Wes Anderson – en revenant du cinéma http://enrevenantducinema.fr Tue, 24 Apr 2018 20:15:36 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.8 The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson http://enrevenantducinema.fr/2014/03/14/grand-budapest-hotel-de-wes-anderson/ http://enrevenantducinema.fr/2014/03/14/grand-budapest-hotel-de-wes-anderson/#comments Fri, 14 Mar 2014 15:33:49 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1890 Carré blanc sur fond blanc

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thegrandbudapesthotel2Carré blanc sur fond blanc

The Grand Budapest Hotel a un rythme échevelé, il est souvent drôle avec cet humour très subtil de Wes Anderson qui a un sens du timing pour faire rire à contre coup, juste par un plan qui dure quelques secondes de trop, un regard, mais qui sait aussi utiliser le burlesque, la farce, le délire verbal, l’humour de répétition, ainsi ce héros dont le discours poétique et sentencieux est sans cesse interrompu par l’action, comme aussi ce dialogue qui s’éternise lors de l’évasion des héros alors qu’en tant que spectateur on voudrait leur crier de fuir au plus vite.
Le film est très cohérent, avec un grand raffinement dans les décors, les costumes, le jeu des acteurs toujours légèrement décalé, élégant aussi dans la mise en scène qui passe d’amples plans très larges à des plans moyens à l’aide d’un zoom rapide, avec un travail très habile sur le surcadrage, et aussi cette alternance de formats du film entre le moment où le récit se passe et celui où il est raconté. Cette finesse fait écho au raffinement du personnage principal et aussi avec cette idée que le dandysme c’est aussi rester droit, ne pas baisser la tête, maintenir sa vision du monde face à la barbarie, face à la montée du fascisme, même si la tristesse vient du fait que souvent la barbarie gagne.
Il y a quelque chose de beau dans cette volonté de garder la face en toute circonstance, ainsi ces scènes dans la prison où l’humanité du héros finit par gagner, où les prisonniers se révèlent respecter l’absence de compromission du héros, alors que les fascistes, eux, ne la comprendront jamais, que le virilisme qu’ils incarnent ne peuvent qu’écraser ce héros, son ami, l’art et par la même le réalisateur Wes Anderson.
Derrière ce monde ripoliné, affleure la monstruosité (comme dans cette scène au musée avec ces statues comme une armée uniforme et déshumanisés, ces scènes dans le train qui datent d’une certaine époque mais peuvent renvoyer à la politique de nos sociétés contre les immigrés…), la glaciation qu’on peut ressentir va de pair avec la glaciation d’un monde, tout cela est dit avec douceur, humour, ce n’est jamais asséné. Le film est intelligent, cultivé avec des références à la peinture et au cinéma des années 30, 40, Ernst Lubitsch bien sûr, on pense parfois à To be or not to be, on pense aussi au cinéma expressionniste allemand avec Willem Dafoe en Nosferatu, là aussi ces références irriguent le thème du film et en renforcent la portée.
Mais, parce qu’il y a un mais comme le début de cette critique pouvait le laisser deviner, en s’affrontant à ce grand sujet tout en gardant son style, quelque chose se perd.
On ne retrouve pas la puissance de certains précédents films de Wes Anderson alors que leur propos semblait plus modeste. On peut parfois craindre que le réalisateur se fasse dévorer par son système, on le sent à la frontière, comme l’était Tim Burton au moment de Sleepy Hollow, époque où il a commencé à faire du Tim Burton, à s’auto-citer, à se caricaturer, à agiter ses jouets de plus en plus dans le vide.
Ainsi cette fascination pour le détail, ce maniérisme qui font la force de Wes Anderson fonctionnent quand ils sont en opposition avec une émotion plus sourde et que cette émotion est portée par des personnages (et non par une idée comme dans ce film), quand des corps vont contre les vignettes, essaient de s’en échapper ou de les bousculer. Ainsi le couple d’adolescent et leur rage contre le monde qui leur était promis dans Moonrise Kingdom, un des grands films du cinéaste, et c’est cette tension entre ces plans très élaborés, très composés de Wes Anderson et l’énergie vitale (même si souvent c’est aussi une énergie dépressive) de ses personnages qui créait l’émotion et la poésie du film et l’empêchait de se retrouver figé.
Là le personnage de dandy du héros est ainsi en accord avec le projet du film, mais le répète de façon tautologique, ça fait qu’on reste dans la vignette, qu’on n’y échappe pas, au risque de l’étouffement, même si le jeu entre les deux acteurs (Ralph Fiennes, Tony Revolori, et tous les deux très justes) est souvent drôle et ce qui se passe entre eux est touchant.
Le personnage féminin du film n’existe pas, elle n’est qu’une figure qu’on pourrait trouver chez Jeunet. De même les différents caméos des acteurs et actrices fétiches du cinéaste semblent là pour faire un clin d’œil à ses admirateurs, alors que dans tous ces précédents films, les seconds rôles existaient très vite (on se souvient ainsi de Bruce Willis ou Edward Norton dans Moonrise Kingdom ou Angelica Huston dans La Vie aquatique parmi tant d’autres), l’apparition des différents personnages de maître d’hôtel devient alors qu’une longue référence à son propre cinéma (jusqu’au maître d’hôtel indien) qui peut être amusante pour les fans du cinéaste mais qui n’apportent grand chose au film.
Si The Grand Budapest Hotel est intéressant en de nombreux points, on aimerait que Wes Anderson cesse de penser à peaufiner son style au risque de le rendre totalement désincarné et qu’il recommence à casser sa maison de poupée pour voir ce que ça peut rendre, pour redonner de la vie à son monde.
The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, 2014 avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, F. Murray Abraham, Mathieu Amalric, Willem Dafoe…

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Le blues du critique (épisode 3) http://enrevenantducinema.fr/2013/04/03/le-blues-du-critique-episode-3/ http://enrevenantducinema.fr/2013/04/03/le-blues-du-critique-episode-3/#comments Wed, 03 Apr 2013 00:02:58 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1494

– « Allô, Guillaume ? C’est Baptiste…
– Ah, salut Bat. Tu tombes mal, j’ai pas beaucoup de temps là…
– T’inquiète, j’en ai juste pour une minute. Je viens de relire … Lire la suite...

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ulysse

– « Allô, Guillaume ? C’est Baptiste…
– Ah, salut Bat. Tu tombes mal, j’ai pas beaucoup de temps là…
– T’inquiète, j’en ai juste pour une minute. Je viens de relire ton dernier article et franchement, ça me laisse dubitatif…
– … Ah bon ? Tu sais, je me rappelle pas trop, ça fait un bout de temps…
– Tu l’as posté le dix janvier. En introduction, tu annonçais en fanfare un texte sur le premier film que tu as vu cette année, non… ?
– …Allô… ? Allô.. ? Je capte super mal, là… Je suis chez des amis et y a pas de réseau…
– Guillaume, j’appelle sur ton fixe, là. Chez toi.
– …Ah, d’accord, je me rappelle maintenant ! Tu vas jamais me croire… En fait, j’avais écrit un super texte mais le chien de ma grand-mère a mangé ma clef USB, et…
– Pffff… N’importe quoi !
– Je te jure ! Sur la tête de mes futurs enfants. Et comme j’avais pas fait de sauvegarde… La tuile, quoi !
– Et ton bilan de l’année dernière, tu vas me dire qu’il était sur la même clef, c’est ça ?
– Euh… oui, exactement, il était sur la même clef… que le chien-chien à ma mamie a mangé… C’est con, hein ? Et toi, ton bilan de l’année, il en est où… ?
– Au moins je n’ai rien promis à nos fidèle lecteurs, moi… Sérieusement, ça serait pas mal que tu nous pondes un article avant l’été. J’en ai marre de bosser tout seul, moi !
– T’inquiète, j’ai un truc du tonnerre sur le feu. Une analyse au cordeau. Et j’y dissèque non pas un, ni deux mais trois films ! Des films que j’ai presque tous aimé en plus ! Houlà, c’est qui commence à se faire tard ; faut que j’y vais, moi. D’ailleurs, j’ai plus de pièces…
– Plus de p… Mais c’est moi qui t’appelle, espèce de… »

(tut…tut…tut…)

Donc, le premier film que j’ai vu cette année… Parents, enfants et grands-enfants, ne vous faites plus avoir par les platitudes dysneiènnes et apparentées qui lorgnent sans vergogne vers votre porte-monnaie. Tim Burton et Pixar n’en finissent plus de mourir, et Scratt commence à nous les briser menu à courir après ses noisettes. Chez nous aussi ça commence devenir agaçant, entre les promesses déçues de Folimage et les copies carbones des américaniaiseries sus-citées. Heureusement, une poignée d’auteurs s’est dit que ça serait pas mal de revenir aux bases, comme les livres pour enfants par exemple. Alors que le cœur de cible de l’animation mainstream reste désespérément les parents, ils proposent des films destinés avant tout aux enfants mais qui, par leurs qualités et leurs propos, séduisent sans difficulté les adultes. Dernier exemple en date, Ernest et Célestine de Benjamin Renner, Stéphane Aubier et Vincent Patar, basé sur les travaux de Gabrielle Vincent. Alors oui, je sais, c’est un peu tard pour le découvrir en salle mais le DVD devrait montrer le bout de ses moustaches dans une dizaine de jours. Jetez-vous dessus, c’est d’une beauté et d’une intelligence rares.
Pour le bilan, fichtre… Déjà, j’ai raté un nombre impressionnant de films majeurs, ce qui réduit les possibles. Ajoutons à cela une cuvée 2012 franchement moyenne, surtout si on la compare à la précédente. Pas de coup de cœur indiscutable, mais quelques fulgurances tout de même. Le mélancolique Oslo, 31 août de Joachim Trier par exemple, dont la magistrale séquence du bar n’a pas fini de me hanter. Ou l’improbable Faust d’Alexandre Sokourov, découvert à 10 heures du matin pendant la fête du cinéma et qui me laissa une étrange impression de jouissance cinéphile, de couleurs chatoyantes et de virtuosité. Encore plus déstabilisant, mais d’une beauté et d’un jusqu’au-boutisme qui forcent le respect, Ulysse, souviens-toi ! de Guy Maddin avec Jason Patric – l’acteur le plus improbable de la terre vu qu’il s’est fait connaître en remplaçant Keanu Reeves dans inénarrable Speed 2 ! Et puis, forcément, Moonrise Kingdom de Wes Anderson, que j’évoquais en détail ici. Pas forcément le meilleur film de son auteur, mais quel plaisir de retrouver sa simplicité, son univers et l’émotion qui en découle. Et pour Bruce Willis dans un rôle à la mesure de son immense talent, hélas gâché à force de facilité hollywoodienne.
Voilà, une nouvelle année commence (rires), pleine de promesses et d’envies. Mes bonnes résolutions seront d’une simplicité désarmante : essayer d’aller au cinéma aussi souvent que possible, parce que la plupart des films ne pourront jamais vraiment exister en dehors de l’écrin magique d’une salle obscure. Retrouver le plaisir des bonnes séries télé aussi, et essayer d’en parler un peu plus. Et oui Baptiste, je vais essayer d’écrire plus régulièrement, et… Bon, d’accord, j’arrête de faire des promesses que je ne tiendrai pas…

 

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Damsels in distress de Whit Stillman http://enrevenantducinema.fr/2012/10/19/damsels-in-distress-de-whit-stillman/ http://enrevenantducinema.fr/2012/10/19/damsels-in-distress-de-whit-stillman/#comments Fri, 19 Oct 2012 17:15:10 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1126 Une délicate détresse

Damsels in distress se passe presque entièrement sur un campus étasunien avec ses associations, ses fraternités, un groupe de filles qui s’occupent d’une association pour prévenir les … Lire la suite...

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Une délicate détresse

Damsels in distress se passe presque entièrement sur un campus étasunien avec ses associations, ses fraternités, un groupe de filles qui s’occupent d’une association pour prévenir les suicides dissertent sur la vie, l’amour, etc. Tout paraît familier mais tout est décalé, les héroïnes essaient d’empêcher les suicides grâce à des donut ou des savons, des étudiants qui se forment au métier d’enseignant ratent leur suicide en sautant du premier étage de leur université, un étudiant cinéphile converti au catharisme ne pratique que la sodomie pour être conforme avec sa religion, un autre ne sait pas reconnaître les couleurs parce que ses parents élitistes lui ont fait sauter les classes où il aurait dû les apprendre.
On pourrait être dans une comédie mais le cinéaste ne cherche pas le gag, il cherche l’absurde, les personnages ne cessent d’échafauder des théories, les discussions s’enchainent sans avoir vraiment de sens évident. Le ton est léger alors que le fond est sombre, les héroïnes regardent ce qui les entourent avec détachement comme blasées, trop lucides sur ce qui les attend dans la vie. Il faut beaucoup de talent aux actrices pour rendre émouvantes ces étudiantes absentes à elles-mêmes. La mise en scène fluide et élégante caresse ces visages en douceur.
Ce qui intéresse le cinéaste c’est de créer un monde irréel, le film paraît intemporel, il a gommé tous les signes de modernités (écrans, téléphones, etc.), les tenues pourraient dater des années 60, voir être plus anciennes, nous sommes dans un lieu clos qui apparaît comme un éden, ainsi lorsque Violet (incarnée par Greta Gerwig, déjà impressionnante dans le Greenberg de Noah Baumbach) s’échappe du campus, un plan la montre descendre un escalier qui s’enfonce sous terre, puis un plan la montre remonter cette escalier avant le retour au campus, l’ailleurs n’existe pas vraiment. La luminosité et les couleurs vives du film renforcent cette impression paradisiaque.
Ce lieu clos n’est pas un espace réel c’est un espace mental, l’espace de la cinéphilie, le titre du film emprunte celui d’un film de George Stevens avec Fred Astaire, deux personnages s’embrassent devant Baisers volés de Truffaut, on y parle de la nouvelle vague mais on pense aussi aux comédies musicales de Demy, de Minelli… Le film s’inscrit aussi parmi une famille de cinéastes contemporains comme Wes Anderson qui partage son dandysme, la même minutie dans la composition des plans et cet humour déceptif très particulier, ces étudiantes, qui marchent dans leur robe claire, baignées de soleil, rappellent les sœurs de Virgin Suicides (avec le thème du suicide abordé d’un autre angle) de Sofia Coppola, on peut retrouver le Kaboom de Gregg Araki… On pourrait parler d’une famille de cinéastes pop, qu’on retrouve en France dans le Mods de Serge Bozon. Ces films ont en commun le même regard délicat sur des personnages en inadéquation avec la société, qui ne se révoltent pas et cherchent à créer leur propre univers à côté en assistant à la décadence du monde.
Toutes ces références ne sont pas là pour donner des signes de reconnaissance aux cinéphiles, elles sont le sujet du film, face à l’ennui, à la tristesse, le cinéma est le lieu qui permet d’accepter de vivre, qui permet de respirer, de s’échapper, Violet parle des claquettes comme du meilleur moyen pour sortir de la dépression, on peut voir cela comme la métaphore du cinéma pour Whit Stillman. C’est pourquoi ces scènes de comédie musicale qui clôturent le film sont particulièrement émouvantes, elles sont le moyen de s’extraire de la pesanteur des choses.
Damsels in distress de Whit Stillman, EU, 2012 avec Greta Gerwig, Analeigh Tipton, Carrie MacLemore, Megalyn Echikunwoke…

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Moonrise Kingdom, de Wes Anderson http://enrevenantducinema.fr/2012/05/26/moonrise-kingdom-de-wes-anderson/ http://enrevenantducinema.fr/2012/05/26/moonrise-kingdom-de-wes-anderson/#comments Sat, 26 May 2012 20:10:51 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1037 Coup de foudre à New Penzance

Il y a des films qu’on déteste et d’autre qui nous laissent indifférents. Il y a ceux qu’on voudrait aimer et ceux qui nous Lire la suite...

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Coup de foudre à New Penzance

Il y a des films qu’on déteste et d’autre qui nous laissent indifférents. Il y a ceux qu’on voudrait aimer et ceux qui nous ouvrent les yeux sur le monde. Et au dessus de tout cela, il y a « ces films qui vous regardent grandir », comme les appelait le regretté Serge Daney. Moonrise Kingdom appartient sans conteste à cette dernière catégorie.
Une idée sous-tend l’ensemble du cinéma de Wes Anderson : le pouvoir de la singularité contre le conformisme de la société. Dans ses films, cette dernière est systématiquement ramenée à un modèle réduit, que ce soit la famille (La famille Tenenbaum, Fantastic Mr Fox), une école (Rushmore) ou un train (À bord du Darjeeling Limited). Dans Moonrise Kingdom, ce sont une multitude de micro-mondes qui vont se heurter aux aspirations des deux jeunes héros : la famille – on y revient toujours – de la jeune Suzy, enfant « difficile » que ses parents, un couple d’avocats au bord de la rupture (Bill Muray et Frances McDormand, parfaits) ne comprennent pas. Pour Sam, deux fois orphelin (ses parents sont décédés et sa famille d’accueil refuse qu’il revienne chez eux après l’été), c’est une troupe de scouts dirigée par le surprenant Edward Norton. L’aventure se déroule sur une île au large de la Nouvelle Angleterre, où un policier au regard triste, incarné avec beaucoup de justesse par l’impeccable Bruce Willis, représente sans trop y croire l’autorité. Comme dans chaque film du réalisateur, les gens jouent le rôle que la vie leur a donné avec résignation. Les parents de Suzy ne se parlent plus qu’en termes juridiques, et l’aventure extraconjugale que sa mère entretient avec le policier est d’une platitude affligeante. Au camp scout, les camarades de Sam le persécutent par principe, parce qu’il est différent, parce qu’il faut bien une tête de turc mais sans chercher à le connaître ou à le haïr plus que ça. Au milieu de ces microcosmes dépassionnés, Sam et Suzy refusent de se laisser écraser par le poids de la prédestination et préparent secrètement leur fuite depuis un an. Un beau jour, ils rassemblent leurs effets personnels et disparaissent, prenant tout le monde de court et amorçant une réaction en chaîne dont personne ne sortira indemne.
Du haut de leurs douze ans, ils se sont reconnus dès qu’ils se sont vus: deux âmes sœur rejetées par leurs entourages respectifs parce qu’ils ont soif de d’émotions, d’expériences, de changement. Il dessine, elle lit, il sait se débrouiller en pleine nature, elle est impitoyable lorsqu’on menace leur liberté. Et ils s’aiment, avec une innocence, une détermination et une telle intensité qu’ils vont finir par faire bouger les lignes. Petit à petit, les différentes communautés vont se rallier à leur cause et faire bloc contre les services sociaux – représentation ultime d’une société déshumanisée – qui veulent enfermer Sam dans un centre pour jeune délinquant. En sauvant l’enfant, chacun a la possibilité de redonner un sens à son existence.
Le scénario, particulièrement intelligent, n’oublie jamais qu’un conte comporte immanquablement une part de tragédie. Si les élans comiques du film, jouant sur le décalage et systématiquement empreints de mélancolie, sont essentiellement assurés par les personnages adultes, le parcours de Sam et Suzy est jonché de situations dramatiques. Et même si le spectateur comprend vite que tout finira forcément bien, ses nerfs seront mis à rude épreuve à plusieurs reprises. Autre idée brillante: faire un parallèle entre leur passion amoureuse et les incidents climatiques qui émaillent le long-métrage. La vie est une succession d’événements cataclysmiques, mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, ils se révèlent souvent être une bonne chose. Une tempête, un torrent en crue et même un coup de foudre – quelle idée géniale ! –, ça fiche la trouille mais ça permet de ressentir, de grandir, d’avancer.
Moonrise Kingdom
est d’une telle richesse qu’il faudrait bien plus d’un simple article pour en faire le tour. Ce film est tout simplement magistral, et je croise les doigts pour que le jury de Nanni Moretti lui rende les honneur qui lui sont dû.
Moonrise Kingdon
, de Wes Anderson, EU, 2012. Avec Jared Gilman, Kara Hayward, Bruce Willis, Bill Murray, Frances McDormand, Edward Norton, Jason Schwartzman…

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