en revenant du cinéma» Michel Ciment http://enrevenantducinema.fr regards croisés sur le cinéma Thu, 09 May 2013 18:16:32 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.5.1 Laurence Anyways de Xavier Dolan http://enrevenantducinema.fr/2012/08/20/laurence-anyways-de-xavier-dolan/ http://enrevenantducinema.fr/2012/08/20/laurence-anyways-de-xavier-dolan/#comments Mon, 20 Aug 2012 19:43:44 +0000 Baptiste Madamour http://enrevenantducinema.fr/?p=1093 Ne plus s’excuser

Ce qui impressionne avec Xavier Dolan c’est sa générosité, on pourrait prendre ça pour de l’arrogance mais on sent un cinéaste qui est tellement nourri de cinéma qu’il a une impérieuse nécessité de parler par ce biais là, c’est son langage. On trouve dans Laurence Anyways, ce film sur un homme qui devient une femme et sur son … Lire la suite...

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Ne plus s’excuser

Ce qui impressionne avec Xavier Dolan c’est sa générosité, on pourrait prendre ça pour de l’arrogance mais on sent un cinéaste qui est tellement nourri de cinéma qu’il a une impérieuse nécessité de parler par ce biais là, c’est son langage. On trouve dans Laurence Anyways, ce film sur un homme qui devient une femme et sur son histoire de couple, comme dans ses films précédents, cette idée d’un cinéma qui avale tout, différents courants du cinéma, de la nouvelle vague au cinéma étasunien, des clips, des pubs, des documentaires, pour tout recracher de façon fragmentaire, Xavier Dolan n’est pas dans la pureté de l’image, il travaille sur quelque chose d’impropre, de bancal, ça semble partir dans tous les sens et si certaines scènes sont moins fortes (celles avec la famille Rose par exemple sont parfois appuyées), si certains plans sont foireux (est-ce vraiment nécessaire de faire un plan à travers un verre), ces imperfections font parties de ce cinéma, elles en sont un élément, un film ne se découpe pas en tranche comme un gâteau, n’en déplaise aux critiques réactionnaires du Masque et la Plume*.
L’énergie du cinéaste emporte le film, il ne s’agit pas de faire un effet en soi comme un ralentit, utiliser un filtre coloré, faire pleuvoir des vêtements, c’est que le langage de Xavier Dolan ce sont ces différents niveaux de grammaire cinématographique, tout se mélange, tout est possible, et tout passe parce que le cinéaste est sincère, parce qu’il est insolent, parce qu’il s’en fout des conventions (ce qui est en adéquation avec l’idée du film), il fait penser à des cinéastes comme Christophe Honoré, l’important est dans le geste de filmer, la beauté de ce geste plutôt que dans la volonté de faire un beau petit objet bien léché pour critiques cinéphiles.
Ce n’est pas non plus de la mise en scène pour de la mise en scène, il s’intéresse réellement à ceux qu’il filme, aidé par un Melvil Poupaud simplement magnifique de douceur, de présence et refusant l’idée de la performance, nous ne sommes pas dans la composition, ce n’est pas Sean Penn jouant Harvey Milk, c’est d’autant plus beau qu’on voit autant Melvil Poupaud que le personnage qu’il incarne, on n’est pas là pour assister à un travail d’acteur, mais pour être avec lui, avec ce qu’il vit. Tous les acteurs sont vibrants, de Suzanne Clément, déjà très bien dans J’ai tué ma mère, à Nathalie Baye en mère dépassée, et Monia Chokri, aussi piquante dans un plus petit rôle que dans les Amours imaginaires.
De nombreux plans sidèrent, ainsi ce Melvil Poupaud en femme face aux élèves de sa classe, le silence à ce moment là est d’une puissance simple et la déambulation joyeuse qui suit dans les couloirs du lycée, les échanges de regards, son avancée joyeuse sur une musique entrainante donne envie de se libérer de tout un poids de normes sociales.
Il sait aussi filmer le corps de Suzanne Clément seule dans son appartement, et tous les face-à-face entre elle et Melvil Poupaud sont riches d’émotions, de vies.
Le film est étrange par son rythme, au départ les scènes s’enchaînent avec vivacité, Xavier Dolan sait nous faire ressentir la joie de Laurence d’être maintenant celle qu’elle veut être, mais ce n’est pas un film à thèse, le cinéaste n’est pas là pour illustrer un grand sujet, il ne filme pas un personnage en transition d’homme à femme mais un film d’amour entre deux êtres dont l’un est en transition. Ça change tout. Et le film ralentit, se délite, comme l’amour dans ce couple, malgré toute leur énergie, les deux personnages s’éloignent, et c’est juste déchirant.
Laurence Anyways de Xavier Dolan, Canada, Fr, 2012 avec Melvil Poupaud, Suzanne Clément, Nathalie Baye, Monia Chokri…

* Dans l’émission du 29 juillet 2012, Michel Ciment, Alain Riou… expliquaient que Xavier Dolan avait peut-être du talent mais qu’il faudrait qu’il écoute les techniciens (monteur, scénariste…) pour améliorer son film, revenant à cette idée qu’un film est fait avant tout par une somme de savoir-faire et non dans un geste artistique (quoiqu’en pense de l’œuvre de Xavier Dolan, difficile de nier qu’il a un style, une force…), disant aussi que le film était trop long, qu’il faudrait en couper une heure pour ensuite louer l’artisanat d’un Pierre Jolivet… Bref, pour eux, oublions tout le cinéma moderne et revenons à des vraies valeurs, un bon scénario plus de bon acteurs et un cinéaste là pour illustrer l’ensemble. Non désolé on préférera toujours un film avec de nombreux défauts mais filmé avec un vrai regard au cinéma mort que ces critiques proposent.
De plus en plus le Masque et la plume devient la maison de l’arrière garde des critiques de cinéma (à l’exception évidemment d’un Jean-Marc Lalanne qui doit bien avoir du courage parfois) sous la houlette d’un Jérôme Garcin en admiration devant Michel Ciment qui semble être le véritable animateur de l’émission. C’est dommage, ça nuit aux débats qui permettent de faire vivre le cinéma.

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Les Biens-aimés de Christophe Honoré http://enrevenantducinema.fr/2011/08/31/la-tristesse-des-midinettes/ http://enrevenantducinema.fr/2011/08/31/la-tristesse-des-midinettes/#comments Wed, 31 Aug 2011 10:14:57 +0000 Baptiste Madamour http://enrevenantducinema.fr/?p=437 La tristesse des midinettes

Christophe Honoré est un cinéaste qui fait fracture, détesté par certains, lui reprochant son sentimentalisme, son abus des références et un aspect bobo loin des réalités de la vraie vie des vrais gens, un cinéaste qui ne serait pas assez sérieux, aimé par d’autres dont nous sommes, trouvant dans ses films un sens du mouvement, une … Lire la suite...

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La tristesse des midinettes

Christophe Honoré est un cinéaste qui fait fracture, détesté par certains, lui reprochant son sentimentalisme, son abus des références et un aspect bobo loin des réalités de la vraie vie des vrais gens, un cinéaste qui ne serait pas assez sérieux, aimé par d’autres dont nous sommes, trouvant dans ses films un sens du mouvement, une humanité dans son regard sur ses acteurs, un élan de vie mêlé de tristesse qui nous chamboule.
Son dernier film Les Biens-aimés ne va pas arranger les choses et c’est tant mieux, il nous intéresse aussi pour cela, il ne cherche pas à être dans l’air du temps, il défend son univers, sa vision du cinéma, il s’inscrit dans l’histoire du cinéma français et ne s’excuse pas d’être un héritier de la nouvelle vague alors qu’aujourd’hui il est de bon ton d’oublier cette histoire, de revenir à cette idée que le cinéma, c’est un scénario solide, des acteurs qui composent et un réalisateur ayant une grande virtuosité technique, bref que ça doit en mettre plein la vue, un cinéma d’avant les nouvelles vagues qui ont suivi la seconde guerre mondiale, retour de bâton théorique dont le grand prêtre serait Michel Ciment de Positif qui exècre Honoré et ce qu’il présente, il est ainsi la cible des cinéphiles réactionnaires (nous ne considérons pas que tous les critiques qui n’aiment pas Honoré le sont pour autant, mais nous parlons d’un mouvement d’ensemble qui voudrait que le cinéma français soit représenté par Jacques Audiard, Bertrand Tavernier plutôt que par Honoré, Bertrand Bonello ou Mia Hansen-Love par exemple).
Ceci serait déjà des raisons suffisantes pour défendre cet auteur mais nous aimons aussi sa vision et sa pratique du cinéma, il tourne beaucoup, ce qui est en soi ni un défaut ni une qualité, mais plutôt que de chercher pendant des années la perfection (la perfection est obscène comme le décrétait François Truffaut), l’œuvre ultime, le grand film qui impose sa puissance à tous, il transmet son plaisir de tourner et tant pis s’il y a des scories, un plan foireux ici, quelque chose de surlignée là, l’important est le mouvement, le geste, il essaie d’attraper l’instant où il se passe quelque chose entre les acteurs plutôt que d’être dans la construction du plan qui va impressionner, capter le visage de Chiara Mastroianni dans la nuit comme si c’était un plan volé, filmer au plus près des corps nus qui font l’amour, voir ce que ça crée, filmer la maladresse d’un chant pas tout à fait maitrisé touchant par la fragilité que ça produit.
Dans Les Biens-aimés, la première partie, un Paris des années 60 coloré d’un bleu et rose venant d’un film de Jacques Demy, est un Paris irréel qui pose les bases de son film, nous ne sommes pas dans une approche qui se veut réaliste, dans le sens où ça doit faire vrai, nous sommes face à un film dont l’objet est le sentiment et uniquement cela, Les Biens-aimés fonctionne par strates, nous allons traverser le printemps de Prague, le 11 septembre, etc. on part du rose et du bleu pastel pour aller vers le gris, le noir comme dans ce moment de bascule, cette superbe scène chantée où l’on croise la mère et la fille à deux périodes différentes sur le même pont. Si on retrouve cette tonalité de tristesse mêlée de joie qui trame son cinéma, cette histoire qui parle de la perte, de l’amour impossible ou de son usure comme dans la trilogie parisienne (Dans Paris, les Chansons d’amour, La belle personne), on sent plus de lourdeur dans les corps, dans ce qui s’échange au diapason d’une société dépressive (avec parfois quelques facilités dans la volonté de coller à l’époque), l’air est plus étouffant, la légèreté étant surtout incarné par les personnages plus âgés, les trentenaires semblent, eux, tétanisés. Par exemple le triolisme était ludique dans les chansons d’amour, là il précède le drame. On rit moins mais on perçoit toujours les lignes de fuite, si le film est plus âpre que ses précédents, il n’en est pas moins un appel à ne pas se laisser enfermer, un appel à continuer à aimer, à chanter malgré tout, à continuer de vivre quelques soient les malheurs de l’époque ou les drames traversés, un appel aussi à continuer de faire un cinéma qui nous transforme en midinettes, ces filles qui savent qu’au fond il n’y a rien de moins frivole que de se raconter et de vivre des histoires d’amour.
Les Biens-aimés de Christophe Honoré, France, 2011 avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Ludivine Sagnier, Louis Garrel…

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