La famille Thompson débarque à Bensonville après de nombreux déménagements. La mère, Susan, travaille dans un hôpital et élève seule de ses deux fils, Dane (17 ans) et Lucas (10 ans). Se liant d’amitié avec leur voisine Julie, les deux garçons découvrent dans la cave de leur nouvelle maison une trappe qui semble s’ouvrir sur un abîme sans fond…
On comprend aisément ce qui a séduit Joe Dante dans cette histoire. S’il n’a pas réalisé de véritable film d’horreur depuis Hurlements, son cinéma a toujours flirté avec un fantastique qui s’appuie sur les traumatismes de l’enfance – voir par exemple le segment qu’il réalisa pour le film à sketchs La quatrième dimension. Le trou sans fond qui se cache dans la cave de la maison a l’étrange capacité de rendre réelles les peurs enfouies de ceux qui se penchent au dessus, et chacun des trois protagonistes va devoir s’y confronter. Dane, le personnage central, est un adolescent sur le point de devenir adulte. La relation qu’il entretient avec son jeune frère est de nature conflictuelle : il refuse systématiquement de jouer avec lui et se laisse même aller à une certaine violence à son encontre. Avec sa mère, il se montre tantôt distant, tantôt possessif, et ce n’est qu’avec l’entrée en scène de Julie, sa jolie voisine qu’il va progressivement changer son rapport aux autres. En plus d’éveiller son désir, ce personnage permet au réalisateur de projeter son jeune héros dans l’avenir, recomposant une cellule familiale artificielle autour de lui. Julie devient alors sa compagne et Lucas représente son enfant à venir. Intelligemment, Joe Dante fait d’ailleurs en sorte que les personnages de la mère et de la voisine n’occupent jamais le même espace simultanément, sauf pour se relayer auprès de Dane.
Au fur et à mesure que les ténèbres du trou se répandent dans la réalité, le secret des déménagements à répétition de la famille Thompson se fissure. Si Lucas est terrorisé par les clowns, si Julie doit revivre un terrible accident qui coûta jadis la vie à sa meilleure amie, Dane doit affronter le fantôme de son père, un alcoolique qui les battait avant de finir en prison. Si la menace qui pèse sur eux est réelle – son père les retrouve régulièrement depuis sa cellule, et ne se prive pas de se rappeler à leur bon souvenir provocant immédiatement un nouveau déménagement – il doit surtout affronter une peur beaucoup plus insidieuse, celle de faire subir à son entourage ce que son père lui a infligé enfant. Au final, chaque personnage aura l’occasion d’affronter et de vaincre son traumatisme, lui permettant de regarder vers l’avenir sans être rongé par la culpabilité. Étonnamment, l’enfance malmenée reste un tabou dans le cinéma populaire américain, un peu comme s’il avait cinquante ans de retard sur la société dont il est sensé être le miroir. Joe Dante en tire un excellent « film d’horreur familial », comme Gremlins en son temps.
Lorsqu’il s’attelle à la réalisation de The Hole, le réalisateur n’a pas mis les pieds sur un plateau de cinéma depuis près de 6 ans. S’il y a bien une chose que Hollywood ne tolère pas, ce sont les échecs commerciaux à répétition, et malheureusement l’homme est coutumier du fait. Alors que la critique l’a toujours défendu, comment retrouver les faveurs du public lorsque The hole reste inédit chez nous, en salle ou en vidéo ? Reste que le spectateur curieux (et anglophone) pourra découvrir ce très bon film avec le DVD ou le Blu-ray sorti chez nos voisins anglais et vendu une bouchée de pain sur la toile. C’est toujours mieux que rien…
The Hole, réalisé par Joe Dante, 2009, Etats-unis, 1h38, avec Teri Polo, Chris Massoglia, Haley Bennett, Nathan Gamble…