On ne se débarrasse pas de moi comme ça
Avant de voir le film, on ne peut qu’être rebuté par une affiche hideuse, mais on lit les noms de Matt Damon et de Scarlett Johansson, ça éveille un minimum de curiosité.
On comprend très vite l’histoire très prévisible de ce film où un homme, Benjamin Mee, ayant perdu sa femme six mois auparavant, achète et rénove un zoo pour faire plaisir à ses deux enfants. On retrouve le rêve américain, la glorification de la petite entreprise étasunienne où avec de la volonté et de l’effort, on peut renverser des montagnes. Tout ce qui suit l’histoire de la rénovation de ce zoo n’a à priori aucun intérêt, ces travailleurs bourrus prêts à se sacrifier, par exemple, sont très clichés. Sinon l’herbe est très verte, les sourires nombreux, les dents très blanches, la lumière du soleil inonde l’écran, les animaux sont filmés comme dans un reportage animalier sur la cinquième. Si on rajoute à cela un adolescent taciturne dessinant pour cacher ses idées morbides, une petite fille ingénue et mignonne qui est difficilement supportable, quelques blagues sans intérêts, un manque de chair surprenant lorsqu’on a des acteurs comme Matt Damon et Scarlett Johansson, on a de nombreuses raisons de fuir.
Et pourtant quelque chose cloche, la machinerie hollywoodienne tourne bizarrement. Tout est trop. On a l’impression de nager dans un Éden biblique, et les références chrétiennes sont nombreuses jusqu’à cette promesse d’un déluge qui aurait pu tout emporter.
Le contenu manifeste du film montre un héros ayant une démarche volontariste, pour sortir d’un deuil, il suffirait d’être dans l’action, cet aspect de Benjamin Mee montré dans les premiers plans du film est contredit par un film plutôt lent où il ne se passe pas grand chose.
Pour avoir il suffirait de vouloir. Pour être heureux, il suffirait d’un nouveau départ comme tout l’entourage du héros semble le lui dire. Et pourtant ça résiste, le film est travaillé souterrainement par cette idée de deuil qui ne se résout pas si facilement que ça, pas si facilement que dans un film grand public. Un fils refuse ce rêve trop simple, continue à déprimer, et le héros ne veut pas laisser partir un tigre mourant et souffrant avec cette idée simple mais efficace du parallèle entre la mort de sa femme et celle de ce tigre, et on comprend alors que tout ce qu’on nous montrait était faux, les dents trop blanches, l’herbe trop verte, que le paradis promis n’existe pas, qu’il faut se coltiner l’humain et sa condition, la mort, la perte. Comme le dit à la fin du film le personnage joué par Elle Fanning (très bien et touchante dans sa relation avec l’adolescent joué par Colin Ford) disant au personnage interprété par Scarlett Johansson qu’elles préfèrent toutes les deux les humains aux animaux, sous-entendant qu’elles préfèrent la réalité aux rêves, que cette quête d’origine, de mysticisme est fausse.
Une autre idée forte du film est de ne pas montrer cette femme morte avant le dernier quart du film, et d’un coup, alors que le héros se remet à la regarder sur des photos, nous la voyons vivre, aimer, danser, et de la voir vibrer touche, surtout en réaction à l’univers de carte postale du reste du film, nous faisant voir tout ce qui était latent, caché, ce que signifie réellement la mort d’un proche, de même la dernière scène du film où le héros rejoue leur première rencontre est tout simplement bouleversante. Et franchement on ne s’attendait pas à être ainsi bouleversé devant ce qui apparaissait au départ comme un océan de mièvrerie.
Nouveau Départ (We bought a zoo) de Cameron Crowe, 2012, EU avec Matt Damon, Scarlett Johansson, Colin Ford, Elle Fanning…
Un film qui avait tout pour me déclencher des envies de meurtres mais au final un joli moment comme tu le dis.
Oui, je suis d’accord, c’est un film étrange, à priori indéfendable mais quelques très belles idées finissent par sauver l’ensemble.
Oui, c’est étrange comme parfois ça peut tenir à pas grand chose et éviter l’océan de guimauve qu’on s’attendait à devoir supporter.