Versus le cinéma
Parfois on voit un film pour un acteur, pour une actrice. Ainsi il est agréable de retrouver Greta Gerwig, qui était impressionnante dans les beaux Greenberg et Damsels in distress, dans cette histoire d’une femme qui se fait quitter peu de temps avant son mariage, couche ensuite avec un ami commun au couple, couche avec son ex, hésite, se sent perdue, est-ce qu’on s’aime encore, ou non, mon dieu que la vie est compliquée, etc.
Il ne se passe pas grand chose, ce qui n’est pas grave en soi, il existe de nombreux grands films où il ne se passe pas grand chose d’un point de vue narratif, mais là il ne se passe pas grand chose surtout au niveau de la mise en scène. Il n’y a aucune scène touchante, aucun plan intéressant, on a, ici, souvent critiqué les mises en scène voyantes, tape à l’œil, pour le coup, ce n’est pas le cas mais Daryl Wein ne sait pas filmer un visage, un échange autour d’un café, une fête ou la peau de deux corps qui s’étreignent, c’est de la simple illustration, tout est enrobé de joliesse, alors rien ne vibre, même les figurants sont mauvais. L’héroïne fait sa thèse sur le silence dans la littérature, c’est peut-être un sous-texte mais il n’y a pas de silence dans ce film, juste du remplissage.
Sinon on retrouve les amis cools et décalés qui parlent crûment comme si c’était une marque de rébellion, comme s’il était encore transgressif de dire vagin, se faire baiser, etc., des parents cools, genre post-hippie, mais tellement sympas, tout est de bon goût, on cite Mallarmé et le Parrain, la musique indie-pop nappe, au sens d’un nappage épais, toutes les scènes, surtout celles où il est sensé y avoir de l’émotion, le seul truc original est qu’on n’ait pas le droit à une fin qui montrerait l’héroïne trouvant enfin le prince charmant.
Ça se voudrait charmant, le film léger avec de petites touches mélancoliques qui est en fait plus profond qu’il en a l’air, mais ça ne l’est pas, c’est juste sans intérêt, juste un nouvel exemple de formatage d’un certain cinéma étasunien aux oripeaux de l’indépendance, avec sa coolitude, sa verdeur des dialogues, ses atermoiements amoureux, New-York, ses rues, ses cafés, mais aucune aspérité, aucun souffle qui ne trouble.
Et Greta Gerwig ? Elle est très bien, arrive à traduire plusieurs émotions sans jamais en rajouter, avec ce mélange de gaucherie et de grâce qui vient en partie de cette gaucherie, mais non, parfois ça ne suffit pas pour sauver un film.
Lola versus de Daryl Wein, EU, 2012 avec Greta Gerwig, Joel Kinnaman, Zoe Lister-Jones, Hamish Linklater…