cinéma canadien – en revenant du cinéma http://enrevenantducinema.fr Tue, 24 Apr 2018 20:15:36 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.8 Juste la fin du monde de Xavier Dolan http://enrevenantducinema.fr/2016/09/29/fin-monde-de-xavier-dolan/ http://enrevenantducinema.fr/2016/09/29/fin-monde-de-xavier-dolan/#respond Thu, 29 Sep 2016 13:49:40 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2153 Au plus près

Un dramaturge revient dans sa famille qu’il n’a pas vue depuis plus de dix ans pour leur annoncer sa mort prochaine.
Juste la fin du monde présente … Lire la suite...

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Au plus près

Un dramaturge revient dans sa famille qu’il n’a pas vue depuis plus de dix ans pour leur annoncer sa mort prochaine.
Juste la fin du monde présente plusieurs similitudes avec Tom à la ferme du même Xavier Dolan, la structure est assez proche, une famille refermée sur elle, un père absent, un frère travaillé par de la violence, tout se passe dans et autour de la demeure familiale, les deux films sont tirés de textes théâtraux, et les deux sortent après un film qui paraît plus ample et ambitieux (Laurence anyways et Mummy). Mais Juste la fin du monde intègre d’une façon différente le texte dont il est issu.
L’idée est de prendre la famille pour ce qu’elle est, un théâtre où chacun joue son rôle de façon caricaturale et ne peut en sortir. Xavier Dolan dirige des acteurs, stars, dont l’image est forte qui sont assignés à des rôles comme chacun l’est dans sa famille. Marion Cotillard en épouse réservée, Vincent Cassel tout en violence blessé, Léa Seydoux en post-adolescente en colère, etc. Chacun est dans son emploi, tous jouent une participation qu’ils ont déjà jouée, qu’ils sont fatigués de jouer, ce qui est en adéquation avec ces personnages qui semblent répéter sans cesse les mêmes rituels, comme cette description des dimanches que la mère raconte pour la énième fois.
Le héros, Louis, est le spectateur, il vient voir une pièce qui se joue sans lui depuis longtemps et son regard va renvoyer les autres à leur manque. Dolan ne cherche pas à gommer la théâtralité du texte, dans les longs dialogues, les hésitations, etc. Il y a ainsi et dès le départ une artificialité volontaire, au début du film, les personnages s’apprêtent avant l’entrée en scène.
Le choix de l’échelle de plans travaille ce matériel théâtral, le cinéaste refuse les plans larges qui permettrait d’englober tous les personnages comme s’ils étaient sur une scène, il fait le choix inverse d’utiliser de façon quasi exclusive des gros plans qui les isolent, les déconnectent les uns des autres. Ainsi chacun joue seul, dit son texte mais le dit vers le spectateur plutôt que vers quelqu’un qui partagerait le plan.
Xavier Dolan est un des cinéastes qui travaillent de la façon la plus systématique le rapport du corps au cadre, et ici plus spécifiquement du visage. Dans presque tous ses films, ses héros ne cessent d’être enfermés dans le plan comme ils le sont d’une famille, des normes sociales, ou de leur propre violence. Ils ont toujours du mal à respirer, essaient de s’échapper.
Les choix radicaux de mis en scène ne sont pas des afféteries, ils sont en cohérence avec ce qu’il cherche à obtenir, c’est-à-dire observer comment les membres de cette famille vont essayer d’exister malgré les carcans. On les voit en gros plan aussi parce qu’ils sont tous trop près les uns des autres, le regard est intrusif, tout le monde commente et critique ce que l’autre fait, ont peut deviner que c’est ce qui a poussé Louis à partir.
De même les souvenirs sont filmés comme un clip ou des pubs, parce qu’on ne peut plus les revivre, on ne peut pas retrouver ce qui est passé.
Ces choix de mise en scènes sont forts mais jamais le cinéaste n’oublie ni ne méprise ceux qu’il filme, jamais il ne sacrifie l’émotion que portent les personnages sur l’autel de l’esthétisme. Et c’est beau la façon dont Louis qui porte le rôle du metteur en scène, s’efface dans son projet de vouloir dire quelque chose pour laisser la place aux autres, et surtout à son frère, même si c’est trop tard et qu’il ne pourra pas mettre un peu d’harmonie dans l’ensemble, qu’il ne pourra voir que le vide qu’il a laissé.
Ça éclate parce que Xavier Dolan n’a pas peur de l’émotion, du trop, de ce qui déborde, et ce dès le départ, il y a de la générosité dans ce torrent, dans le fait de prendre le risque du ridicule, du too-much, ce qui arrive parfois mais ce n’est pas grave, la perfection n’est-elle pas « obscène » ?
À une époque où les films jouent souvent du non-dit, travaillent la glaciation, il oppose le bruit, l’émotion, la colère, les pleurs, mais au moins il y a de la vie même dans cette famille figée dans une répétition mortifère.
Juste la fin du monde de Xavier Dolan, Canada, France, 2016 avec Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Vincent Cassel, Léa Seydoux, Marion Cotillard…

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Tom à la ferme de Xavier Dolan http://enrevenantducinema.fr/2014/04/25/tom-la-ferme-de-xavier-dolan/ http://enrevenantducinema.fr/2014/04/25/tom-la-ferme-de-xavier-dolan/#respond Fri, 25 Apr 2014 13:14:21 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1923 L’homophobie aux trousses

Après Laurence Anyways un film d’une grande ampleur, sur plusieurs périodes, différents lieux, différentes atmosphères, qui faisait pleuvoir des vêtements de couleur, qui passait du drame à … Lire la suite...

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tomalafermeL’homophobie aux trousses

Après Laurence Anyways un film d’une grande ampleur, sur plusieurs périodes, différents lieux, différentes atmosphères, qui faisait pleuvoir des vêtements de couleur, qui passait du drame à la joie, un film qui était tout en mouvement, en débordements variés de larmes, d’amour, de musiques, Xavier Dolan adapte une pièce de théâtre avec Tom à la ferme et semble proposer quelque chose de plus modeste. Un film resserré, une courte période de temps, peu de personnages, trois puis quatre, quasiment un seul lieu.
Pourtant dès les premiers plans, quand on voit Xavier Dolan, cheveux décolorés, perfecto, au volant de sa voiture, traverser un champ avec en BO les Moulins de mon cœur de Michel Legrand, chantée à capela, on sait qu’on retrouve le cinéaste, son côté effronté, son lyrisme, sa frontalité, son refus du cynisme. Il est là, présent, prêt à en découdre. Le personnage avec une terre hostile, le cinéaste avec le cinéma de genre et ses codes.
Il mêle son univers au thriller hitchcockien (cité plusieurs fois, la douche, le champ de maïs, etc.) voir au cinéma d’épouvante, sauf que dans ce film, le monstre ou le serial killer est un beau gosse fermier qui pourrait faire la couverture de Têtu.
Nous suivons l’histoire de Tom qui vient enterrer son compagnon et sera confronté à la violence homophobe du frère et le déni de la mère du défunt. Assez vite on comprend que cette mère et son fils sont mal vus par les voisins, que le passé est pesant, et une des forces du film n’est pas de fermer toutes les pistes qui s’ouvrent, de ne pas chercher à tout nous expliquer, comment ce père est mort, est-ce que cette mère était martyrisée ou violente, qu’a vécu le frère mort, etc. ce qui laisse la place à l’imaginaire et renforce le mystère de cet endroit et de cette famille.
La topographie des lieux est très travaillée, la maison, la ferme, les champs de culture, l’espace est ouvert, plat et en même temps la mise en scène nous donne l’impression qu’il est clos, refermé, l’espace est habité d’une violence rentrée alors que ça pourrait être bucolique, les feuilles de maïs deviennent des lames coupantes.
Le frère (Pierre-Yves Cardinal, très présent, un mélange de douceur et d’agressivité) est un personnage ambiguë, brutal, qui semble assumer d’être un homo refoulé et qui se présente comme garant de la tranquillité de la famille. Il paraît sûr de lui, il préserve un modèle, tant pis si pour ça, il doit user de ses poings. Et l’intelligence politique du film (qui était peut-être déjà contenue dans la pièce de théâtre) est là, le frère ne justifie pas sa violence par un discours directement homophobie, mais toujours pour ne pas déranger la vie de sa mère, pour sauver les apparences, pour protéger son petit univers, ça renvoie évidemment aux discours de ceux qui veulent défendre la nation, la tradition, la famille soi-disant sans aucune haine contre les personnes LGBTI alors qu’évidemment la haine est là, à vif. Et pour ce frère, la haine est aussi, comme ça arrive, contre ses propres désirs.
Il y aussi une idée de cinéma avec ce travail sur le genre. L’idée que ce genre de film est basé sur le fameux suspense à la Hitchcock et la surprise. Il montre que l’important n’est pas seulement la violence directe dans ce rapport de domination mais aussi ces deux éléments, le suspense et la surprise, l’attente du moment où les coups arrivent et le fait que ça peut arriver à tout moment alors qu’on ne s’y attend pas. Tom semble même tenté de provoquer cette violence parce que de savoir qu’elle peut être déclenchée pour le moindre faux pas crée une tension peut-être plus destructrice que les coups eux-mêmes. Comme pour ces discussions dans le film où on sent que ça va mal finir, où on sait qu’il va y avoir un mot de trop dit par Tom avant que ça n’explose mais sans qu’on sache quand. Comme dans cette belle et terrible scène du tango, qui paraît à la fois apaisée et chargée d’excitation sexuelle et de violence latente.
Le suspense est destructeur, c’est une des raisons du changement de format de l’écran dans le film. Un format plus proche de celui du téléfilm pour le quotidien réaliste glauque et étouffant. Puis les scènes où le héros est chassé, frappé, le format se resserre, se transforme en cinémascope, nous sommes dans les films d’action, la violence paraît irréelle, non inscrite, comme fantasmée.
Et pourtant elle est là, et le héros se retrouve couvert de bleu mais cela le plonge dans l’hébétude, surtout qu’elle semble répondre à l’idée qu’il se fait de lui-même (il écrit se haïr), une idée qu’il a intégré, qu’elle répond à un processus d’identification à l’agresseur et aussi tout un jeu de fascination mutuelle, le héros est comme fasciné par la violence qu’il reçoit avant de se rendre compte du risque réelle.
La force de ce film est de nous faire ressentir cette tension, de nous faire partager cette « excitation » du suspense, mais en nous affrontant à ce que cela signifie, en faisant cela, il nous associe au personnage principal, et le fait que Xavier Dolan le joue lui-même participe à cette impression d’être au plus près, d’être toujours avec lui, que c’est lui, quoiqu’il se passe qui est la victime, jamais le cinéaste ne le surplombe, de même il filme le frère et la mère sans les caricaturer.
Il y a aussi un beau travail sur le montage, sur les ellipses, la violence n’est pas toujours montrée, comme ce moment où il montre juste la scène ensuite, l’hématome sur l’œil de Tom. Pas besoin de s’appesantir sur l’acte, la violence est partout et pas seulement au moment où ça se passe, à partir du moment où le rapport de domination est là, il n’y a plus d’échappatoire.
Le film ainsi travaille des zones sombres, malaisantes et c’est le talent du cinéaste d’affronter le sujet sans jamais que ce soit complaisant même si quelques fois le film frôle l’exercice de style que ce petit jeu des interactions crée, quelques moments paraissent un peu trop écrit et théorique. Xavier Dolan prend même le risque de trouver un angle « ludique » avec par exemple l’arrivée de Sara qui se retrouve au milieu de cette imbroglio, s’en suivent des scènes presque drôles et pourtant dramatiques sans jamais que ce soit ironique ou ricanant, le fait qu’elle refuse de rentrer dans ce jeu, qu’elle affronte le frère violent par son assurance crée une respiration nécessaire dans ce film anxiogène et puissant.
Tom à la ferme de Xavier Dolan, Canada, 2014 avec Xavier Dolan, Pierre-Yves Cardinal, Lise Roi, Evelyne Brochu…

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Upside down de Juan Solanas http://enrevenantducinema.fr/2013/04/30/upside-down-de-juan-solanas/ http://enrevenantducinema.fr/2013/04/30/upside-down-de-juan-solanas/#respond Tue, 30 Apr 2013 16:33:17 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1607 Un film fait la tête en bas

Upside down est typiquement un film « pitch », une idée de départ qui pourrait être amusante, deux planètes qui sont toute proches avec une … Lire la suite...

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upside-downUn film fait la tête en bas

Upside down est typiquement un film « pitch », une idée de départ qui pourrait être amusante, deux planètes qui sont toute proches avec une gravité inversée, la planète d’en bas avec les pauvres, celle d’en haut avec les riches, le passage de l’un à l’autre est interdit. Une histoire d’amour, une fable sur les frontières, sur l’immigration, sur le néocolonialisme, (la planète d’en haut prend le pétrole de celle d’en  bas pour faire de l’électricité qui ne profitera qu’aux riches…), le film est traversé par de nombreuses idées mais le film ne dépasse jamais ces idées, parce que le cinéaste ne prend pas la peine de vraiment filmer les différentes parties de ce film pour en faire un tout.
Rien ne se met en place, tout semble forcé, le montage est fait à la hache, ça passe d’un point à l’autre sans que ces points ne soient reliés. Alors on ne croit en rien, les acteurs sont des pantins qui ne savent pas trop ce qu’ils doivent jouer et malgré Kirsten Dunst qu’on a beaucoup aimé de Virgin Suicides à Melancholia, ou dans la trilogie Spider-man, on ne croit pas à l’histoire d’amour qu’elle partage avec le héros. De même alors qu’on imagine qu’il est censé être difficile de passer d’un monde à l’autre, le héros ne cesse de le faire sans que la répression policière ne soit si efficace que ça, du coup on ne ressent aucune tension lorsqu’il se retrouve dans le monde dans lequel il ne doit pas être, l’action est mal mené.
On ne sait pas trop pourquoi mais les personnes qui changent de planète garde la gravité de leur planète d’origine. Ce n’est pas du tout logique mais admettons, sauf que le héros, pour être dans l’autre monde à l’aide d’éléments à la gravité inversée, se retrouve à marcher la tête en bas mais le cinéaste n’en fait rien, le héros se fait avoir en allant aux toilettes parce que l’urine monte au lieu de descendre mais comment se fait-il que le héros ne se rende pas compte qu’il est dans l’autre sens, pourquoi son sang ne lui monte-t-il pas à la tête ? D’une certaine façon, la vraisemblance, le réalisme n’est pas si important mais le cinéaste doit nous embarquer, c’est à lui de nous faire croire à quelque chose qui n’est pas crédible. Cette idée, même foireuse, aurait pu créer un spectacle qui joue avec cette gravité, Juan Solanas semble juste en extase devant son « pitch », il se plaît à filmer des paysages avec des montagnes en haut en bas, des immeubles qui descendent du ciel. Si parfois ça rend pas mal comme l’image saisissante de tous ces bureaux en vis à vis, en haut les cadres, les cols blancs, en bas les cols bleus, mais hormis quelques idées visuelles, il ne fait pas vivre son idée de départ. Ça n’a ni la puissance spectaculaire de la grosse production, ni le charme et l’inventivité d’une série B.
C’est dommage parce que le film que cette bande annonce de 1h47 semblait promettre pouvait être excitant.
Upside down de Juan Solanas, 2013, Canada, France avec Jim Sturgess, Kirsten Dunst, Timothy Spall…

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Inch’Allah d’Anaïs Barbeau-Lavalette http://enrevenantducinema.fr/2013/04/02/inchallah-danais-barbeau-lavalette/ http://enrevenantducinema.fr/2013/04/02/inchallah-danais-barbeau-lavalette/#respond Tue, 02 Apr 2013 09:38:52 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1486 Qu’as-tu vu à Ramallah ?

Chloé est une médecin canadienne qui travaille à Ramallah et qui habite côté israélien. Elle sympathise avec une jeune militaire israélienne et avec la famille d’une … Lire la suite...

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inch-allah3Qu’as-tu vu à Ramallah ?

Chloé est une médecin canadienne qui travaille à Ramallah et qui habite côté israélien. Elle sympathise avec une jeune militaire israélienne et avec la famille d’une palestinienne enceinte. Ce début laisse craindre un film qui se résumerait à une sorte d’ode à l’amitié entre les peuples, tout le monde devrait s’aimer et tout serait plus simple, quelques scènes comme celle du passage du rouge à lèvres vont dans ce sens mais le film est heureusement plus complexe et âpre que ça.
Anaïs Barbeau-Lavalette a la volonté de regarder la situation à la bonne distance, son héroïne, très bien incarnée par Evelyne Brochu est un prolongement de la cinéaste, tout le monde semble lui demander de quel côté elle se trouve (ainsi un personnage lui dit « être de tous les côtés c’est comme n’être d’aucun côté »), ainsi la question de la place d’une réalisatrice québécoise sur un territoire étranger en guerre est sans cesse posée. Elle essaie d’y répondre de façon honnête, de ne pas être dans une vision juste occidentale, elle se coltine à la violence de l’occupation, à ce que signifie concrètement la colonisation, à la violence de la résistance, etc. Elle fait le pari aussi de ne pas être dans le discours ainsi il y a peu de dialogues et d’explications et il faut un peu de temps pour comprendre où on est, tout se joue avec des regards, des rapport entre les corps, ce qui est la partie la plus intéressante du film.
Ne pas être dans le discours politique pourrait être une bonne chose sauf que ça finit par donner l’impression d’une absence de regard. On est confronté à une réalité brute du coup le film ne joue plus que sur la sensation, sur l’émotion, sur le visage des enfants, sur un accouchement qui se passe mal à un checkpoint, sur un attentat. L’enchaînement des faits devenant alors inéluctable, renforcé par la construction du film en boucle, mais que retient-on ? Qu’est-ce qui reste ? Le refus du politique, compréhensible venant d’une étrangère au  conflit, devient problématique, puisque la question de ce conflit est avant tout politique.
Elia Suleiman n’avait pas à se poser les questions de la même façon en tant que palestinien, il n’oubliait pas la politique sans faire de discours et cela parce qu’il n’oubliait pas le cinéma, et nous reviennent en écho certaines scènes de ses films comme la traversée absurde d’un appartement palestinien par une troupe israélienne surarmée dans Chronique d’une disparition, en quelques plans de cinéma, il montrait la réalité d’une occupation, il ne cherchait pas pour autant à être réaliste. De même dans Intervention divine, avec deux voitures côte à côte et la musique de Natacha Atlas, il disait quelque chose du rapport entre les palestiniens et les israéliens en faisant un travail de metteur en scène et en permettant au spectateur de se projeter.
Dans Inch’Allah si quelques plans sur les visages touchent, si la réalisatrice arrive plutôt bien à faire exister les personnages grâce à de bons comédiens, si le plan d’enfants courant derrière une voiture israélienne qui vient d’écraser un des leurs est assez fort, il manque un point de vue de cinéaste. Anaïs Barbeau-Lavalette se retranche derrière de longs plans séquences caméra à l’épaule qui sont là pour faire vrai, pour faire journalisme, ce qui permet de ne pas avoir de vrai regard, de donner l’impression de juste témoigner, sauf qu’on fait toujours le choix de montrer ceci ou cela. Le style reportage serait le gage d’une neutralité mais c’est aussi une facilité stylistique.
Comme le dit pourtant le film à différents moments, la neutralité n’existe pas, ni d’un point vue politique, ni d’un point de vue artistique.
Inch’Allah d’Anaïs Barbeau-Lavalette avec Evelyne Brochu, Sabrina Ouazani, Sivan Levy, Yousef Sweid…

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Laurence Anyways de Xavier Dolan http://enrevenantducinema.fr/2012/08/20/laurence-anyways-de-xavier-dolan/ http://enrevenantducinema.fr/2012/08/20/laurence-anyways-de-xavier-dolan/#respond Mon, 20 Aug 2012 19:43:44 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1093 Ne plus s’excuser

Ce qui impressionne avec Xavier Dolan c’est sa générosité, on pourrait prendre ça pour de l’arrogance mais on sent un cinéaste qui est tellement nourri de cinéma qu’il … Lire la suite...

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Ne plus s’excuser

Ce qui impressionne avec Xavier Dolan c’est sa générosité, on pourrait prendre ça pour de l’arrogance mais on sent un cinéaste qui est tellement nourri de cinéma qu’il a une impérieuse nécessité de parler par ce biais là, c’est son langage. On trouve dans Laurence Anyways, ce film sur un homme qui devient une femme et sur son histoire de couple, comme dans ses films précédents, cette idée d’un cinéma qui avale tout, différents courants du cinéma, de la nouvelle vague au cinéma étasunien, des clips, des pubs, des documentaires, pour tout recracher de façon fragmentaire, Xavier Dolan n’est pas dans la pureté de l’image, il travaille sur quelque chose d’impropre, de bancal, ça semble partir dans tous les sens et si certaines scènes sont moins fortes (celles avec la famille Rose par exemple sont parfois appuyées), si certains plans sont foireux (est-ce vraiment nécessaire de faire un plan à travers un verre), ces imperfections font parties de ce cinéma, elles en sont un élément, un film ne se découpe pas en tranche comme un gâteau, n’en déplaise aux critiques réactionnaires du Masque et la Plume*.
L’énergie du cinéaste emporte le film, il ne s’agit pas de faire un effet en soi comme un ralentit, utiliser un filtre coloré, faire pleuvoir des vêtements, c’est que le langage de Xavier Dolan ce sont ces différents niveaux de grammaire cinématographique, tout se mélange, tout est possible, et tout passe parce que le cinéaste est sincère, parce qu’il est insolent, parce qu’il s’en fout des conventions (ce qui est en adéquation avec l’idée du film), il fait penser à des cinéastes comme Christophe Honoré, l’important est dans le geste de filmer, la beauté de ce geste plutôt que dans la volonté de faire un beau petit objet bien léché pour critiques cinéphiles.
Ce n’est pas non plus de la mise en scène pour de la mise en scène, il s’intéresse réellement à ceux qu’il filme, aidé par un Melvil Poupaud simplement magnifique de douceur, de présence et refusant l’idée de la performance, nous ne sommes pas dans la composition, ce n’est pas Sean Penn jouant Harvey Milk, c’est d’autant plus beau qu’on voit autant Melvil Poupaud que le personnage qu’il incarne, on n’est pas là pour assister à un travail d’acteur, mais pour être avec lui, avec ce qu’il vit. Tous les acteurs sont vibrants, de Suzanne Clément, déjà très bien dans J’ai tué ma mère, à Nathalie Baye en mère dépassée, et Monia Chokri, aussi piquante dans un plus petit rôle que dans les Amours imaginaires.
De nombreux plans sidèrent, ainsi ce Melvil Poupaud en femme face aux élèves de sa classe, le silence à ce moment là est d’une puissance simple et la déambulation joyeuse qui suit dans les couloirs du lycée, les échanges de regards, son avancée joyeuse sur une musique entrainante donne envie de se libérer de tout un poids de normes sociales.
Il sait aussi filmer le corps de Suzanne Clément seule dans son appartement, et tous les face-à-face entre elle et Melvil Poupaud sont riches d’émotions, de vies.
Le film est étrange par son rythme, au départ les scènes s’enchaînent avec vivacité, Xavier Dolan sait nous faire ressentir la joie de Laurence d’être maintenant celle qu’elle veut être, mais ce n’est pas un film à thèse, le cinéaste n’est pas là pour illustrer un grand sujet, il ne filme pas un personnage en transition d’homme à femme mais un film d’amour entre deux êtres dont l’un est en transition. Ça change tout. Et le film ralentit, se délite, comme l’amour dans ce couple, malgré toute leur énergie, les deux personnages s’éloignent, et c’est juste déchirant.
Laurence Anyways de Xavier Dolan, Canada, Fr, 2012 avec Melvil Poupaud, Suzanne Clément, Nathalie Baye, Monia Chokri…

* Dans l’émission du 29 juillet 2012, Michel Ciment, Alain Riou… expliquaient que Xavier Dolan avait peut-être du talent mais qu’il faudrait qu’il écoute les techniciens (monteur, scénariste…) pour améliorer son film, revenant à cette idée qu’un film est fait avant tout par une somme de savoir-faire et non dans un geste artistique (quoiqu’en pense de l’œuvre de Xavier Dolan, difficile de nier qu’il a un style, une force…), disant aussi que le film était trop long, qu’il faudrait en couper une heure pour ensuite louer l’artisanat d’un Pierre Jolivet… Bref, pour eux, oublions tout le cinéma moderne et revenons à des vraies valeurs, un bon scénario plus de bon acteurs et un cinéaste là pour illustrer l’ensemble. Non désolé on préférera toujours un film avec de nombreux défauts mais filmé avec un vrai regard au cinéma mort que ces critiques proposent.
De plus en plus le Masque et la plume devient la maison de l’arrière garde des critiques de cinéma (à l’exception évidemment d’un Jean-Marc Lalanne qui doit bien avoir du courage parfois) sous la houlette d’un Jérôme Garcin en admiration devant Michel Ciment qui semble être le véritable animateur de l’émission. C’est dommage, ça nuit aux débats qui permettent de faire vivre le cinéma.

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Et pour quelques films de plus (mai 2012) http://enrevenantducinema.fr/2012/05/27/et-pour-quelques-films-de-plus-mai-2012/ http://enrevenantducinema.fr/2012/05/27/et-pour-quelques-films-de-plus-mai-2012/#comments Sun, 27 May 2012 16:50:43 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1050 Je crois avoir mis le doigt sur le secret des productions Europacorp. Quand j’étais môme, avant de m’endormir, je jouais à me faire un film. J’en étais bien évidement le Lire la suite...

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Je crois avoir mis le doigt sur le secret des productions Europacorp. Quand j’étais môme, avant de m’endormir, je jouais à me faire un film. J’en étais bien évidement le héros, mes amis les personnages secondaires, et le cadre variait selon mes influences du moment. Avec Star Trek, la science fiction, avec Mad Max 2, un monde post-apocalyptique, avec Conan, un royaume barbare. Je soupçonne Luc Besson de faire exactement la même chose. Pour l’histoire originale (rires) de Lock out, tout est parti d’une soirée vidéo entre amis. Au programme : New York 1997 et Los Angeles 2013 (son héros cynique et distancié s’appelle… Snow… et il doit sauver la fille du président), Piège de Cristal (le lieu clos, le héros seul contre tous) et Star Wars (l’assaut spatial contre la prison). Les dialogues sont lénifiants, les acteurs tous plus mauvais les uns que les autres (Ces derniers temps, Guy Pearce sabote sa carrière avec un entrain déconcertant) et le scénario est truffé d’incohérences. On en rigolerait si ça ne coûtait pas aussi cher…
Lock out
, de James Mather et Stephen St. Leger, France, 2012, avec Guy Pearce, Maggie Grace…

Attention, petite merveille! Tombé dans le limbes du « distribution Hell », c’est avec trois ans de retard – et grâce au succès interplanétaire d’Avengers, n’en doutons point – que l’excellent La cabane dans les bois de Drew Goddard débarque enfin sur les écrans. Écrit et produit par Joss Whedon, le film est une mise en abîme des codes du cinéma de genre, sauf que contrairement aux tentatives post-modernes récentes, le papa de Buffy ne prend jamais les spectateurs de haut, et ses personnages ont une vraie profondeur. Impossible d’en raconter plus, pas à cause du twist – Whedon et Goddard se chargent de l’éventer dès la première scène – mais parce que ce serait manquer de respect à ce film intelligent et original. Les aficionados auront le plaisir de retrouver des têtes connues, comme la toujours charmante Amy Acker (Angel, Dollhouse), ainsi que des thématiques déjà abordées dans Buffy contre les vampires comme l’impact des superstitions sur notre époque où la technologique laisse peu de place au folklore. Et bonne nouvelle, loin de tout tapage médiatique, cette production sans prétentions a rencontré son public.
La Cabane dans les bois
, de Drew Goddard, EU, 2009, avec Kristen Connolly, Chris Hemsworth, Fran Kranz, Bradley Whitford, Amy Acker…

Dire que j’attendais Cosmopolis avec impatience serait un doux euphémisme. Même si j’ai apprécié les trois derniers films de David Cronenberg – avec une mention spéciale pour A dangerous method – ce changement de direction inattendu m’avait un peu frustré. Tout ça manquait de chair et de défis cinématographiques à la hauteur de son talent. Avec dans ses bagages Le festin nu et Crash, adaptations jugées impossibles mais magnifiées par le réalisateur canadien, et avec une bande annonce déjantée, ce Cosmopolis était plein de promesses. Hélas, la déception fut amère. Je ne suis jamais rentré dans le film, au lieu de m’enivrer, les dialogues – repris mot pour mot du livre de DeLillo – m’ont assommé. Les fulgurances de la bande-annonce sont malheureusement les seules du film, à l’exception notable d’une scène érotique totalement barrée avec Emily Hampshire. Robert Pattinson est excellent, les décors et l’ambiance réussis, mais l’ensemble manque cruellement de consistance. Un comble pour le réalisateur de La mouche. J’ai passé la dernière demi-heure du film à regarder ma montre, alors que la veille j’aurais donné sans hésiter une livre de chair dans l’espoir de revivre les émotions que Crash m’avait procuré.
Cosmopolis, de David Cronenberg, Canada, 2012, avec Robert Pattinson, Sarah Gadon, Juliette Binoche, Mathieu Amalric…

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Curling de Denis Côté http://enrevenantducinema.fr/2011/10/27/quelques-taches-rouges/ http://enrevenantducinema.fr/2011/10/27/quelques-taches-rouges/#respond Thu, 27 Oct 2011 14:39:10 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=627 Quelques tâches rouges

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Quelques tâches rouges

Tout semble dit dès les premières scènes, une fille filmée en plan fixe qui apprend, d’un opticien qu’on ne voit pas, qu’elle va devoir mettre des lunettes alors que nous apprenons qu’elle ne va pas à l’école, puis le plan suivant, une longue route balayée par le vent et le froid où marchent cette fille et son père, un policier s’arrête et s’inquiète, le père lui répond de s’occuper de ses affaires. Peu de temps après la fille dit qu’elle aime faire les magasins pour voir le monde.
Un père protège sa fille d’un extérieur qui lui fait peur, l’empêche de rencontrer des gens parce que lui-même s’en méfie, incapable de communiquer sa douleur. Il la séquestre en douceur dans sa maison. La maison est aussi le nom de la cible au curling, maison que les joueurs doivent protéger en ne laissant pas les pierres adverses y rentrer, c’est ce que veut faire ce père mais ça ne marche pas, ça ne peut pas marcher, l’extérieur, l’autre finit toujours par rentrer même si c’est en contournant.
Des lignes droites, de la neige, une mise en scène lente qui prend son temps pour capter un corps dans le paysage. Denis Côté travaille une luminosité blanche, des nuances de gris, de jaunes pâles, une dominance de couleurs froides sauf que d’autres couleurs vont teinter les plans, le rouge d’une chevelure, du sang sur un drap, le vert des vêtements d’un enfant. Ainsi la mise en scène très pensée correspond à la thématique du film.
On frôle parfois l’affectation dans la composition de certains plans où dans la façon de les commencer en ne dévoilant qu’une partie, laissant un temps avant de comprendre ce qu’on voit dans son ensemble mais ce ne sont pas que des effets cela crée aussi une étrangeté renforcée par des ellipses sèches qui fait qu’on ne sait pas toujours où on est et ce qu’on voit, des interlocuteurs qui restent hors-champs, nous plongeant dans la vision de ce drôle de couple qui ne voit plus le monde et ce qui s’y joue.
Denis Côté évite l’exercice de style en s’intéressant à ceux qu’il filme sans les juger, en prenant le temps qu’il faut pour qu’on concentre notre attention sur ces personnages qui ne sont pas que des blocs monolithiques même s’ils gardent à la fin du film une grande part de leur opacité. On pense parfois à Aki Kaurismaki pas du fait de la neige, du froid mais dans le travail sur les plans fixes, les à-plats de couleur et aussi dans ce regard sur ces hommes et femmes taiseux même si le cinéaste finlandais est moins sec et y rajoute un humour humaniste et désespéré.
L’interprétation d’Emmanuel et Philomène Bilodeau apportent beaucoup de douceurs à leur personnages aux frontières de la folie, les autres acteurs Roc LaFortune et Sophie Desmarais par leur vitalité empêchent le film d’être trop suffocant.
Curling de Denis Côté, Canada, 2010 avec Emmanuel Bilodeau, Philomène Bilodeau, RocLafortune, Sophie Desmarais…

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