John Cassavates – en revenant du cinéma http://enrevenantducinema.fr Sat, 18 May 2019 21:31:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.0.8 Good Time de Ben et Joshua Safdie http://enrevenantducinema.fr/2017/09/27/good-time-de-ben-joshua-safdie/ http://enrevenantducinema.fr/2017/09/27/good-time-de-ben-joshua-safdie/#respond Wed, 27 Sep 2017 15:47:48 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2301 En surchauffe

Deux frères, un, Nick dont le cerveau semble au ralentit, au corps massif qui cache une tristesse profonde, l’autre, Connie, qui va trop vite, qui semble toujours en … Lire la suite...

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En surchauffe

Deux frères, un, Nick dont le cerveau semble au ralentit, au corps massif qui cache une tristesse profonde, l’autre, Connie, qui va trop vite, qui semble toujours en mouvement, aux aguets, en colère. L’alliance de ces deux êtres qui s’aiment et se soutiennent va les entraîner dans le mur.
Connie, en bon adepte du rêve américain comme il se découvre dans un discours énervé sur les losers, veut quitter la misère, il essaie de s’en sortir en s’activant mais plus il s’active, plus il s’enfonce comme pris dans des sables mouvants. Il y a un certain humour dans cette plongée dans la mouise, un humour grinçant mais jamais cynique, on ne rit (nerveusement) pas contre les personnages, on est avec eux. Connie ne semble pas comprendre ce qui lui arrive et finira hébété comme les spectateurs. Il pensait pouvoir réussir mais il reste un loser, il n’y a pas d’issue. Les héros de Good Time sont pour la plupart des marginaux, ça se passe la nuit au milieu des perdants d’une société violente et inégalitaire. Le monde est poisseux, dur, ça se bat, ça gratte, ça palpite, ça gueule, ça cogne, ça saigne, ça s’aime. Les héros sont dans une logique de survie, et ceux qu’ils croisent sont dans la même logique, ça se débrouille, deale, vole. Il n’y a pas de jugement, tout le monde fait ce qu’il peut. Peu de cinéastes savent filmer la rue et ses marges avec autant de justesse et de puissance que les Safdie, ils filment la pauvreté, la démerde, sans jamais chercher à l’embellir ni à la mépriser, sans discours moral surplombant, sans humanisme rassurant, ni complaisance, ni condescendance, on est juste là où ça se passe, où ça vibre, on est juste là en empathie avec les personnages (comme avec l’héroïne voleuse de The Pleasure of Being Robbed, avec le père perdu de Lenny and the Kids où les amoureux drogués et autodestructeur de Mad Love in New York, les précédents films indispensables des cinéastes) et de prendre des acteurs célèbres comme Robert Pattinson ou Jennifer Jason Leigh, comme le fait de se coltiner au genre du film de braquage, ne change rien à leur regard sur le lumpenproletariat. Ils regardent ce monde avec suffisamment d’amour pour ces paumés magnifiques pour qu’on soit profondément touché par ce qui leur arrive.
Parfois le filmage à l’arrache, à l’épaule tient lieu d’unique choix de mise en scène pour certains cinéastes peu imaginatifs voulant faire du cinéma coup de poing, tripale, ce n’est pas le cas ici, la mise en scène paraît au premier abord brute, rêche, au plus près des corps, des visages, toujours en mouvement mais il y a beaucoup plus que ça, il y a un travail sur les couleurs, sur leur saturation, sur le trop qui correspond à ce qui se passe dans la tête de Connie, où tout semble toujours aller trop vite, des couleurs primaires vives, du rouge, du jaune, du bleu, en aplat, des couleurs baveuses et pimpantes dans la noirceur d’une nuit qu’on ne quitte qu’à quelques instants, le travail sur la lumière est vraiment très beau, des reflets venant des téléviseurs, des feux rouges, la peinture qui éclate dans une voiture, des vitraux apparaissant en arrière-fond d’un couloir d’hôpital, ou les néons d’un parc d’attraction, etc, il y a une vraie recherche picturale qui n’est jamais ostentatoire. Le travail sur le son est tout aussi impressionnant, une musique omniprésente qui n’accompagne pas le film mais qui est une partie aussi importante que la partie visuelle, une musique stridente, qui crée une tension permanente et qui s’arrête parfois et là aussi la captation des sons, comme ceux des machines d’un hôpital par exemple, est très précise.
Le montage est tendu, on est comme en apnée, on a du mal à respirer au diapason d’un héros en surchauffe, qui semble fourmiller d’idées, on sent une pulsation dans le corps des acteurs (tous justes et intenses), on la sent presque physiquement. Les Safdie savent jouer sur les ruptures de rythme, tourner une première partie sous la forme d’un thriller sous amphétamine, ultra efficace pour ensuite prendre des chemins de traverse où la vie explose de partout, comme dans cette appartement où le héros se réfugie, il en faut peu par exemple pour faire exister ce personnage d’adolescente fataliste, on pourrait parler aussi de ce mini film (qui semble en vitesse accéléré) dans le film quand une personne rencontrée (de façon accidentelle) raconte comment il s’est retrouvé à l’hôpital. Et la dernière scène emporte tout, en écho à la toute première, elle est déchirante, ce retour au calme suite à la course folle de Connie est d’une tristesse et d’une noirceur infinie, tout est rentré dans l’ordre, tout le monde est à sa place, les désirs sont entravés, doit-on s’en réjouir ? Cette scène finale alors que le générique défile et que la voix d’Iggy Pop nous bouleverse, aurait pu mériter à elle-seule qu’on donne la palme d’or à Good Time, mais tant mieux, ils n’ont pas besoin de ce genre de distinction pour être aujourd’hui des cinéastes majeurs.
Oui, les frères Safdie sont bien les enfants bâtards de Cassavetes (comme tous les cinéastes étiquetés comme mumblecore) et Scorcese (on pense parfois à After hours entre autres), on peut trouver pire comme parrains. Ce ne sont pas les seuls rejetons de ces cinéastes mais ils en sont, assurément, les plus talentueux, tant ces influences évidentes ne les empêchent pas d’avoir un univers et un style très personnel qui nous foudroient.
Good Times de Joshua et Ben Safdie, EU, 2017 avec Robert Pattinson, Ben Safdie, Jennifer Jason Leigh, Taliah Webster, Buddy Duress…

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Queen of Earth d’Alex Ross Perry http://enrevenantducinema.fr/2015/10/06/queen-of-earth-dalex-ross-perry/ http://enrevenantducinema.fr/2015/10/06/queen-of-earth-dalex-ross-perry/#respond Tue, 06 Oct 2015 14:17:11 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2129 Un îlot de verdure

Nous étions deux dans la salle ce lundi soir pour la seule projection de la semaine de Queen of earth à Grenoble, après une semaine où … Lire la suite...

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queenofearth2Un îlot de verdure

Nous étions deux dans la salle ce lundi soir pour la seule projection de la semaine de Queen of earth à Grenoble, après une semaine où le film fut montré deux fois à 14 heures.
C’est symptomatique du fait que ce cinéma indépendant étasunien, qui gravite autour de cette appellation un peu fourre-tout de mumblecore, n’est pas connu, désiré par ici. Pourtant, il vibre depuis une dizaine d’année de Joshua Safdie à Andrew Bujalski, avec des films qui mettent en avant le désir de tourner sans attendre d’avoir l’argent nécessaire, le geste, le mouvement, qui ne cherche pas la belle image, le beau plan démonstratif, la virtuosité technique mais à capter la vie, les errements, les angoisses, les rencontres et tant pis si l’image et le son sont un peu crade, si ces films sont  parfois foutraques du moment que surgissent des plans vibrants. Avec Cassavates et d’autres comme lointains parrains (On pense parfois au très beau Une femme sous influence pour ce Queen of Earth).
Alex Ross Perry poursuit cette veine avec ses personnages qui ont en commun une difficulté à rentrer en contact avec les autres, des losers solitaires de Color of Wheel à l’écrivain arrogant, élitiste et paumé de Listen up Philip, la particularité de ces héros est de passer leur temps à ne pas se faire aimer, ils ne sont pas agréables et il est difficile de s’identifier à eux, ils n’ont pas la névrose ou la dépression amusante ou touchante. Pourtant ils cherchent tous un moyen d’exister, de ressentir dans un monde qui n’est pas fait pour eux, ils ont en commun une difficulté de communication, tous ces personnages ne semblent pas avoir de filtre et s’envoient sans cesse des vérités d’une cruauté nue, comme les deux amies de Queen of earth. Et le cinéma de Perry, cru et direct, est cohérent avec ses personnages.
Ainsi Catherine, en deuil, angoissée, cherchant à se ressourcer avec son amie Virginie dans une maison de campagne mais qui s’enfonce dans le désespoir et la folie. Une histoire d’amitié jalouse, d’incapacité à se porter, à se soutenir. Un film d’une grande tristesse qui donne l’impression que l’intrusion de l’autre est violente, la moindre question, la moindre attention, sont perçues comme une agression.
Alex Ross Perry travaille un rythme très personnel qui donne une impression de flou, on ne sait pas toujours quand on est, avec un montage qui alterne longs moments de discussion et accélérations soudaines, raccords brusques, mélanges du passé et du présent, le tout accompagné d’une musique lancinante qui finit par devenir hypnotique. Il faut accepter de se laisser emmener et de se perdre avec Catherine. Dans cette fragmentation, il y a de la place pour la projection du spectateur. Tout n’est pas donné, rien n’est imposé. La mise en scène arrache de la vie aux personnages, à la lumière de la nature, de l’eau. Ainsi les plans semblent volés, vite faits alors qu’ils sont très beau, la photo est superbe. Cet havre de paix devient le lieu de l’enfermement volontaire, il y a quelque chose de paradoxale entre la splendeur des lieux, le chatoiement de l’eau et ce que ressent Catherine. Le décor naturel en devient lumineux, beaux mais aussi morbide.
Et surtout Alex Ross Perry prend le temps de filmer les visages, comme pour recueillir un chuchotement, des confidences. Elisabeth Moss (tout en fragilité) et Katherine Waterston (douce et violente) sont juste magnifiques, ce qu’elles donnent dans ce film, ce qu’elles nous donnent est impressionnant et mériterait en soi qu’on ne soit pas que deux un lundi soir dans ce cinéma à les regarder. Voir ce genre de films et le faible écho qu’ils ont donne envie de continuer à écrire des critiques mêmes si seules dix personnes les lisent, et continuer le combat avec tant d’autres, minoritaires peut-être mais présents, pour défendre un cinéma vivant.
Queen of Earth d’Alex Ross Perry, États-Unis, 2015 avec Elisabeth Moss, Katherine Waterston, Patrick Fugit…

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