Ernst Lubitsch – en revenant du cinéma http://enrevenantducinema.fr Tue, 08 Mar 2016 15:31:23 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.4.4 The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson http://enrevenantducinema.fr/2014/03/14/grand-budapest-hotel-de-wes-anderson/ http://enrevenantducinema.fr/2014/03/14/grand-budapest-hotel-de-wes-anderson/#comments Fri, 14 Mar 2014 15:33:49 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1890 Carré blanc sur fond blanc

The Grand Budapest Hotel a un rythme échevelé, il est souvent drôle avec cet humour très subtil de Wes Anderson qui a un sens du timing pour faire rire à contre coup, juste par un plan qui dure quelques secondes … Lire la suite...

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thegrandbudapesthotel2Carré blanc sur fond blanc

The Grand Budapest Hotel a un rythme échevelé, il est souvent drôle avec cet humour très subtil de Wes Anderson qui a un sens du timing pour faire rire à contre coup, juste par un plan qui dure quelques secondes de trop, un regard, mais qui sait aussi utiliser le burlesque, la farce, le délire verbal, l’humour de répétition, ainsi ce héros dont le discours poétique et sentencieux est sans cesse interrompu par l’action, comme aussi ce dialogue qui s’éternise lors de l’évasion des héros alors qu’en tant que spectateur on voudrait leur crier de fuir au plus vite.
Le film est très cohérent, avec un grand raffinement dans les décors, les costumes, le jeu des acteurs toujours légèrement décalé, élégant aussi dans la mise en scène qui passe d’amples plans très larges à des plans moyens à l’aide d’un zoom rapide, avec un travail très habile sur le surcadrage, et aussi cette alternance de formats du film entre le moment où le récit se passe et celui où il est raconté. Cette finesse fait écho au raffinement du personnage principal et aussi avec cette idée que le dandysme c’est aussi rester droit, ne pas baisser la tête, maintenir sa vision du monde face à la barbarie, face à la montée du fascisme, même si la tristesse vient du fait que souvent la barbarie gagne.
Il y a quelque chose de beau dans cette volonté de garder la face en toute circonstance, ainsi ces scènes dans la prison où l’humanité du héros finit par gagner, où les prisonniers se révèlent respecter l’absence de compromission du héros, alors que les fascistes, eux, ne la comprendront jamais, que le virilisme qu’ils incarnent ne peuvent qu’écraser ce héros, son ami, l’art et par la même le réalisateur Wes Anderson.
Derrière ce monde ripoliné, affleure la monstruosité (comme dans cette scène au musée avec ces statues comme une armée uniforme et déshumanisés, ces scènes dans le train qui datent d’une certaine époque mais peuvent renvoyer à la politique de nos sociétés contre les immigrés…), la glaciation qu’on peut ressentir va de pair avec la glaciation d’un monde, tout cela est dit avec douceur, humour, ce n’est jamais asséné. Le film est intelligent, cultivé avec des références à la peinture et au cinéma des années 30, 40, Ernst Lubitsch bien sûr, on pense parfois à To be or not to be, on pense aussi au cinéma expressionniste allemand avec Willem Dafoe en Nosferatu, là aussi ces références irriguent le thème du film et en renforcent la portée.
Mais, parce qu’il y a un mais comme le début de cette critique pouvait le laisser deviner, en s’affrontant à ce grand sujet tout en gardant son style, quelque chose se perd.
On ne retrouve pas la puissance de certains précédents films de Wes Anderson alors que leur propos semblait plus modeste. On peut parfois craindre que le réalisateur se fasse dévorer par son système, on le sent à la frontière, comme l’était Tim Burton au moment de Sleepy Hollow, époque où il a commencé à faire du Tim Burton, à s’auto-citer, à se caricaturer, à agiter ses jouets de plus en plus dans le vide.
Ainsi cette fascination pour le détail, ce maniérisme qui font la force de Wes Anderson fonctionnent quand ils sont en opposition avec une émotion plus sourde et que cette émotion est portée par des personnages (et non par une idée comme dans ce film), quand des corps vont contre les vignettes, essaient de s’en échapper ou de les bousculer. Ainsi le couple d’adolescent et leur rage contre le monde qui leur était promis dans Moonrise Kingdom, un des grands films du cinéaste, et c’est cette tension entre ces plans très élaborés, très composés de Wes Anderson et l’énergie vitale (même si souvent c’est aussi une énergie dépressive) de ses personnages qui créait l’émotion et la poésie du film et l’empêchait de se retrouver figé.
Là le personnage de dandy du héros est ainsi en accord avec le projet du film, mais le répète de façon tautologique, ça fait qu’on reste dans la vignette, qu’on n’y échappe pas, au risque de l’étouffement, même si le jeu entre les deux acteurs (Ralph Fiennes, Tony Revolori, et tous les deux très justes) est souvent drôle et ce qui se passe entre eux est touchant.
Le personnage féminin du film n’existe pas, elle n’est qu’une figure qu’on pourrait trouver chez Jeunet. De même les différents caméos des acteurs et actrices fétiches du cinéaste semblent là pour faire un clin d’œil à ses admirateurs, alors que dans tous ces précédents films, les seconds rôles existaient très vite (on se souvient ainsi de Bruce Willis ou Edward Norton dans Moonrise Kingdom ou Angelica Huston dans La Vie aquatique parmi tant d’autres), l’apparition des différents personnages de maître d’hôtel devient alors qu’une longue référence à son propre cinéma (jusqu’au maître d’hôtel indien) qui peut être amusante pour les fans du cinéaste mais qui n’apportent grand chose au film.
Si The Grand Budapest Hotel est intéressant en de nombreux points, on aimerait que Wes Anderson cesse de penser à peaufiner son style au risque de le rendre totalement désincarné et qu’il recommence à casser sa maison de poupée pour voir ce que ça peut rendre, pour redonner de la vie à son monde.
The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, 2014 avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, F. Murray Abraham, Mathieu Amalric, Willem Dafoe…

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