en revenant du cinéma» Kim Ki-duk http://enrevenantducinema.fr regards croisés sur le cinéma Tue, 19 Nov 2013 20:53:07 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.6.1 Pietà de Kim Ki-duk http://enrevenantducinema.fr/2013/04/08/pieta-de-kim-ki-duk/ http://enrevenantducinema.fr/2013/04/08/pieta-de-kim-ki-duk/#comments Mon, 08 Apr 2013 18:27:06 +0000 Baptiste Madamour http://enrevenantducinema.fr/?p=1507 Un chien qui se fait trancher la gorge

Le générique annonce que Pietà est le 18ème film de Kim Ki-duk, un cinéaste que je ne connais que de réputation. 1h40 après, une fois la purge finie, je ne peux que plaindre ceux qui ont vu toute sa filmographie. Rarement un film ne m’a paru d’une telle nullité, et pourtant il … Lire la suite...

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Pieta3Un chien qui se fait trancher la gorge

Le générique annonce que Pietà est le 18ème film de Kim Ki-duk, un cinéaste que je ne connais que de réputation. 1h40 après, une fois la purge finie, je ne peux que plaindre ceux qui ont vu toute sa filmographie. Rarement un film ne m’a paru d’une telle nullité, et pourtant il a reçu le Lion d’or à Venise.
Donc un homme travaille pour un usurier, il estropie ceux qui ne peuvent le rembourser (avec de nombreuses scènes où des parties de corps sont écrasées par des machines, attention : symbole !), une femme se fait passer pour la mère de cet homme pour l’approcher, le soumettre et ainsi venger son fils. On apprend que cet homme sadique et abandonné a un petit cœur qui bat, que la soumission à l’argent, c’est mal, que l’amour peut sauver les hommes. On pourrait faire une bonne histoire avec ça si tout n’était pas si lourd, répétitif, à la fois sentencieux et stupide.
Les acteurs sont dans la pose, en font des tonnes, sont tous aussi mauvais les uns que les autres. La mise en scène n’a pas de sens, Kim Ki-duk semble ne jamais savoir où mettre sa caméra, de temps en temps pour faire croire qu’il a un style, il fait une contre-plongée (règle de base : toujours se méfier des cinéastes qui abusent des plongées et contre-plongées), beaucoup de gros plans, des images qui se veulent décalées, le héros filmé assis et on voit seulement ses jambes pliés, beaucoup de plans dans des couloirs, des escaliers, pour structurer l’espace facilement, un montage lourdingue, une lumière très laide, on ne peut vraiment rien sauver. Le filmage vidéo à l’arrache devient une sorte d’alibi pour filmer encore plus mal qu’une obscure série Z, avec en plus une grande prétention auteuriste (déjà ce titre, Pietà, il faut oser).
Ça pourrait être du grand n’importe quoi vaguement barré mais moralement, c’est indéfendable. Ça commence par des images chocs, un type qui se suicide, le héros qui se masturbe dans son lit puis on voit un couple qui a des crédits à rembourser, qui se mettent à baiser, excités par la peur, à ce moment là on se dit que ça va être un film subtil, on n’est pas déçu.
Mais comment peut-on tourner cette scène ou un homme se fait humilier par le héros, reçoit des claques alors que sa mère est présente, elle crie et pleure, comment peut-on décider de la filmer avec de petits soubresauts de caméra comme si nous prenions les claques nous-mêmes ? Comment peut-on filmer cette mèche de cheveux qui reste sur la chaîne après le suicide du fils (il faudrait que le cinéaste recopie cent fois l’article de Rivette sur Kapo) ? Comment peut-on filmer ainsi en gros plan l’urine d’un handicapé sur sa chaise roulante qui pisse de peur ? On pourrait parler aussi de la façon de filmer en plongée comme un insecte apeuré un homme qui vient de se prendre un coup de couteau, on pourrait aussi écrire sur cette scène de viol qu’on pense incestueuse, cette insistance pour mettre mal à l’aise… L’abjection est là, pas dans ce qui est montré mais dans le regard du cinéaste, dans son œil. Partir de la fange, faire le chemin de la cruauté à la rédemption, pourquoi pas ? mais pour cela il faut avoir un regard, une vision humaine qui élève, là le regard est un regard qui abaisse, qui avilit ceux qui sont filmés (cette humanité vue uniquement comme imbécile ou grimaçante) et qui avilit le spectateur qui endure ça, qui se sent complice. La distance est grande entre la compassion ou la révolte et la pure complaisance dans laquelle baigne ce film.
On sait ce que les défenseurs de ce genre de cinéma peuvent en dire : que c’est un cinéma qui bouscule, qui fait réagir, qui n’est pas tiède, un cinéaste qui fait des films « chocs », rentre dedans comme si ça suffisait, comme si ça justifiait tout. Répétons qu’il n’y a rien de plus facile que de provoquer, que c’est à la portée du premier petit malin venu, filmer des scènes violentes, crues, filmer un viol, l’inceste, la scatologie et n’avoir rien à en dire, regarder tout ça et mettre une petite morale à la fin, dire ensuite que c’est un film sur la vie, la mort, le capitalisme, peu importe du moment que l’on tombe dans le panneau comme l’a fait le jury du dernier festival de Venise (comment ont-ils pu ?)… la complexité est de faire quelque chose de ce matériel boueux, Kim Ki-duk en semble incapable.
On imagine ce que peut faire un cinéaste comme David Cronenberg de ce type de sujet, il pourrait partir de ce thème sans en cacher la violence pour en faire un film perturbant et vibrant parce que c’est un artiste, parce qu’il a quelque chose à dire sur ce que c’est de vivre dans ce monde, parce qu’il sait filmer un corps, que celui-ci soit violenté, blessé ou caressé. Rappelons pour finir ce que David Cronenberg disait dans un entretien avec Serge Grünberg (aux Éditions Cahier du cinéma) « Je sais donc que je peux facilement choquer les gens avec un de mes films, obtenir une réaction très forte, mais ça ne veut pas dire grand chose. Vous savez, il suffit de montrer à l’écran un chien qui se fait trancher la gorge et des tas de personnes vont devenir folles. Mais enfin, est-ce qu’on peut en être fier ? Je ne peux donc me bercer de l’illusion que le simple fait de mettre les gens mal à l’aise justifie le film. Peut-être un petit peu, à un certain niveau, mais je n’ai jamais fait de films pour choquer les gens. »
Pietà de Kim Ki-duk, 2013, Corée du Sud avec Lee Jung-Jin, Min-soo Jo…

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