Back in time
Ça vous dirait un petit retour aux années 80 ? Rassurez-vous, je ne vous parle pas de variétoche insipide ou de look à base de gel et de couleurs fluos, mais d’un pan du cinéma populaire américain qui alliait intelligemment « entertainment », émotion et imagination… C’est le voyage que nous propose Super 8, la belle surprise dans le flot des blockbusters en carton de l’été…
Il était une fois un grand monsieur très très riche. Au sommet de sa gloire, il décida d’aider ses potes réalisateurs qui avaient un peu plus de mal à concrétiser leurs rêves les plus fous. Il profita donc de sa notoriété et d’un sens des affaires aiguisé pour produire une poignée de longs-métrages qui marquèrent à jamais une génération de gamins dont votre serviteur. Ce grand bonhomme ? Steven Spielberg. Ces pellicules féeriques ? Retour vers le futur, Gremlins, Le secret de la pyramide, Les Goonies, Qui veut la peau de Roger Rabbit et L’aventure intérieure.
De nos jours, à Hollywood, la prise de risque et l’originalité ont fait place aux remakes, prequels, suites à rallonge et autres reboots, et les doux dingues se sont soit fondus dans la masse – Spielberg, Zemekis –, soit retrouvés aphones dans une industrie qui ne veut plus en entendre parler*. Seulement, de la même manière que cette génération revendique l’héritage du fantastique des années 50, certains réalisateurs quarantenaires ne cessent de clamer leur dette à ces « popcorn movies » des années 80. Parmi eux, J.J. Abrams accomplit un rêve de gosse en réalisant ce Super 8 sous la houlette de Steven Spielberg himself qui, si il n’a rien réalisé dans cette veine depuis Jurassic Park, a continué de produire des films recommandables comme les Men In Black de Sonnenfeld ou les Zorro de Martin Campbell.
Abrams était considéré jusque là comme un solide artisan et un bon scénariste, alliant des idées originales – Lost – à un sens de la narration d’une rare efficacité – Mission Impossible III. Produit de son époque, il travaille dans ce qui se fait aujourd’hui, que ce soit une suite ou le reboot d’une franchise mythique : Star Trek. Avec Super 8, il entre dans la cours des grands en proposant un film étrangement bicéphale, avec d’un côté l’histoire d’un groupe de collégiens qui tournent un film d’horreur en 8mm avec des effets spéciaux approximatifs, et de l’autre un vrai film de monstre à gros budget, avec images de synthèse, poursuites spectaculaires et scènes chocs. Fort heureusement, c’est la première composante qui prime. On retrouve un souffle narratif et une manière d’incarner les personnages que l’on n’avait pas vus depuis longtemps, puisque ce sont leurs émotions qui sont au premier plan. Et des émotions, Joe et Alice – magistralement interprétée par Elle Fanning – vont en vivre un paquet tout au long du métrage. Dès le début, ils partageant le même vide laissé par leurs mères absentes, ce qui va les rapprocher progressivement malgré leurs pères, totalement déboussolés et incapables de jouer le rôle de parent unique. On suit ainsi le parcours et l’évolution de ces deux « couples » de personnages qui vont apprendre à se faire confiance, à surmonter l’absence et à combler au mieux ce vide qui les ronge. On retrouve ainsi la patine douce-amère qui habitait le Gremlins de Joe Dante et qui rendait le cinéma de cette période si intéressant : créer de la fantaisie, parler à l’enfant en chacun de nous, faire du divertissement ? D’accord, mais sans oublier d’ancrer ces histoires dans une réalité cruelle, autour de personnages que la vie n’a pas épargnés. Et ne jamais oublier que ce sont eux le cœur de l’histoire.
L’autre composante du film, la créature et les scènes spectaculaires, est moins réussie : les nouvelles technologies utilisées ici à coup de millions de dollars nous sortent violemment de l’intimité des personnages et se marient mal avec le reste du film. Le décalage s’estompe progressivement mais le spectateur nostalgique que je suis a eu du mal à ne pas décrocher lors de ces scènes. Il regrette amèrement le temps où les trucages mécaniques et les maquillages approximatifs avaient encore la part belle, et où l’usage des fonds bleus ou verts n’était pas systématique. Mais ce n’est pas dans le sens de l’histoire, j’en ai peur…
* Comme l’immense Joe Dante dont le dernier film « The hole », tourné en 2009, n’est non seulement pas sorti en salle chez nous, mais n’a même pas eu droit à une édition vidéo.
Super 8 de J. J. Abrams, EU, 2011, avec Kyle Chandler, Joel Courtney, Elle Fanning, Ron Eldar
Super 8 c’est deux films en un. Un qui suit un groupe d’ados s’essayant au cinoche. Très plaisant. Un autre qui raconte l’histoire d’un alien poursuivi par l’US Army. Peu emballant.