Voyage vers le vide
L’opposition entre deux flics est un classique du film noir, on retrouve ici le vieux flic, bougon aux méthodes peu orthodoxes mais avec un instinct sûr, associé à un flic du FBI qui est plus sérieux et a de meilleurs moyens techniques, ils s’opposent, mais ils vont finir par se retrouver pour lutter ensemble contre les méchants. La variation sur un thème usé peut parfois donner des films intéressants (ce thème a par exemple donné un film comme Violent Cop, mais comparer Takeshi Kitano à John Michael McDonagh est juste impossible tant ils ne jouent pas dans la même catégorie) encore faut-il apporter quelque chose de neuf, un regard personnel sur le sujet, là il n’y a rien, absolument rien et le pire c’est qu’on a l’impression que le cinéaste se croit audacieux.
On pense que le flic du titre est un salaud, raciste, au final c’est un homme bon et tendre comme le prouve ces scènes racoleuses avec la mère, les gangsters philosophent comme dans un film de Tarantino, on rajoute un peu de pittoresque irlandais pour plaire à l’international, quelques touches de cynisme britannique, deux, trois provocations, tout est tellement prévisible qu’on s’ennuie ferme, l’ensemble se voudrait foutraque et sympathique, le petit film fauché mais ingénieux alors que c’est juste nul et déjà vu.
C’est filmé n’importe comment, par exemple pour une scène d’interrogatoire, le cinéaste ne cesse de multiplier les plans en espérant mettre ainsi du rythme sauf qu’alterner un plan sur le côté, au-dessus, en contre plongé, puis champ contre champ n’apporte rien en soi, au contraire ça empêche de s’intéresser à l’interaction entre les personnages, du coup on perd le fil de ce qui se passe qui n’était déjà pas très passionnant en soi. Pour une autre scène, les personnages sont filmés en contre jour, le corps faisant écran au soleil, quand le personnage bouge le soleil nous éblouit, ça sert à quoi ? Comme de filmer une discussion (là aussi, avec de nombreux plans qui se veulent originaux enchainés comment n’oserait le faire un amateur filmant sa famille) entre les gangsters devant un aquarium géant, pourquoi sont-ils à cet endroit ? Quel est l’intérêt ? De même ce panoramique à 360° qui part de cet enfant à vélo pour y revenir… On pourrait multiplier les exemples de ces scènes où le cinéaste ne fait jamais un choix qui apporte quelque chose au niveau rythme, émotion ou qui apporte quelque chose tout court, c’est tellement mal filmé, tellement mal monté qu’on ne rit jamais alors que c’est censé être une comédie.
Le problème c’est que pour certain, la mise en scène c’est quand ça se voit, comme on a pu le voir récemment pour Drive qui est évidemment d’un niveau supérieur, là le réalisateur essaie de compenser son absence totale de talent, son absence aussi de regard sincère sur ce qu’il filme par cette mise en scène tapageuse et ridicule, cette lumière contrastée, ces couleurs saturées, cette multiplication d’angles de vue.
On sent que l’influence majeur de ce cinéaste est Danny Boyle, on peut se demander si le nom du héros Gerry Boyle vient de là, mais John Michael McDonagh réussit presque par comparaison à faire passer Danny Boyle pour un cinéaste intéressant, surement la seule chose surprenante dont il est capable.
L’irlandais, (The guard) de John Michael McDonagh, Irlande, 2011 avec Brendan Gleeson, Don Cheadle...
Vraiment pas emballé par ce film qui ne casse pas des briques.