Woody Allen – en revenant du cinéma http://enrevenantducinema.fr Sat, 18 May 2019 21:31:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.0.8 L’Homme irrationnel de Woody Allen http://enrevenantducinema.fr/2015/10/14/lhomme-irrationnel-de-woody-allen/ http://enrevenantducinema.fr/2015/10/14/lhomme-irrationnel-de-woody-allen/#respond Wed, 14 Oct 2015 16:33:40 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2135

L’alibi de la légèreté

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L’alibi de la légèreté

Un prof de philo dépressif vient enseigner dans une université ou il est attendu comme une personnalité brillante et atypique, une étudiante, en couple avec un charmant et fade étudiant, s’intéresse à lui. On rentre dans le film d’une façon très directe, Woody Allen ne s’embarrasse plus de la question de l’exposition de l’histoire. Abe, Joaquin Phoenix, est en voiture, on voit différents profs et élèves parler de son arrivée et décrire en même temps son background, c’est simple, efficace, la situation de départ est posée.
Le problème avec Woody Allen, c’est qu’il a fait tellement de films, avec un ton si personnel que parfois on l’entend comme on entend son personnage d’Harry dans tous ses états, lorsqu’il présente chaque idée d’histoire. Ainsi pendant qu’on regarde L’Homme irrationnel, c’est comme si on entendait la voix de Woody Allen raconter « alors ce serait l’histoire d’un homme totalement déprimé qui arrive dans une université huppée… », on l’imagine même surgir de l’écran. Surtout que le film est très distancié, très écrit, avec une voix off qui raconte la situation au passé, une musique jazz discrète… il y a de plus en plus quelque chose de méta. Dans ses meilleurs films, cette impression disparaît, on oublie tout ça et on est happé, là ce n’est pas totalement le cas.
On devine qu’il s’amuse à expédier certaines scènes, comme celle de l’ouverture, comme cette scène où tout bascule, où Abe a une révélation, comme la scène où il met en évidence cette lampe de poche pour qu’on sache qu’elle aura un rôle et montrer comment le hasard change l’existence, ainsi aussi celles où Abe enseigne et survole en quelques phrases lapidaires Kant, Kierkegaard et les existentialistes, etc. Il ne veut pas s’arrêter sur ces passages obligés, ces nœuds scénaristiques ne l’intéressent pas et peu lui importe de les amener sans chercher la subtilité.
L’impression de distance vient de là et du fait que ce film est une sorte de somme de tous les thèmes Alleniens, l’étudiante amoureuse de son prof plus mûr, le fait de se créer des illusions, de se raconter des histoires pour accepter l’absurdité de la vie (comme dans Meurtres mystérieux à Manhattan, Magic in the moonlight, Blue Jasmine…), le crime et la culpabilité, ou l’absence de culpabilité (de Crimes et Délits à Match point) qui nous fait nous mesurer à Dieu ou à son absence, et surtout comment la philosophie, l’intelligence, la compréhension du monde n’aide pas à vivre mieux.
Ainsi on part sur un carré amoureux (où ce sont les femmes qui ont l’initiative, draguent, montrent leur désir, choisissent, ce qui est un des aspects réjouissant du film), on croit que l’enjeu est là puis on bifurque de façon artificielle sur une affaire policière tout en gardant le même ton un peu badin, ce qui est intéressant c’est comment il passe de l’un à l’autre, comment l’intrigue amoureuse cède la place à l’intrigue à la Dostoïevski (et à la Hitchcock dans sa mise en place, on pense à La Corde, au Crime était presque parfait) avec ses questions de morale individuelle. Si Jill vit une histoire amoureuse, lui ne sort avec elle que pour asouvir son sentiment de toute puissance. Le fait qu’il y ait deux voix off qui se confrontent et ne racontent pas la même histoire illustre cet entrelacs de façon habile.
Le problème est que la greffe ne prend pas vraiment parce que Joaquin Phoenix ne s’intègre pas idéalement dans l’univers de Woody Allen, on est indifférent à son sort. Joaquin Phoenix, son corps massif, son visage fatigué n’est pas à sa place dans cet univers propret mais il ne semble pas tout à fait à sa place dans le film non plus. On sent l’ironie sur cet homme que tout le monde vénère mais qui est finalement assez crétin (« du style mais pas de fond » comme dit la mère de Jill). En creux émerge ainsi une critique d’une certaine vulgarité. Le hiatus entre cet homme qu’on dit brillant et les banalités qu’il peut raconter est au centre du film, cet homme qu’on voit en partie avec les yeux voilés de l’amoureuse Jill. C’est intelligent mais on se souvient de la violence du meurtre de Scarlett Johansson dans Match Point, ça nous prenait au ventre, et pourtant on continuait d’éprouver de l’empathie pour le tueur, alors qu’ici, le sort d’Abe, et aussi du coup l’histoire d’amour qu’il a avec Jill, nous indiffère.
Heureusement les personnages féminins sont forts et portés par des actrices magnétiques de Jill, Emma Stone, (révélée dans Supergrave), mutine, fébrile, tout en mouvement, et Rita, Parker Posey, à la présence sûre, ce sont elles qui portent le film, et Woody Allen les filme avec talent, les plus beaux plans sont sur elles, Jill devant la lumière d’un lac, Rita pleurant dans une voiture en rompant avec son mari.
Ce qui est dommage, c’est qu’on voit le canevas d’un grand film s’il y avait eu plus d’implications, il y a une facilité à ainsi baigner dans quelque chose que Woody Allen connaît, l’univers de la fac, un milieu bourgeois et intellectuel, une mise en scène fluide et élégante, à la lumière douce, sans âpreté.. On assiste à une variation agréable sur les thèmes Alleniens, en espérant que dans le prochain le cinéaste se mettra un peu plus en danger (il faut agir comme dit le héros, se confronter, prendre des risques).
L’Homme irrationnel de Woody Allen, États-Unis, 2015 avec Joaquin Phoenix, Emma Stone, Parker Posey…

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Blue Jasmine de Woody Allen http://enrevenantducinema.fr/2013/10/21/blue-jasmine-de-woody-allen/ http://enrevenantducinema.fr/2013/10/21/blue-jasmine-de-woody-allen/#respond Mon, 21 Oct 2013 16:16:46 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1804 Portrait en miroir

Peut-être que Woody Allen n’est pas un de ces cinéastes qui a un style voyant pour en mettre plein la vue aux spectateurs, contents d’en avoir alors … Lire la suite...

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BlueJasminePortrait en miroir

Peut-être que Woody Allen n’est pas un de ces cinéastes qui a un style voyant pour en mettre plein la vue aux spectateurs, contents d’en avoir alors pour leur argent, mais dans Blue Jasmine si sa mise en scène ne se voit pas elle sait pourtant être fluide et élégante et se mettre au service du portrait de cette femme, Jasmine, ex-épouse d’une sorte de Madoff, qui refuse sa déchéance sociale.
Le film est d’un abord plutôt étrange avec deux niveaux, les personnages secondaires qui sont filmés avec une douce ironie (la veine Vicky Christina Barcelona) sur un versant alors que sur l’autre Jasmine est du côté du drame filmée de façon plus frontale.
La greffe des deux ne semble pas prendre mais c’est le nœud du film. Jasmine n’est pas dans le cours normal du monde, elle est isolée comme dans cette scène de dispute où sa sœur Ginger s’engueule avec son petit ami, elle est là et ailleurs, comme si elle était de trop dans le plan. Elle n’est jamais réellement présente tout en voulant prendre toute la place, que ce soit drôle, pittoresque ou dramatique, elle est son propre film, sa propre histoire, peu importe le reste du monde. Elle n’est pas dans le même ton que les autres personnages et acteurs et c’est l’intelligence de la mise en scène de nous faire ressentir cela par la différence de jeu, de rythme, par les différences de placement dans le plan.
Peut-être que les personnages secondaires auraient pu être plus intenses, par exemple ce personnage de sœur trop gentille qui voudrait s’accrocher au wagon Jasmine et finit par s’assumer, mais l’ironie anxieuse de Woody Allen est là par petites touches (est-ce que Ginger en fêtant sa réconciliation avec Chili se libère de l’emprise de sa sœur ou le fait-elle par fatalisme social ?) Si ces personnages étaient plus forts, ça aurait nuit à l’équilibre subtil du film.
Ainsi à première vue Blue Jasmine s’inscrit dans la continuité des films plus sociaux de Woody Allen tels que Match Point ou Maudite Aphrodite. La question de la domination sociale, financière et culturelle est bien sûr une des questions du film et il évite l’opposition complaisante entre la « vraie vie des petites gens » et la bourgeoise arrogante et corrompue. Cette bourgeoisie est arrogante mais d’un autre côté ne peut-on pas comprendre que Jasmine préfère une vie avec maison sur l’océan, voyage à Vienne, appartement avec un haut plafond qu’être la secrétaire d’un dentiste harceleur tout en vivant chez sa sœur ? On voudrait qu’elle accepte la réalité mais a-t-elle vraiment tord de vouloir échapper à cette condition, sa beauté est de continuer vaille que vaille contre tous, quitte à perdre la raison. Le portrait est cruel, et c’est la force de Cate Blanchett et de Woody Allen d’arriver à nous rendre le personnage sympathique par instant sans qu’elle ne se départ de sa morgue méprisante pour son entourage.
Ce qui apporte une autre dimension est le fait que le film travaille cette idée de classe sociale mais la dépasse sans l’abandonner. Ce n’est pas seulement une femme qui n’accepte pas d’être pauvre, mais c’est quelqu’un qui met en scène sa vie, qui considère que le conte dans laquelle elle veut vivre est mieux que la réalité (elle ne veut pas voir qu’elle est pauvre comme elle ne veut pas voir les aventures sexuelles de son mari, comme elle ne comprend pas que ce fils la rejette suite à ce qu’elle a fait, et elle s’énerve contre son potentiel nouveau mari quand il ne comprend pas l’intérêt de ses mensonges « mais j’allais bien m’en rendre compte à un certain moment », elle ne peut pas faillir, elle ne peut pas se tromper.)
Cette femme qui ne cesse de se raconter c’est évidemment aussi un autoportrait de Woody Allen. Jasmine a toujours besoin de spectateurs même quand ils l’écoutent à contre-cœur comme dans la scène d’ouverture (qui contient déjà tout le film) ou celle à la fois drôle et anxiogène dans un bar avec ses neveux. L’angoisse que vit le personnage dans la dernière scène pourrait très bien être celle qui taraude le réalisateur « et si je continuais à parler, à faire comme si j’étais le grand cinéaste que beaucoup admirent alors que plus personne ne m’écoute, si je tombais de mon piédestal de cinéaste et me retrouvais seul. »
Ainsi on retrouve l’idée développée dans Harry dans tous ses états, les films comme un moyen de vivre et d’accepter la tristesse de la vie, sauf qu’alors les films aidaient vraiment le double de Woody Allen, là ça ne marche plus, la réalité est sombre mais se réfugier dans l’illusion ne peut aider. On peut faire ce qu’on peut pour essayer de se créer un monde imaginaire, les contes de fée n’existent pas, les choses ont une fin, rien ne peut empêcher que la vie soit douloureuse.
Blue Jasmine de Woody Allen, 2013, EU avec Cate Blanchett, Sally Hawkins, Alec Baldwin…

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