, un lieu de drague homosexuel, un homme est tué, un héros se prend d’attirance pour le tueur. Un parking, une plage, la forêt, le lac, un jeu sur la répétition des plans qui transforme la beauté, la douceur de ce coin de nature en un endroit étouffant. Le désir pour les corps nus se mêle petit à petit à l’effroi, et cela par petites touches subtiles, jamais démonstratives, un changement de lumière sur l’eau, un léger décalage du plan, une serviette qui reste sur la plage et que personne ne prend la peine d’enlever, le regard des dragueurs qui au départ amusant devient angoissant, nous transforme comme le héros en proie, la présence de telle ou telle voiture sur le parking.
Un dispositif d’une grande simplicité qui permet d’aborder des sujets importants, qu’est-ce qui excite, comment faire durer le désir, la vie, le sexe, l’ennui, la mort. Rien que ça. Un petit bout de terrain où se croise le Cronenberg de Crash (la compulsion de répétition qui mène à la pulsion de mort) et l’étrangeté du Tropical Malady de Weerasethakul (la partie de la chasse au tigre dans la forêt surtout, deux des cinéastes qui savent le mieux filmer la nature)
Assurément un des films de l’année.

Un cinéaste comme Guiraudie arrive à une grande maturité mais on voit aussi la relève, de nombreux premiers films intéressants par leur liberté, excitants par leur ton novateur, leur forme.
Dans ces nouveaux auteurs, on trouve Justine Triet avec la Bataille de Solférino et son sens de la durée des plans, de leur respiration, sa capacité à nous mettre mal à l’aise sans nous provoquer, sans utiliser d’artifices faciles, avec une mise en scène précise alors qu’elle paraît très lâche, très ouverte. Où comment un homme, par certains côtés sympathiques, prend possession de l’espace et colonise la vie d’une femme, avec un regard qui ne surplombe jamais.
La fille du 14 juillet de Antonin Peretjako, un film branque qui part dans tous les sens, avec différents niveaux d’humour, burlesques, absurdes, lourds, poétiques, politiques, mises en abîmes, etc. Juste pour voir un enfant déguisé en cafard de Kafka gueuler contre l’endormissement général et se faire tirer dessus, pour voir Vincent Macaigne, égérie de ce nouveau cinéma, boire et fumer au volant, en envoyant chier la bienséance. Une forme foutraque et en même temps très précise qui donne un sentiment d’euphorie plutôt bienvenue. La joie est encore possible.

laviedadeleRevenir aussi sur la Vie d’Adèle (chapitres 1 et 2), passionnant et problématique. Abdellatif Kechiche sait filmer le trouble d’une jeune femme, comme dans la scène du coup de foudre qui nous saisit comme le personnage, ou le rougissement d’Adèle qui se fait embrasser par une fille pour la première fois, ce plan qui dure, à l’affût des émotions, curieux du visage d’Adèle Exarchopoulos, de voir comme il réagit et qui semble réellement réagir ainsi pour la première fois. Très belle aussi est la scène de retrouvailles entre Adèle et Léa dans un bar, scène non réaliste peut-être mais où on sent toute la force d’un amour physique, le désir qui les envahit, le personnage joué par Léa Seydoux se lâche enfin, l’amour et la souffrance la submergent, Kechiche nous emmène alors.
Sens du détail, de la captation de la peau, d’une aisselle, d’une cigarette tenue avec grâce, la gaucherie d’Adèle réajustant son pantalon en allant au lycée. La frontalité du style de Kechiche est alors à son meilleur.
Par contre comment a-t-il pu rater à ce point la scène de sexe ? Cette longue scène qui est censé être l’acmé du film, comment a-t-il pu à ce point refuser l’obstacle qu’il s’est lui-même fixé ? Alors que la puissance de son cinéma vient d’être littéralement du côté de l’héroïne, d’être sans cesse proche d’elle, avec elle, dans ses sensations, pourquoi lorsqu’il filme cette scène de sexe, il se met à distance, cadre plus large, enchaîne des positions figées pendant plusieurs minutes sans grâce, filme cela comme une performance, nous met soudain en position de voyeurs extérieurs, gênés d’être là. Pourquoi surtout il n’a plus eu confiance en son cinéma lorsqu’il nous plonge là où ça se passe ? Une soudaine pudeur malvenue ? Il veut tout nous montrer mais en restant à distance, on a alors l’impression paradoxale que la pudibonderie de Kechiche transforme la scène en exhibition. Ce ratage se répercute sur la suite du film, comment croire à la passion charnelle qui lie les deux personnages quand celle-ci sonne tellement faux. Heureusement le cinéaste nous rattrape ensuite mais la question de la représentation de la sexualité au cinéma reste ouverte et Kechiche n’apporte par les bonnes réponses.
lajalousie1L’année s’achève avec la Jalousie de Philippe Garrel et montre ainsi la diversité du cinéma français. Du jeu sur le trop de Kechiche (durée des plans, débordements émotionnelles, sensualité maximale, fluides de toutes sortes) on passe à l’épure de Garrel qui sait nous captiver par des ellipses sèches et la beauté intense des plans, par leur lumière, leur grain, par le regard du cinéaste sur Anna Mouglalis, qu’on retrouve grande actrice sans fard, et Louis Garrel. Des mains qui se touchent, une gare, la nuit, un appartement en haut d’un escalier, la blancheur des murs. Une séparation en quelques mots, en quelques plans. Un homme quitte une femme, en rencontre une autre, se fait quitter. S’engager dans une relation, ou non, la possession, l’indépendance, le dépouillement, le poids de la pauvreté sur la relation amoureuse, où le romantisme est porté par l’homme et la rationalité sexuelle par la femme. Tout est dit sans pathos, sans en rajouter. La puissance formelle de Garrel donne une ampleur à ce travail sur la simplicité, on a l’impression d’être proche de l’os. D’aller à l’essentiel.

Bien sûr, il n’y a pas que le cinéma français, même si avec le beau Frances Ha de Noah Baumbach, on y est toujours un peu, du titre du film à la scène d’hommage au Mauvais sang de Carax (s’il est de bon ton de détester le cinéma français par ici, il suffit d’aller voir ailleurs pour comprendre l’influence du cinéma français et sa place dans le cinéma mondial.) Woody Allen, Joon-ho, De Palma, James Gray et tant d’autres nous le prouvent mais on peut attendre le bilan de Guillaume pour avoir une vision moins francocentré du cinéma de 2013.

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