Mon père, ce héros
Wall Street : l’argent ne dort jamais … par contre, le spectateur aura du mal à rester éveillé devant ce film mou et insipide. Il paraît que « l’auteur » a perdu sa verve dénonciatrice au cours des années 2000. Si quelqu’un pense encore qu’Oliver Stone a été un réalisateur engagé politiquement, je lui déconseille de revoir ses « brûlots » tournés entre 86 et 95, la déception serait de taille.
Grand admirateur des causes perdues et des acteurs has-been, j’accorde à Michael Douglas un crédit qu’il ne mérite sans doute pas. L’image de queutard impénitent, clopeur et alcoolique qui lui colle à la peau m’a toujours touché, comme un pâle écho des frasques du grand Hollywood des années 50 et 60. Une sorte de Robert Mitchum du pauvre, la nonchalance et le talent en moins. Cette suite de Wall Street était sensé relancer sa carrière en 2010, mais l’échec du film et ses récents problèmes de santé ne sont pas très encourageants. Quoi qu’il en soit, j’avais la ferme intention d’aller soutenir le bonhomme en salle. En guise de mise en bouche, j’ai eu la mauvaise idée de m’infliger le premier volet, qui date de 1988. Passons sur les clichés, l’esthétique eighties et le jeu déplorable des acteurs. Passons sur un scénario anémique et téléphoné. Passons aussi sur le machisme, il est vrai assez ancré dans les sociétés bourgeoises de l’époque. Ce que je trouve sidérant, c’est la condescendance du réalisateur pour cet ultra libéralisme qu’il était sensé dénoncer. Alors oui, son papa était financier à Wall Street, et le film lui est dédié ; mais attention, hein ? C’était pas un méchant comme l’infâme Gordon Gecko ! Il se retrouve métamorphosé sous nos yeux en gentil ouvrier syndicaliste qui voit venir le gros méchant capitaliste alors que les autres, non. Ces autres, les personnages populaires, les véritables victimes du système donc, ne sont qu’esquissés, car c’est bien le monde merveilleux des stock-options et des malversations financières qui fascine le réalisateur, au point qu’il est prêt à lui trouver toutes les excuses possibles. Euh… une fois la nausée passée, on me pardonnera de préférer largement le discours d’un républicain humaniste comme Clint Eastwood à celui d’un démocrate populiste en carton comme Oliver Stone.
Ah, et du coup je n’ai pas eu le courage d’aller voir Wall Street : l’argent ne dort jamais. Je suis resté devant ma télé et j’ai revu le mésestimé The Sentinel, de Clark Johnson, film clairement de droite sensé relancer la carrière de Michael Douglas en 2006. Au moins il y a de l’action et Kiefer Sutherland joue dedans.
Wall Street: l’argent ne dors jamais (Wall street: money never sleeps) de Oliver Stone, EU, 2010 avec Michael Douglas, Shia LaBeouf…