cinéma états-unien – en revenant du cinéma http://enrevenantducinema.fr Tue, 24 Apr 2018 20:15:36 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.8 Le Journal d’un Cinéphage – Épisode 1 (Janvier 2018) http://enrevenantducinema.fr/2018/02/01/journal-dun-cinephage-episode-1-janvier-2018/ http://enrevenantducinema.fr/2018/02/01/journal-dun-cinephage-episode-1-janvier-2018/#respond Wed, 31 Jan 2018 23:47:56 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2321

 

Cinéphiles, cinéphiles, mes chèr-e-s compatriotes,

Après vous avoir lâchement abandonné-e-s en plein milieu du bilan de l’année dernière, me voici de retour sur cet écran pour une énième tentative … Lire la suite...

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Cinéphiles, cinéphiles, mes chèr-e-s compatriotes,

Après vous avoir lâchement abandonné-e-s en plein milieu du bilan de l’année dernière, me voici de retour sur cet écran pour une énième tentative de rubrique régulière. Au menu de ce Journal d’un Cinéphage 1, heu… rien de bien original en fait : trois chroniques de films vus dans le mois, en l’occurrence un qui m’a laissé froid, un autre qui m’a réchauffé le cœur et un dernier qui a fait ressurgir, à son corps défendant, de bien vilaines frustrations cinéphiles. Et pour finir en beauté, un peu de placement de produit en lien avec ma plus grosse attente pour un mois de février qui s’annonce foutrement hallucinatoire.

 

Last Flag Flying de Richard Linklater, avec Steve Carell, Bryan Cranston et Laurence Fishburne

Face à Last Flag Flying, deux cas de figure : soit vous avez vu La Dernière corvée (The Last Detail, 1973), soit non. Hélas, j’appartiens à la première catégorie, et impossible d’aborder le nouveau film de Richard Linklater autrement qu’en le comparant à celui d’Hal Ashby. Basés tous deux sur des romans de Darryl Ponicsan, on comprend aisément que le réalisateur de Boyhood ait été attiré par le projet : les deux livres proposent, à 44 ans d’intervalle, une variation sur le même thème, soit trois personnages façonnés par l’armée et la guerre qui traversent les états-unis, mais à des époques différentes ; et si les protagonistes de Last Flag… ne sont pas exactement les même que ceux de The Last Detail, ils leur font écho par leur caractérisation et les années de plus au compteur.
Premier agacement : Dans le film de 1973, pur produit du Nouvel Hollywood, Ashby proposait un contre-champs assez déroutant à la guerre du Vietnam. Le road-movie traversait une Amérique fantomatique, sans repères après la guerre idéologique totale entre conservateurs réactionnaires et utopies libertaires qui s’est cristallisée autour du conflit, laissant au final les deux camps moribonds. Pas très original pour l’époque, me direz-vous ; sauf qu’en empruntant le regard de trois militaires de carrière désabusés qu’on aurait toutes les peines du monde à rattacher à l’un ou l’autre camp, le réalisateur proposait un éclairage pour le moins original. Et plus le film avançait, plus on prenait conscience de l’étendue des dégâts, avec un sentiment désagréable de gâchis et d’impuissance. Las, le film de Linklater a toute les peines du monde à confronter ses personnage à autre chose que la grande supercherie de la chose militaire, qu’ils vont d’ailleurs finir par embrasser à nouveau après l’avoir rejetée viscéralement en revenant du Vietnam. Et si le spectateur ressent à nouveau une impression de gâchis, c’est parce que le réalisateur a choisi de laisser hors-champs l’Amérique de George W. Bush que les personnage traversent sans jamais vraiment s’y confronter.
L’autre problème du film, c’est d’avoir casté Steve Carell. Soyons clairs : je trouve que c’est un acteur de comédie épatant, et je soutiens sans réserve ses incursions dans un registre plus sérieux 2 ; sauf lorsque ces deux aspects se télescopent. La séquence du train, où nos trois vétérans, hilares, partagent leurs souvenirs avec un jeune soldat, m’a fait littéralement décrocher du film. L’espace d’une scène, c’est le personnage débile que l’acteur incarnait avec brio dans les deux Anchorman d’Adam McQuay qui ressurgit, détruisant de fait la crédibilité de son jeu pour le reste du métrage. À côté de ça, même si la performance de Nicholson dans The Last Detail reste inégalée, celles de Bryan Cranston et Laurence Fishburne n’ont pas à rougir de la comparaison.

 

Pentagon Papers de Steven Spielberg, avec Meryl Streep et Tom Hanks

Le film se situe dans au début des années 70, mais nous ne sommes pas dupes : un président paranoïaque et roublard, la liberté de la presse menacée, le sempiternel combat entre le droit à l’information et le secret d’état, c’est de l’Amérique contemporaine qu’il s’agit. Avant de plonger au cœur du sujet, permettez-moi une petite digression. J’ai grandi dans les années 80, au milieu des blockbusters réalisés ou produits par Steven Spielberg. Ce qui explique à la fois une affection particulière pour le cinéma populaire étasunien et un rejet viscéral des premières velléités historicistes du réalisateur. Non, définitivement, l’idée saugrenue de filmer la Shoah en utilisant les codes du cinéma d’entertainment, ou la représentation du Débarquement en mode « la guerre comme si vous y étiez », très peu pour moi. Beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts avant que je ne me laisse à nouveau séduire par son cinéma, jusqu’à ce que Lincoln enfonce le clou : Steven Spielberg est devenu un grand cinéaste américain, dont le regard compte autant que celui de Clint Eastwood.
Ce qui fascine d’emblée avec Pentagon Papers, c’est que le réalisateur refuse avec malice les codes du film de presse à l’américaine. Point de grandiloquence ici, le Post de Meryl Streep, dirigé par Tom Hanks, démarre la course au scoop avec une bonne longueur de retard, et n’entre réellement dans la danse qu’après les déboires judiciaires du New York Times. Et avec un tout petit peu d’opportunisme, pour ne rien gâcher. Spielberg préfère travailler en marge de son sujet, et s’il représente la contre-culture et les mouvements contestataires sous forme de clichés un tantinet agaçants, il accorde une place essentielle à ses personnages féminins. Évidement, il y a celui de Meryl Streep, qui va devoir s’émanciper de son temps et de son milieu en affrontant les fantômes de son père et de de son mari, leurs encombrantes amitiés politiques et une armada de conseillers mâles qui entendent lui dicter sa conduite. Comme on s’y attend, le personnage de Tom Hanks va l’accompagner dans cette quête, mais pas en la prenant par la main. C’est sa patronne, il travaille pour elle en tant que rédacteur en chef, et cette situation ne lui pose pas le moindre problème tant que chacun tient sa place. Et pour le coup, ce n’est pas l’expression du machisme de l’époque, bien au contraire : son personnage est le seul à ne pas la ramener à sa condition de femme, et s’il est aussi dur avec elle au début du film, c’est seulement qu’elle n’assume pas – encore – son rôle de patronne de presse. On passera sur quelques maladresses, comme cette stagiaire qui l’accompagne dans les couloirs du tribunal et l’admire un peu trop ouvertement, ou sur la haie d’honneur féminine qui l’escorte à sa sortie. Rappelons tout de même que le film a été mis en images plusieurs mois avant que l’affaire Weinstein n’éclate, au cas où des bien mal-pensants souhaiteraient taxer Spielberg d’opportunisme. Et cinématographiquement, quelle riche idée de nous avoir épargné la traditionnelle scène de procès. C’est dans la salle de rédaction que les journalistes apprendront, de la bouche de l’unique rédactrice du journal, le verdict de la Cour Suprême. Une scène magnifique, du même tonneau que la conclusion de Lincoln.

 

Fireworks, d’Akiyuki Shimbo et Nobuyuki Takeuchi

Tiens, puisque je parlais plus haut de découvrir un film à travers le prisme d’un autre, la sortie française de Fireworks résume assez bien le chemin de croix de l’amateur de cinéma japonais contemporain. Entendons-nous bien : je n’ai rien ni contre le film d’Akiyuki Shimbo et Nobuyuki Takeuchi, ni contre son distributeur, la société Eurozoom qui a toujours été un grand défricheur dans ce domaine. Le problème, c’est qu’ils doivent se sentir bien seuls. Très à la mode au mitan des années 90, avec en fer de lance les œuvres de Kitano et du studio Ghibli, on constate, vingt et quelques années plus tard, que le vent a tourné. Le cinéma Coréen l’a progressivement supplanté dans le cœur des distributeurs – et donc, des spectateurs –, et aujourd’hui, on se retrouve dans une situation pour le moins embarrassante : le seul cinéma japonnais qu’on peut voir sur grand écran est totalement déconnecté de ce qui se passe là-bas. Pour limiter les risques, les distributeurs misent sur les vieilles gloires festivalières qui, à l’exception du prolifique Kiyoshi Kurosawa, n’ont plus grand-chose d’intéressant à dire sur leur époque et leur pays. Vous trouvez que j’exagère ? Sérieusement, Naomi Kawase a-t-elle fait un bon film depuis l’envoûtant Shara ? Le nombrilisme kitanienne intéresse encore quelqu’un ? Doit-on réduire l’animation japonaise au moralisme takahatien, qui, depuis quelques années, a contaminé le cinéma de son coreligionnaire et celui des « héritiers » du studio Ghibli, Mamoru Hosoda en tête ?
Vous allez me dire, c’est la dure loi de la distribution : si on met de côté les cinématographies qui rapportent (en gros, le francophone européen et l’étasunien), le nombre de créneaux qui restent pour le tiers-monde du septième art (Amérique du sud, Asie, Afrique, Europe) est sacrément limité et incite à la prudence. Résultat des courses, la poignée de doux-dingues qui s’intéresse au cinéma japonais d’aujourd’hui n’a plus qu’à se tourner vers le marché de la vidéo. Mouais, sauf que là aussi, c’est un peu la misère. À l’exception des pachydermes sus-cités, peu de films originaux sortent chez-nous, et pas forcément dans les meilleures conditions. Non, franchement, pour avoir une idée de la production récente, il vaut mieux sortir son dico et traverser la Manche ou – et dieu sait que ça me fait mal de le dire – se rabattre sur le téléchargement illégal.
Mais revenons à nos moutons. À ma grande surprise, j’ai découvert dans Les Cahiers du Cinéma 3 que Fireworks était en fait le remake d’un téléfilm des années 90, encore très populaire au pays du soleil levant. Mieux, la séquence centrale du métrage, celle de la gare où les rêves adolescents viennent se fracasser sur la réalité du monde adulte, est une reprise plan par plan de l’original. Voilà. Comment, c’est tout ? Oui, sauf que ce n’est pas la première fois : il y a deux ans, j’ai découvert que le très sympathique Hana et Alice mènent l’enquête de Shunji Iwai, distribué par… Eurozoom, évidement, était en fait le prequel d’un film live de 2004, les deux actrices d’origine prêtant leurs voix aux doubles animés de leurs personnages. Inutile de préciser qu’il n’est jamais sorti chez nous, du moins légalement, et qu’il apporte un éclairage et une profondeur essentiels au film de 2016.
Sinon, bien qu’un cran en dessous de Your Name, Fireworks travaille avec bonheur les même thématiques, celles de la confrontation du temps réel aux « autres temps », qu’ils surgissent du passés ou, comme ici, qu’ils appartiennent aux chemins non empruntés du présent. Et croyez-moi, c’est autrement plus passionnant que la nostalgie réactionnaire du dernier Miyazaki 4.

Un peu de merchandising :

Connaissez-vous les univers joyeusement vénéneux de Bertrand Mandico ? En attendant avec une impatience folle la sortie en salle de son premier long-métrage le mois prochain (voir bande-annonce ci-dessous), et d’ici à ce qu’un éditeur nous propose une belle édition d’Hormona que j’ai lamentablement raté il y a deux ans, c’est le moment idéal pour se plonger dans ses premières œuvres. Pour une somme modique, vous pouvez acquérir un double DVD malicieusement appelé Mandico in the Box qui renferme, sinon son âme, au moins quelques aspects de sa personnalité déjantée. Les courts-métrages du réalisateurs sont d’une beauté proprement foudroyante et ouvrent tout un tas de portes dérobées sur l’autoroute de la cinéphilie mainstream. Bref, Mandico in the Box, c’est indispensable – et toujours disponible chez l’éditeur, Malavida, ce qui ne saurait durer !

Prochainement sur cet écran :

 

1 Toute ressemblance avec un fanzine moribond consacré au cinéma de genre n’est bien évidement pas fortuite pour un sou.
2 Il est épatant dans le Foxcatcher de Benett Miller, aux côtés de Channing Tatum et Mark Ruffalo.
3 Les Cahiers du Cinéma n°740 – janvier 2018, p.43. Sur le foisonnement du jeune cinéma japonais, on se reportera à l’état des lieux dressé par Stéphane du Mesnildot dans le n°715 (octobre 2015).
4 C’est ce qu’on appelle l’art de se faire des ami-e-s !

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Good Time de Ben et Joshua Safdie http://enrevenantducinema.fr/2017/09/27/good-time-de-ben-joshua-safdie/ http://enrevenantducinema.fr/2017/09/27/good-time-de-ben-joshua-safdie/#respond Wed, 27 Sep 2017 15:47:48 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2301 En surchauffe

Deux frères, un, Nick dont le cerveau semble au ralentit, au corps massif qui cache une tristesse profonde, l’autre, Connie, qui va trop vite, qui semble toujours en … Lire la suite...

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En surchauffe

Deux frères, un, Nick dont le cerveau semble au ralentit, au corps massif qui cache une tristesse profonde, l’autre, Connie, qui va trop vite, qui semble toujours en mouvement, aux aguets, en colère. L’alliance de ces deux êtres qui s’aiment et se soutiennent va les entraîner dans le mur.
Connie, en bon adepte du rêve américain comme il se découvre dans un discours énervé sur les losers, veut quitter la misère, il essaie de s’en sortir en s’activant mais plus il s’active, plus il s’enfonce comme pris dans des sables mouvants. Il y a un certain humour dans cette plongée dans la mouise, un humour grinçant mais jamais cynique, on ne rit (nerveusement) pas contre les personnages, on est avec eux. Connie ne semble pas comprendre ce qui lui arrive et finira hébété comme les spectateurs. Il pensait pouvoir réussir mais il reste un loser, il n’y a pas d’issue. Les héros de Good Time sont pour la plupart des marginaux, ça se passe la nuit au milieu des perdants d’une société violente et inégalitaire. Le monde est poisseux, dur, ça se bat, ça gratte, ça palpite, ça gueule, ça cogne, ça saigne, ça s’aime. Les héros sont dans une logique de survie, et ceux qu’ils croisent sont dans la même logique, ça se débrouille, deale, vole. Il n’y a pas de jugement, tout le monde fait ce qu’il peut. Peu de cinéastes savent filmer la rue et ses marges avec autant de justesse et de puissance que les Safdie, ils filment la pauvreté, la démerde, sans jamais chercher à l’embellir ni à la mépriser, sans discours moral surplombant, sans humanisme rassurant, ni complaisance, ni condescendance, on est juste là où ça se passe, où ça vibre, on est juste là en empathie avec les personnages (comme avec l’héroïne voleuse de The Pleasure of Being Robbed, avec le père perdu de Lenny and the Kids où les amoureux drogués et autodestructeur de Mad Love in New York, les précédents films indispensables des cinéastes) et de prendre des acteurs célèbres comme Robert Pattinson ou Jennifer Jason Leigh, comme le fait de se coltiner au genre du film de braquage, ne change rien à leur regard sur le lumpenproletariat. Ils regardent ce monde avec suffisamment d’amour pour ces paumés magnifiques pour qu’on soit profondément touché par ce qui leur arrive.
Parfois le filmage à l’arrache, à l’épaule tient lieu d’unique choix de mise en scène pour certains cinéastes peu imaginatifs voulant faire du cinéma coup de poing, tripale, ce n’est pas le cas ici, la mise en scène paraît au premier abord brute, rêche, au plus près des corps, des visages, toujours en mouvement mais il y a beaucoup plus que ça, il y a un travail sur les couleurs, sur leur saturation, sur le trop qui correspond à ce qui se passe dans la tête de Connie, où tout semble toujours aller trop vite, des couleurs primaires vives, du rouge, du jaune, du bleu, en aplat, des couleurs baveuses et pimpantes dans la noirceur d’une nuit qu’on ne quitte qu’à quelques instants, le travail sur la lumière est vraiment très beau, des reflets venant des téléviseurs, des feux rouges, la peinture qui éclate dans une voiture, des vitraux apparaissant en arrière-fond d’un couloir d’hôpital, ou les néons d’un parc d’attraction, etc, il y a une vraie recherche picturale qui n’est jamais ostentatoire. Le travail sur le son est tout aussi impressionnant, une musique omniprésente qui n’accompagne pas le film mais qui est une partie aussi importante que la partie visuelle, une musique stridente, qui crée une tension permanente et qui s’arrête parfois et là aussi la captation des sons, comme ceux des machines d’un hôpital par exemple, est très précise.
Le montage est tendu, on est comme en apnée, on a du mal à respirer au diapason d’un héros en surchauffe, qui semble fourmiller d’idées, on sent une pulsation dans le corps des acteurs (tous justes et intenses), on la sent presque physiquement. Les Safdie savent jouer sur les ruptures de rythme, tourner une première partie sous la forme d’un thriller sous amphétamine, ultra efficace pour ensuite prendre des chemins de traverse où la vie explose de partout, comme dans cette appartement où le héros se réfugie, il en faut peu par exemple pour faire exister ce personnage d’adolescente fataliste, on pourrait parler aussi de ce mini film (qui semble en vitesse accéléré) dans le film quand une personne rencontrée (de façon accidentelle) raconte comment il s’est retrouvé à l’hôpital. Et la dernière scène emporte tout, en écho à la toute première, elle est déchirante, ce retour au calme suite à la course folle de Connie est d’une tristesse et d’une noirceur infinie, tout est rentré dans l’ordre, tout le monde est à sa place, les désirs sont entravés, doit-on s’en réjouir ? Cette scène finale alors que le générique défile et que la voix d’Iggy Pop nous bouleverse, aurait pu mériter à elle-seule qu’on donne la palme d’or à Good Time, mais tant mieux, ils n’ont pas besoin de ce genre de distinction pour être aujourd’hui des cinéastes majeurs.
Oui, les frères Safdie sont bien les enfants bâtards de Cassavetes (comme tous les cinéastes étiquetés comme mumblecore) et Scorcese (on pense parfois à After hours entre autres), on peut trouver pire comme parrains. Ce ne sont pas les seuls rejetons de ces cinéastes mais ils en sont, assurément, les plus talentueux, tant ces influences évidentes ne les empêchent pas d’avoir un univers et un style très personnel qui nous foudroient.
Good Times de Joshua et Ben Safdie, EU, 2017 avec Robert Pattinson, Ben Safdie, Jennifer Jason Leigh, Taliah Webster, Buddy Duress…

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Le Blues du critique (épisode 11) http://enrevenantducinema.fr/2017/03/02/blues-critique-episode-11/ http://enrevenantducinema.fr/2017/03/02/blues-critique-episode-11/#respond Thu, 02 Mar 2017 14:42:02 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2224

Le Facteur humain

Au risque de passer pour une midinette en mal de glamour, j’éprouve une sincère affection pour la Cérémonie des Oscars, et ce depuis une certaine nuit de … Lire la suite...

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Le Facteur humain

Au risque de passer pour une midinette en mal de glamour, j’éprouve une sincère affection pour la Cérémonie des Oscars, et ce depuis une certaine nuit de mars 1995. Au-delà du frisson de la compétition, des aspects politiques qui accusent systématiquement un train de retard, et du côté grand-messe cathartique célébrant dans une parfaite indécence l’entre-soi et la consanguinité d’un milieu un tantinet détaché des réalités, ce qui m’avait fasciné à l’époque, et qui me pousse encore à m’intéresser à l’événement, c’est l’inévitable facteur humain.

Revenons en 1995, si vous le voulez-bien. Je me revois encore, à 3 heures du matin, les yeux au milieu de la figure, attifé comme l’as de pique, une canette de Coca dans une main et mes pronostics dans l’autre, terrifié à l’idée qu’un insomniaque squatte la salle télé de la résidence universitaire, à siroter de la mauvaise bière devant une rediffusion d’Histoires Naturelles. Ah, quelle époque ! J’étais jeune, j’étais beau, et je découvrais ma cinéphilie. Au-delà de la terrible bataille entre Zemeckis et Tarantino, qui tourna rapidement en eau de boudin pour le réalisateur de Pulp Fiction, le moment fort de la soirée fut sans conteste le discours de Martin Landau, oscarisé dans la catégorie du Best Supporting Actor pour Ed Wood – le meilleur film de Tim Burton avant sa tragique disparition artistique à l’orée des années 2000. C’est que je l’avais totalement oublié celui-là, alors que minot, je dévorais religieusement les épisodes de Cosmos 1999 chaque samedi. Quel plaisir de retrouver cet émouvant soixantenaire, s’efforçant de remercier toutes celles et ceux qui l’avaient accompagné tout au long de sa carrière ; parce qu’à son âge, recevoir ce prix, c’était un peu l’équivalent d’un Oscar d’honneur. Mais voilà que retentit l’insupportable musique, ce garde-fou imbécile dressé contre ces foutus saltimbanques, incapables de respecter le minutage imposé avec leurs remerciements à rallonge et leurs débordements lacrymaux. « Eh Coco, t’es bouché ou quoi ? On a dit : ‘coupez !’ Le credo de l’industrie, c’est : le temps, c’est de l’argent ! Y’a les annonceurs qui trépignent en coulisse, et vu les taraux mon petit pote, t’es gentil, tu prends ton jouet et tu dégages fissa de mon plateau que je lance la pub ! ». À l’époque, j’ai trouvé ça d’une violence inouïe, mais comme je vous l’ai avoué plus haut, c’était ma première fois. Là où on a touché au sublime, c’est un peu plus tard dans le déroulé de la retransmission. Comme vous le savez sans doute, la remise des prix est suivie pour les lauréats d’un photoshoot officiel dans les coulisses, histoire de ne pas parasiter le déroulement du show. Et pour ne rien gâcher, ça permettait de meubler les temps-morts du direct avec des inserts glamour sur des reines de beautés se pavanant avec l’équivalent du PIB d’Haïti sur le dos. Et là, moment magique entre tous, la caméra y retrouve l’ami Landau, micro en main, fier comme Artaban au pied du podium, à terminer tranquillement son discours de remerciement devant un parterre de journalistes.

Cette année, la cérémonie avait lieu dans la nuit du 26 au 27 février, mais j’ai sagement attendu quelques jours avant de la visionner. Vous comprenez, à mon âge, ça n’aurait pas été raisonnable de m’infliger les commentaires lénifiants d’un Laurent Weil, épaulé cette fois par un déplorable sociétaire de la comédie française, le définitivement-pas-drôle Jérôme Commandeur qui eut l’insigne honneur de présenter les Césars deux jours plus tôt. Que voulez-vous, on a les maîtres de cérémonie qu’on mérite… Passons rapidement sur les généralités attendues : Rectification du tir au niveau de la représentation des minorités, volée de bois vert à l’encontre du nouveau chef du monde libre, et blagounettes entre le présentateur Jimmy Kimmel et son souffre-douleur favori, l’acteur Matt Damon1. Je ne vais pas non plus détailler le palmarès, si vous tenez vraiment à savoir qui de Robert McKenzie ou de Sylvain Bellemare à remporté la statuette du meilleur montage son, Internet est votre ami. Je vais me contenter de revenir sur trois moments que j’ai trouvé particulièrement… humains.
Commençons par l’acteur Mahershala Ali, premier récompensé de la soirée dans la catégorie Best Supporting Actor. Il concourait avec deux cadors de la profession, desservis cette année par des films médiocres : l’immense Michael Shannon et cette vieille baderne de Jeff Bridges. Lorsqu’Alicia Vikander annonce son nom, l’acteur de Moonlight, assis au premier rang, se lève pour rejoindre la scène sous un tonnerre d’applaudissements. Quand il arrive à la hauteur de Jeff Bridges, ce dernier lui claque amicalement l’épaule avec un franc sourire. Mahershala met un instant à réaliser, rebrousse chemin et échange avec l’acteur de Comancheria une poignée de main empreinte d’un profond respect. Un geste d’une grande classe.
Autre moment
en apesanteur, la remise de l’Oscar pour le meilleur mixage son. Alors oui, je sais, présenté comme ça, mais jugez plutôt : Cette année, le lauréat n’était autre queKevin O’Connell, récompensé pour son travail sur Tu ne tueras point, la dernière folie de Mel Gibson. Comment, vous ne connaissez pas Kevin O’Connell ? C’est pourtant une légende vivante à Hollywood ! On le considérait jusqu’ici comme le membre le plus poissard de l’Academy. Rendez-vous compte : il a fallu qu’il attende sa 21ᵉ nomination pour enfin décrocher sa statuette ! Je vous laisse imaginer l’émotion du bonhomme au moment des remerciements.
Et
comment ne pas évoquer le dénouement abracadabrantesque de la soirée ? Si vous avez manqué l’épisode, voici un rapide résumé des faits : Sur scène, Warren Beatty et Faye Dunaway, choisis pour célébrer le cinquantenaire de Bonnie & Clyde, doivent remettre l’Oscar du meilleur film. En décachetant l’enveloppe, Beatty hésite. Il montre le carton à Faye Dunaway qui croit à une mauvaise blague de son petit camarade. Elle lui prend des mains et annonce le vainqueur : La La Land. Standing ovation dans la salle, l’équipe du film monte sur scène pour récupérer son prix, sauf qu’on commence à voir débarquer sur le plateau des officiels venus des coulisses. Quelque chose ne tourne pas rond et tout à coup, le producteur Jordan Horrowitz interrompt le discours de son collègue pour annoncer, preuve à la main, que ce n’est pas son film, mais Moonlight qui a remporté l’Oscar. On se retrouve donc avec une bonne vingtaine de gens totalement éberlués sur scène, et un public médusé qui ne panne rien à rien. Warren Beatty insiste pour reprendre le micro et s’expliquer : on ne lui aurait pas remis la bonne enveloppe en coulisses, son carton indiquait « Emma Stone, La La Land ». En fait de grain de sable, c’est carrément une tempête saharienne qui s’est abattue sur le Dolby Theatre.

Que retenir de ce qui restera sans-doute comme la plus belle bourde de l’histoire des Oscars ? Déjà, qu’il vaut toujours mieux tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de… commencer à vomir son fiel sur les réseaux sociaux. Nous vivons décidément une époque formidable, où les gens se sentent obligés de s’emballer sur tout et n’importe quoi sans que quiconque leur ait demandé leur avis, en moins de 140 caractères et à la vitesse de l’éclair. Ainsi, j’ai pu lire des commentaires parfaitement odieux sur le site d’un certain Mark Z., du genre : « C’est ce qui arrive quand on confie un boulot sérieux à un vieux pas fichu de lire correctement un nom sur un carton. » Que la douce Emma, à chaud en coulisses, explique naïvement aux journalistes que ça ne pouvait pas être son enveloppe puisqu’elle l’avait gardée, insinuant par-là que Beatty avait raconté n’importe quoi, passe encore. Elle est beaucoup trop jolie pour que je lui en veuille et visiblement, elle ignorait qu’il existe des enveloppes de secours, au cas où. Mais toi, le facebookien anonyme à l’incontinence verbale assassine, tu n’as pas la moindre excuse et je te maudis sur cinq générations. T’attaquer ainsi à Warren Beatty, figure incontournable du Nouvel Hollywood, réalisateur passionnant et engagé s’il en est, sans avoir eu la décence d’attendre que les explications tombent, je trouve ça d’une dégueulasserie sans nom. Ah, mais voilà que j’entends la musique honnie, il faut donc que je me dépêche de conclure cette chronique sous peine de me faire sauvagement couper. Au-delà des théories plus farfelues les unes que les autres qui ont fleuri un peu partout pour expliquer l’incommensurable bévue et qui, je dois l’avouer, m’ont bien fait rigoler2, j’ai surtout éprouvé un immense soulagement en apprenant cette mésaventure. Je m’explique : jusqu’ici, j’étais persuadé que c’était du chiqué, que les lauréats étaient prévenus avant la cérémonie et devaient feindre la surprise. Oh, pas forcément tous, hein, mais au moins les protagonistes du Big Five 3. Eh bien, non, et c’est une sacrée bonne nouvelle. Et puis ce genre de tuile, ça nous rappelle que malgré l’obsession du contrôle chère à Hollywood, l’industrie du cinéma reste humaine, donc faillible. Et ça aussi, c’est foutrement rassurant. Enfin, pas pour tout le monde, hein, le stagiaire chargé de remettre les enveloppes aux intervenants et qui, parait-il, était en train de twitter au lieu de faire son job, risque d’avoir un peu de mal à décrocher un CDI à la Cité des Anges

Pendants ce temps-là, dans les locaux de la rédaction…
— « Tiens, salut Baptiste ! Alors, vieux camarade, ça biche ?
— Oui, oui , « ça biche », comme tu dis. Je vois que tu as un écrit un nouvel article, et sans attendre six mois ?
— Ouais, hein ? Je me sens motivé ces derniers temps, un truc de dingue !
— C’est bien, c’est bien. Mais tu n’aurais pas oublié un truc ? Voire deux ?
— (…) Ah oui, d’accord ! Je vois ce que tu veux dire. La suite de mon bilan 2016, c’est ça ?
— C’est ça.
— Alors, tu vas rire, mais j’avais tout bien préparé, et vachement en avance, sauf que…
— … Sauf que quoi ? Le chien de ta mamie a mangé la clef USB, c’est ça ?
— Euh, comment tu as dev… ? Ah, d’accord… Je te l’ai déjà sortie, celle-là ?
— (…)
— Bon, promis-juré, je… Ben, pourquoi tu lèves les yeux au ciel ?
— Et si tu t’activais un peu, au lieu de promettre des trucs ? Je sais bien qu’on est en période électorale, mais franchement…
— OK patron, message reçu, je m’y colle de suite. »

(To be continued…)

1 Cette fausse rivalité entre l’acteur et le présentateur dure depuis plus de dix ans. Évidement, dans la vraie vie, ce sont les meilleurs potes du monde.
2 Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer la mienne, de théorie fumeuse : En fait, c’était un coup monté par Warren Beatty et les producteurs de La La Land. Ces derniers ont promis d’éponger l’ardoise de l’acteur-réalisateur après le plantage en règle de son dernier film au box-office étasunien en échange de ce coup de com’ improbable. Parce que bon, soyons honnêtes, hein ? De vous à moi, dans cinq ans, qui se rappellera de Moonlight autrement que par « Mais si, tu sais bien, le film qui a eu l’Oscar alors qu’on l’avait d’abord donné à La La Land ! » ?
3 On surnomme ainsi les cinq catégories reines de la cérémonie : Meilleur Film, Meilleur Réalisateur, Meilleur Acteur, Meilleure Actrice et Meilleur Scénario (subdivisé en deux : Meilleur Scénario Original et Meilleure Adaptation)

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The Fits d’Anna Rose Holmer http://enrevenantducinema.fr/2017/02/04/the-fites-danna-rose-holmer/ http://enrevenantducinema.fr/2017/02/04/the-fites-danna-rose-holmer/#respond Sat, 04 Feb 2017 17:03:09 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2204 Convulsions

Dès les premiers plans de The Fits, on comprend qu’on assiste à la naissance d’une nouvelle cinéaste qui va devenir importante.
L’histoire paraît simple, une fille (Toni incarnée … Lire la suite...

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Dès les premiers plans de The Fits, on comprend qu’on assiste à la naissance d’une nouvelle cinéaste qui va devenir importante.
L’histoire paraît simple, une fille (Toni incarnée avec intensité par Royalty Hightower) s’entraîne à la boxe dans un centre sportif avec son frère mais veut intégrer un groupe de danseuses qui répète dans une autre salle. Est-ce qu’elle va réussir à s’adapter, est-ce qu’elle va devoir quitter la complicité qu’elle partage avec son frère, on présuppose un récit d’initiation, ça pourrait être le sujet du film, c’est un peu ça mais ce n’est pas vraiment ça parce que justement ce n’est pas un film à sujet et heureusement. On est plutôt en empathie avec une héroïne qui observe un nouveau terrain de jeu, qui observe les autres filles et aussi son propre comportement par rapport à elles, comment elle s’approprie un nouvel espace, des nouveaux codes et comment son corps rentre en interaction avec cet espace et ces codes. Mais là aussi, la cinéaste ne donne pas toutes les clés, on ne sait pas trop si elle s’adapte ou reste extérieur, ou si elle explore sa propre voie.
Nous sommes dans une bulle, les parents restent en retrait, l’aspect social apparaît en filigrane.
La cinéaste ouvre de nombreuses pistes d’interprétations possibles (est-ce que c’est un film sur la séparation genrée, sur l’appartenance à un groupe, sur les rituels de passage, la cinéaste ne tranche pas) tout en étant très physique, très ancré dans des lieux (une salle de sport, une cité), dans des pratiques (la boxe, la danse avec à chaque fois une précision dans les gestes et leur captation), surtout elle est au plus proche de son héroïne, on ressent les choses à sa hauteur. Il y a une sûreté dans le regard d’Anna Rose Holmer, elle impose très vite une respiration personnelle, une fluidité, elle prend le temps de filmer l’inscription des corps dans l’espace, de filmer les regards, la peau, le trouble, les interrogations, il y a peu de dialogues, on est tout de suite au plus près de Toni et on ne va plus la lâcher. Et les événements étranges qui vont apparaître résonnent avec le sentiment d’étrangeté que Toni ressent face à un nouvel univers, ce nouveau ring qu’elle va explorer.
La cinéaste échappe à l’exercice de style par le regard attentif qu’elle porte sur ceux et celles qu’elle filme. Elle insuffle une force, un souffle, une énergie à ces personnages (et aussi à nous, spectateurs) et les plus beaux moments sont ceux où les corps se libèrent comme dans la danse finale magnifique (et casse-gueule par sa soudaine magie) ou dans cette visite du centre sportif la nuit par Toni et Beezy habillées d’uniformes scintillants. Le travail sur le rythme, sur la pulsation est impressionnant. Le film alterne des moments de stase avec de brusques accélérations comme ces plans en légère contre-plongée qui semblent aspirer par les corps qui se mettent soudainement en mouvement, comme si on avait un léger retard sur eux avant de les rattraper. La réalisatrice suit le tempo d’un entraînement, entre moments de détente, de repos et moments où l’on agit, danse, répète, les danseuses répètent les pas comme la cinéaste répète des motifs, revient sur les mêmes endroits, un pont, la façade d’un immeuble, un escalier, là aussi, on est dans l’épure, pas besoin de grand-chose pour faire exister ces lieux. L’ensemble peut paraître minimaliste mais ouvre tellement de lignes de fuite qu’on ressent une densité à chaque instant.
On peut l’affirmer ici, Anna Rose Holmer va devenir une grande cinéaste, de celles dont on va attendre les prochaines propositions avec impatience et curiosité.
The Fits d’Anna Rose Holmer, 2016, EU avec Royalty Hightower, Alexis Neblett, Da’Sean Minor…

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L’Homme irrationnel de Woody Allen http://enrevenantducinema.fr/2015/10/14/lhomme-irrationnel-de-woody-allen/ http://enrevenantducinema.fr/2015/10/14/lhomme-irrationnel-de-woody-allen/#respond Wed, 14 Oct 2015 16:33:40 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2135

L’alibi de la légèreté

Un prof de philo dépressif vient enseigner dans une université ou il est attendu comme une personnalité brillante et atypique, une étudiante, en couple avec un … Lire la suite...

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L’alibi de la légèreté

Un prof de philo dépressif vient enseigner dans une université ou il est attendu comme une personnalité brillante et atypique, une étudiante, en couple avec un charmant et fade étudiant, s’intéresse à lui. On rentre dans le film d’une façon très directe, Woody Allen ne s’embarrasse plus de la question de l’exposition de l’histoire. Abe, Joaquin Phoenix, est en voiture, on voit différents profs et élèves parler de son arrivée et décrire en même temps son background, c’est simple, efficace, la situation de départ est posée.
Le problème avec Woody Allen, c’est qu’il a fait tellement de films, avec un ton si personnel que parfois on l’entend comme on entend son personnage d’Harry dans tous ses états, lorsqu’il présente chaque idée d’histoire. Ainsi pendant qu’on regarde L’Homme irrationnel, c’est comme si on entendait la voix de Woody Allen raconter « alors ce serait l’histoire d’un homme totalement déprimé qui arrive dans une université huppée… », on l’imagine même surgir de l’écran. Surtout que le film est très distancié, très écrit, avec une voix off qui raconte la situation au passé, une musique jazz discrète… il y a de plus en plus quelque chose de méta. Dans ses meilleurs films, cette impression disparaît, on oublie tout ça et on est happé, là ce n’est pas totalement le cas.
On devine qu’il s’amuse à expédier certaines scènes, comme celle de l’ouverture, comme cette scène où tout bascule, où Abe a une révélation, comme la scène où il met en évidence cette lampe de poche pour qu’on sache qu’elle aura un rôle et montrer comment le hasard change l’existence, ainsi aussi celles où Abe enseigne et survole en quelques phrases lapidaires Kant, Kierkegaard et les existentialistes, etc. Il ne veut pas s’arrêter sur ces passages obligés, ces nœuds scénaristiques ne l’intéressent pas et peu lui importe de les amener sans chercher la subtilité.
L’impression de distance vient de là et du fait que ce film est une sorte de somme de tous les thèmes Alleniens, l’étudiante amoureuse de son prof plus mûr, le fait de se créer des illusions, de se raconter des histoires pour accepter l’absurdité de la vie (comme dans Meurtres mystérieux à Manhattan, Magic in the moonlight, Blue Jasmine…), le crime et la culpabilité, ou l’absence de culpabilité (de Crimes et Délits à Match point) qui nous fait nous mesurer à Dieu ou à son absence, et surtout comment la philosophie, l’intelligence, la compréhension du monde n’aide pas à vivre mieux.
Ainsi on part sur un carré amoureux (où ce sont les femmes qui ont l’initiative, draguent, montrent leur désir, choisissent, ce qui est un des aspects réjouissant du film), on croit que l’enjeu est là puis on bifurque de façon artificielle sur une affaire policière tout en gardant le même ton un peu badin, ce qui est intéressant c’est comment il passe de l’un à l’autre, comment l’intrigue amoureuse cède la place à l’intrigue à la Dostoïevski (et à la Hitchcock dans sa mise en place, on pense à La Corde, au Crime était presque parfait) avec ses questions de morale individuelle. Si Jill vit une histoire amoureuse, lui ne sort avec elle que pour asouvir son sentiment de toute puissance. Le fait qu’il y ait deux voix off qui se confrontent et ne racontent pas la même histoire illustre cet entrelacs de façon habile.
Le problème est que la greffe ne prend pas vraiment parce que Joaquin Phoenix ne s’intègre pas idéalement dans l’univers de Woody Allen, on est indifférent à son sort. Joaquin Phoenix, son corps massif, son visage fatigué n’est pas à sa place dans cet univers propret mais il ne semble pas tout à fait à sa place dans le film non plus. On sent l’ironie sur cet homme que tout le monde vénère mais qui est finalement assez crétin (« du style mais pas de fond » comme dit la mère de Jill). En creux émerge ainsi une critique d’une certaine vulgarité. Le hiatus entre cet homme qu’on dit brillant et les banalités qu’il peut raconter est au centre du film, cet homme qu’on voit en partie avec les yeux voilés de l’amoureuse Jill. C’est intelligent mais on se souvient de la violence du meurtre de Scarlett Johansson dans Match Point, ça nous prenait au ventre, et pourtant on continuait d’éprouver de l’empathie pour le tueur, alors qu’ici, le sort d’Abe, et aussi du coup l’histoire d’amour qu’il a avec Jill, nous indiffère.
Heureusement les personnages féminins sont forts et portés par des actrices magnétiques de Jill, Emma Stone, (révélée dans Supergrave), mutine, fébrile, tout en mouvement, et Rita, Parker Posey, à la présence sûre, ce sont elles qui portent le film, et Woody Allen les filme avec talent, les plus beaux plans sont sur elles, Jill devant la lumière d’un lac, Rita pleurant dans une voiture en rompant avec son mari.
Ce qui est dommage, c’est qu’on voit le canevas d’un grand film s’il y avait eu plus d’implications, il y a une facilité à ainsi baigner dans quelque chose que Woody Allen connaît, l’univers de la fac, un milieu bourgeois et intellectuel, une mise en scène fluide et élégante, à la lumière douce, sans âpreté.. On assiste à une variation agréable sur les thèmes Alleniens, en espérant que dans le prochain le cinéaste se mettra un peu plus en danger (il faut agir comme dit le héros, se confronter, prendre des risques).
L’Homme irrationnel de Woody Allen, États-Unis, 2015 avec Joaquin Phoenix, Emma Stone, Parker Posey…

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Birdman de Alejandro González Iñárritu http://enrevenantducinema.fr/2015/02/25/birdman-de-alejandro-gonzalez-inarritu/ http://enrevenantducinema.fr/2015/02/25/birdman-de-alejandro-gonzalez-inarritu/#comments Wed, 25 Feb 2015 17:48:35 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2115 La critique d’un connard paresseux

Birdman est un film construit pour qu’on admire sa virtuosité, comme un solo de guitare qui durerait deux heures, et ça marche, on couvre ce … Lire la suite...

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_AF_6405.CR2La critique d’un connard paresseux

Birdman est un film construit pour qu’on admire sa virtuosité, comme un solo de guitare qui durerait deux heures, et ça marche, on couvre ce film d’oscar, de nombreux critiques applaudissent la performance. Parce que c’est de performance dont on parle pour ce film, pas de cinéma, d’émotion, de regard, non, juste de performance. Est-ce ça que doit devenir le cinéma ? Un cinéma où tout est en force, où on montre sa puissance à chaque moment ? Où on doit gagner en écrasant le spectateur ? Un cinéma du mépris.
Le dispositif est un long plan séquence (avec quelques coupures discrètes et quelques plans se succédant pour une séquence de rêve) dans un théâtre, ses loges, sa scène, l’extérieur, etc. Le jeu est de compliquer le plan le plus possible avec des sauts dans le futur dans le même mouvement, l’acteur qui apparaît à un endroit et ensuite à ailleurs à un autre moment de la journée, la caméra virevolte dans les couloirs, sort dans la rue où se presse la foule, s’envole, traverse les vitres, virevolte encore, tourne autour des acteurs, etc. comme s’il fallait sans cesse trouver un nouveau défi, un nouvel obstacle à gravir. On applaudit comme on applaudirait en étant sur un grand huit, ou en regardant le saut à la perche d’un Lavillenie. On se dit « mais comment fait-il ? Quel travelling compliqué ! » ou « Il a dû en chier pour faire ça » et puis on se dit « mais est-ce que j’en ai quelque chose à faire ? » On assiste à un spectacle de sport. Toujours un truc en plus pour donner à voir, un effet qui surajoute et empêche toute respiration, toute vie.
On comprend l’idée du film sur le narcissisme et le délire des acteurs, l’impression de labyrinthe du théâtre renvoyant au labyrinthe mental du héros, mais est-ce vraiment neuf ? L’auteur n’a pas grand chose à dire d’original non plus sur l »affrontement entre les franchise de films de super héros contre un théâtre plus « intellectuel ». Avec la mise en abîme de Michael Keaton (tellement bien pourtant à l’époque des Batman de Tim Burton et du savoureux Multiplicity de Ramis) jouant cet ancien acteur de super héros essayant une reconversion.
Il y a un hiatus entre le propos du film et cet exercice de style vain et prétentieux, ça pourrait ressembler à un hommage ironique à l’acteur, qui a un ego démesuré, qui est jaloux, un peu fou, a peur de vieillir, a peur qu’on l’oublie mais qui sacrifie sa vie pour son art, pour trouver la vérité avec un grand V. Mais l’acteur est filmé comme une marionnette faisant son numéro, rien n’est vivant, il est juste un élément du décor, mal aimé, mal regardé par un metteur en scène préférant faire joujou avec sa caméra, prenant plus de temps à se regarder filmer, ivre de sa propre maîtrise. Chaque échange entre les acteurs est aussi un coup de force, les dialogues doivent percuter, comme un ping-pong incessant et lassant, rien ne se passe entre les personnages, tout est surligné, les acteurs cabotinent pour exister dans cette machinerie, surtout Keaton et Norton, les actrices s’en sortent un peu mieux ainsi que Zach Galifianakis qui a l’intelligence de ne pas rajouter du sucre sur du sucre et joue plutôt en retrait.
Ainsi par exemple la scène de rapprochement entre Sam et Mike pourrait être troublante, mais Iñárritu met une couche de musique, et dès que les corps se touchent, la caméra les surplombent pour ensuite plonger sur la pièce qui se joue en contrebas, parce que ces corps qui se rapprochent ne l’intéressent pas.
Alors oui, il y a quelque plans dans les couloirs du théâtre qui sont efficaces, fluides, il y a une scène qui est plutôt belle où Michael Keaton redevient pour quelques instants Birdman/Batman et se révèle enfin léger mais c’est bien peu.
Les effets, le dispositif doivent aller dans le sens du film, de ce qui est filmé, de ceux et celles qui sont filmés, Bonnello, Dolan ou Anderson en 2014 ont montré qu’on pouvait avoir une vision très forte des cadres, du style, en faisant en sorte que cette mise en scène sublime le propos, le mystère de ce qui se passe entre les êtres.
Dans une scène grotesque, le personnage joué par Michael Keaton s’en prend à une critique et lit le papier qu’elle est en train d’écrire puis s’énerve. « Vous êtes une connasse paresseuse (…) Je ne vois rien sur la technique, la structure, l’intention. » On imagine que Iñárritu n’est pas paresseux, que ce film a dû être compliqué à tourner, qu’il a dû finir en sueur, épuisé mais tant qu’il pensera que l’important c’est uniquement la technique, la structure, l’intention et non l’émotion, le partage, l’ouverture vers quelque chose de non prévue, de non maîtrisable, on n’aimera pas le même cinéma. On préférera toujours un plan vivant de Vincent n’a pas d’écailles par exemple à ce cinéma mortifère et impérialiste.
Birdman de Alejandro González Iñárritu, EU, 2015 avec Michael Keaton, Edward Norton, Zach Galifianakis, Emma Stone, Naomie Watts…

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Maps to the stars de David Cronenberg http://enrevenantducinema.fr/2014/06/02/maps-to-the-stars-de-david-cronenberg/ http://enrevenantducinema.fr/2014/06/02/maps-to-the-stars-de-david-cronenberg/#respond Mon, 02 Jun 2014 17:58:41 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2030 Adieu au langage

Maps to the stars apparaît d’abord comme une description acerbe de Hollywood avec ses enfants stars insupportables et paumés, son hypocrisie, ses actrices jalouses et vieillissantes, la … Lire la suite...

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maptothestar2Adieu au langage

Maps to the stars apparaît d’abord comme une description acerbe de Hollywood avec ses enfants stars insupportables et paumés, son hypocrisie, ses actrices jalouses et vieillissantes, la violence de la concurrence entre les acteurs. C’est un portrait féroce et drôle mais c’est aussi autre chose, c’est une histoire de malédiction et d’inceste, en lien avec ce milieu du cinéma qui paraît incestueux et consanguin, hors du monde. Ce film reprend aussi les thèmes de David Cronenberg, le corps et comment on essaie de le maîtriser en vain, comment il se transforme, plus besoin de passer par les monstres du cinéma fantastique de ses débuts, la monstruosité est là en permanence, prête à surgir, elle s’appelle le temps qui passe, l’angoisse, la survie et transforment les hommes en bêtes.
On retrouve plus spécifiquement autre chose qui intéresse le cinéaste, surtout depuis quelques films, le rapport du corps au langage, thème qui traverse A dangerous method où le discours psychanalytique essaie de contenir la sexualité débordante, qui traverse aussi le beau et incompris Cosmopolis dans lequel le langage économique devient totalement absurde, ne s’accroche plus rien, ne sont que des mots là pour asseoir un pouvoir et non pour signifier quoi que ce soit, ces mots qui s’opposaient au corps sans cesse évalué et devant rester performant du personnage joué par Robert Pattinson. Si dans Cosmopolis cela se passait dans la bulle d’une voiture, on retrouve les mêmes éléments dans Maps to the stars mais dans un endroit ouvert, le langage circule, entre les préceptes bêtifiants du coach personnel, les blagues cyniques des jeunes acteurs, les discours hypocrites des uns et des autres, mais les mots ne veulent là aussi plus rien dire, ainsi le poème d’Eluard est une tentative de s’accrocher à des mots simples qui ont un sens mais ceux-ci paraissent résonner dans le vide, c’est trop tard, l’écart est trop grand. Et cette poésie reprend sens dans un final d’une noirceur absolue.
La mise en scène est élégante, discrète, Cronenberg n’a pas besoin d’être dans la démonstration de force, pourtant la limpidité de cette mise en scène renforce la violence de ce qui est montré, tout est beau, lisse, comme cette maison d’architecte ou tout paraît à sa place, un espace transparent, zen,
Les plans sont caressants, Cronenberg ne cherche pas à en rajouter sur la monstruosité d’une caméra insistante, il ne surplombe pas ses personnages, ne les accable pas, non la mise en scène est presque douce et lumineuse, accompagnée de la musique hypnotique du vieux complice Howard Shore.
Par exemple dans cette très belle scène aussi où la mère pleure seule dans sa baignoire, on la voit au détour d’un plan, avec son mari qui est ailleurs, son fils qui ne voudrait pas entendre. C’est très simple et puissant en même temps. Les mots, les cris, les pleurs ne rencontrent aucun écho, tout semble glisser comme le fait la caméra d’un lieu à un autre, d’une personne à l’autre, seul le passage à l’acte arrête la glissade un moment.
La peur de vieillir, de mourir, de ne plus être aimé, désiré, la perte du sens des choses sont ainsi portés au maximum dans ce monde hollywoodien mais la portée est évidemment universelle et c’est pour cela que ce film dépasse la farce qu’elle paraît être au premier abord. On a vraiment l’impression d’un monde qui se désagrège.
Si Julianne Moore est impressionnante en actrice au narcissisme désespéré et destructeurs, les autres le sont autant dans un registre moins spectaculaire, John Cusack en coach boursouflé et déphasé, arrive à être inquiétant en donnant l’impression de ne rien faire, Olivia Williams joue parfaitement la mère qui semble consciente de l’horreur de ce qui se passe autour d’elle, le fils (Evan Bird) avec un corps étrange, pas fini sait aussi créer quelque chose de troublant. Et Mia Wasikowka qui mériterait un article entier, une actrice découverte entre autres dans la série En traitement ou elle était très émouvante en adolescente perturbée et ce n’est pas pour rien que des cinéastes comme Gus Van Sant ou Jim Jarmusch s’intéressent à elle, son jeu est très moderne, loin des rôles de composition, elle sait être totalement présente et donner en même temps à voir le plaisir de jouer, sans que jamais ça n’empêche d’être touché par ce qu’elle joue. Elle apporte à son personnage de pyromane à la fois une joie mutine et une douceur triste bouleversante. Une lumière émouvante dans ce film désespéré.
Maps to the stars de David Cronenberg, EU, 2014 avec Julianne Moore, Mia Wasikowka, Olivia Williams, John Cusack…

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Night moves de Kelly Reichardt http://enrevenantducinema.fr/2014/05/09/night-moves-kelly-reichardt/ http://enrevenantducinema.fr/2014/05/09/night-moves-kelly-reichardt/#respond Fri, 09 May 2014 21:37:21 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1931 S’enfoncer dans les flots

On retrouve dans Night moves le geste de Kelly Reichardt, son attention pour les détails, ses plans à la simplicité apparente, sa puissance formelle. Nul doute … Lire la suite...

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nightmoveS’enfoncer dans les flots

On retrouve dans Night moves le geste de Kelly Reichardt, son attention pour les détails, ses plans à la simplicité apparente, sa puissance formelle. Nul doute que cette cinéaste est une des grands stylistes d’aujourd’hui.
En accord avec son écriture cinématographique minimaliste, tous ses héros tracent un chemin qui les extrait d’une certaine civilisation, l’îlot bucolique d’Old Joy, le dépouillement contraint de Wendy et Lucy, la disparition dans le désert de la Dernière piste.
Si Night moves apparaît comme un film plus frontalement politique que ses films précédents, c’est une fausse piste. L’engagement politique n’est pas tant la question, le débat qui pourrait avoir lieu entre l’utilité de l’action radicale face à la construction d’une alternative est vite expédié et ne semble pas vraiment intéresser la cinéaste. Ce qui intéresse la cinéaste est le mouvement de personnages qui ne se sentent pas bien dans le monde dans lequel ils sont et qui cherchent autre chose, comment trouver une raison de vivre. Là, ce n’est pas tant le résultat de l’action qui importe que la volonté de s’immerger dans un espace (magnifiques plans dans la nature), dans un moment de stase, que d’agir pour ne plus appartenir à ce monde qui les dégoûte, où certains sont obligés de se déguiser en vache pour vendre des produits laitiers. Ils s’isolent, ce qui fait contrepoint avec cette coopérative où les gens arrivent à interagir, à être ensemble, à se parler, à danser, eux ne se sentent bien qu’en se perdant. Cette première partie du film est nettement la plus forte, la préparation de l’acte est aussi la suite d’une mise à l’écart, détruire un barrage, c’est espérer que ça circule à nouveau, que quelque chose, n’importe quoi, se passe alors que tout est bloqué, mais que faire ensuite une fois le but atteint. Très belle scène dans la voiture suite à l’attentat, où se reflètent sur le visage des acteurs le doute, la satisfaction, l’excitation, l’angoisse face à ce qui va se passer et ce en un même mouvement.
L’immersion vers l’attentat est un modèle de précision, le travail sur le son, cette nature silencieuse qui met en valeur les bruits de l’eau, le travail sur le rythme, la lumière quand le bateau s’approche du barrage qui apparaît comme une bâtisse massive et écrasante. De nombreux cinéastes de film d’action devrait prendre en exemple la scène de la bombe à retardement, pas besoin de millier de plans, de musiques redondantes, de dramatisation à outrance, là, l’épure décuple la tension.
La deuxième partie semble par contre trop théorique, fidèle à sa manière, Kelly Reichardt ne veut pas expliquer les motivations des uns et des autres, peu de discours, juste des actes, des paroles de peur. Ainsi elle explore l’idée de la culpabilité mais on peut aussi penser qu’ils paniquent de revenir au monde, de sortir de la bulle dans laquelle ils étaient lors de la préparation de l’attentat. On pourrait souscrire à cette vision du cinéma qui nous laisse libre d’imaginer les raisons des uns et des autres, sauf qu’ici les événements s’enchaînent de façon dramatique et cela paraît un peu forcé (ainsi que les réactions des protagonistes) en l’absence de sous-texte politique et psychologique. Si la forme reste limpide, on sent une intention scénaristique qui enferme les personnages alors que jusque là nous étions avec Josh et Dena malgré leur mutisme. Kelly Reichardt perd en fluidité en suivant plus une idée qu’en faisant vivre ses personnages.
Night moves de Kelly Reichardt, EU, 2014 avec Jesse Eisenberg, Dakota Fanning, Peter Sarsgaard…

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States of Grace de Destin Cretton http://enrevenantducinema.fr/2014/04/22/states-grace-de-destin-cretton/ http://enrevenantducinema.fr/2014/04/22/states-grace-de-destin-cretton/#comments Tue, 22 Apr 2014 16:56:38 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1917 – C’est tellement mignon.

States of Grace a tous les défauts d’un certain cinéma indépendant. Programmé pour être un film mode, un film petit budget si touchant, si sincère, si … Lire la suite...

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states-of-grace– C’est tellement mignon.

States of Grace a tous les défauts d’un certain cinéma indépendant. Programmé pour être un film mode, un film petit budget si touchant, si sincère, si beurk.
Prenons un thème riche en humanité, d’un côté des enfants en difficulté avec des situations familiales compliquées, de l’autre des éducateurs, dont les héros, un mignon petit couple, au passé lui aussi difficile mais ils s’aiment, c’est ce qui compte. Elle est enceinte, va-t-elle avorter ? Suspense.
C’est le genre du film où on sent que chaque détail, chaque plan est là pour plaire, chaque moment est pensé pour que le spectateur perçoive toute la délicatesse de l’auteur, avec une émotion très maîtrisée qui ne déborde jamais, ne fait jamais rupture, tout est fait pour qu’on ressente de la compassion, mais cette délicatesse dégouline, ça en est écœurant. Sous couvert de ne pas en faire trop, de ne pas tomber dans le pathos ou le misérabilisme, Destin Cretton ne se coltine à rien, ne se mouille jamais de peur de se salir.
Comment ne pas être du côté de ces enfants violentés par leur parent ? Serait-on sans cœur ? Sauf que tous ces adolescents ont une étiquette, le mexicain rigolo, la fille dépressive qui se scarifie, le noir qui ne parle pas beaucoup, tout en violence rentrée, l’enfant psychotique qui est dans sa tête mais qui reste pas trop effrayant (avec cette scène finale où on devrait trouver amusant lorsque cet enfant psychotique pique une crise d’angoisse). Évidemment derrière ces cœurs en souffrance se cachent des artistes, un fait du rap (le rap qu’il déclame est peut-être le seul truc intéressant du film), l’autre écrit et dessine mais cela n’existe que pour servir à chaque fois une scène explicative sur leur histoire respective. Chacun dans sa petite case alors que ça prétend sans cesse le contraire, le cinéaste rajoute des murs aux murs, son regard enferme ceux qu’il filme autant que le lieu dans lequel ils habitent.
Il en est de même de l’équipe des éducateurs, avec ce débutant maladroit qui va apprendre au contact de ces jeunes et, oh surprise !, finir par trouver la bonne distance.
La bonne distance, c’est bien ça le problème, le cinéaste ne cherche que la distance qui fait qu’on l’aimera, il a raison, tellement de critiques aveugles tombent dans le panneau. Il paraît que c’est inspiré de l’histoire du cinéaste et pourtant rien ne semble vécu, rien n’est habité. Alors que c’est censé parler de choses violentes, dures tout est fait pour ne pas déranger, tout est aseptisé, lisse, inoffensif, chaque événement est attendu, comme ces crises de violence qui arrivent pile-poil au moment prévu.
Il n’y a aucun accroc dans le programme, tout va dans le bon sens, toutes les situations se résolvent grâce à la patience des travailleurs sociaux, tellement gentils, tellement à l’écoute, qui apportent à ces jeunes mais qui apprennent d’eux aussi. Parce que quand même c’est par le partage, c’est en s’ouvrant qu’on peut vivre mieux, on a l’impression d’être à l’église, d’écouter un sermon. Le summum est cette scène dans la famille adoptive du héros qui devient dégueulasse tant elle est artificielle, fabriquée pour nous faire pleurer avec une bonne conscience mielleuse et facile.
De même tout ce qui se trame autour de l’histoire d’avortement est hypocrite, si l’héroïne l’a déjà fait c’est parce qu’elle était enceinte de son père qui abusait d’elle et la battait alors ça se justifie (on n’est pas dans Greenberg de Baumbach, tout cela reste très convenable et même un membre du Tea party peut voir ce film) et là elle hésite, mais elle ne le fait pas grâce à une des jeunes qu’elle suit qui lui dit dans une scène tellement, tellement bouleversante qu’elle serait une bonne mère, ouf on a eu chaud, c’est bon, ça finira bien avec mariage et enfant, personne ne sera perturbé. Personne n’avalera de travers ses pop-corn.
La mise en scène est à l’avenant, il n’y en a pas, le même cliché du cinéma indépendant étasunien, la caméra à l’épaule, la prise sur le vif, toujours dans le mouvement des personnages, pour que ça fasse vrai, montage rapide avec alternance de gros plans sur les visages, les mains, les gestes, et plans plus larges avec surcadrage dans les couloirs, les entrées pour donner à voir l’enfermement. Tout ça est vue mille fois, la même lumière un peu crue pour donner l’impression que c’est naturel et travaillée en même temps pour qu’elle soit comme si on était toujours à l’aube ou au crépuscule avec un soleil rasant pour que ça fasse jolie quand même, comme du sous sous (ad lib.) Gus Van Sant (si souvent mal copié), l’héroïne qui fait du vélo la nuit sous la lumière jaunâtre des réverbères, c’est aussi un cliché de ce cinéma.
Ce côté reportage, pour être au plus prés ne devrait pas exonérer de travailler le style, la forme. L’important que ce soit pour le fond ou la forme est la justesse et non les apparats de cette justesse.
Citons pour finir Brett Easton Ellis dans un excellent entretien donné aux Inrockuptibles*, qui parle de plusieurs films dont States of Grace fait partie.
« Je déteste les films vaniteux, tous ces films hypocrites qui veulent que je me sente mieux en sortant, qui veulent dénoncer les injustices de l’Église catholique, qui m’expliquent que l’esclavage c’était vraiment pas bien… J’appelle ça les victim movies. C’est une façon cheap d’émouvoir le spectateur, de le brosser dans le sens du poil, d’enfoncer des portes ouvertes. »
On nage en plein dedans, absence de mise en scène, regard compassé, bel enrobage, aucun point de vue qu’il soit artistique ou politique, il y a des chances que ce film fasse un petit succès.
States of Grace (Short term 12) de Destin Cretton, EU, 2014 avec Brie Larson, John Gallagher Jr., Kaitlyn Dever…

* Les inrockuptibles n°955. Entretien où il explique pourquoi les séries seront toujours inférieures au cinéma, pourquoi L’Inconnu du lac est un film important, bref un homme de goût.

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The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson http://enrevenantducinema.fr/2014/03/14/grand-budapest-hotel-de-wes-anderson/ http://enrevenantducinema.fr/2014/03/14/grand-budapest-hotel-de-wes-anderson/#comments Fri, 14 Mar 2014 15:33:49 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1890 Carré blanc sur fond blanc

The Grand Budapest Hotel a un rythme échevelé, il est souvent drôle avec cet humour très subtil de Wes Anderson qui a un sens du … Lire la suite...

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thegrandbudapesthotel2Carré blanc sur fond blanc

The Grand Budapest Hotel a un rythme échevelé, il est souvent drôle avec cet humour très subtil de Wes Anderson qui a un sens du timing pour faire rire à contre coup, juste par un plan qui dure quelques secondes de trop, un regard, mais qui sait aussi utiliser le burlesque, la farce, le délire verbal, l’humour de répétition, ainsi ce héros dont le discours poétique et sentencieux est sans cesse interrompu par l’action, comme aussi ce dialogue qui s’éternise lors de l’évasion des héros alors qu’en tant que spectateur on voudrait leur crier de fuir au plus vite.
Le film est très cohérent, avec un grand raffinement dans les décors, les costumes, le jeu des acteurs toujours légèrement décalé, élégant aussi dans la mise en scène qui passe d’amples plans très larges à des plans moyens à l’aide d’un zoom rapide, avec un travail très habile sur le surcadrage, et aussi cette alternance de formats du film entre le moment où le récit se passe et celui où il est raconté. Cette finesse fait écho au raffinement du personnage principal et aussi avec cette idée que le dandysme c’est aussi rester droit, ne pas baisser la tête, maintenir sa vision du monde face à la barbarie, face à la montée du fascisme, même si la tristesse vient du fait que souvent la barbarie gagne.
Il y a quelque chose de beau dans cette volonté de garder la face en toute circonstance, ainsi ces scènes dans la prison où l’humanité du héros finit par gagner, où les prisonniers se révèlent respecter l’absence de compromission du héros, alors que les fascistes, eux, ne la comprendront jamais, que le virilisme qu’ils incarnent ne peuvent qu’écraser ce héros, son ami, l’art et par la même le réalisateur Wes Anderson.
Derrière ce monde ripoliné, affleure la monstruosité (comme dans cette scène au musée avec ces statues comme une armée uniforme et déshumanisés, ces scènes dans le train qui datent d’une certaine époque mais peuvent renvoyer à la politique de nos sociétés contre les immigrés…), la glaciation qu’on peut ressentir va de pair avec la glaciation d’un monde, tout cela est dit avec douceur, humour, ce n’est jamais asséné. Le film est intelligent, cultivé avec des références à la peinture et au cinéma des années 30, 40, Ernst Lubitsch bien sûr, on pense parfois à To be or not to be, on pense aussi au cinéma expressionniste allemand avec Willem Dafoe en Nosferatu, là aussi ces références irriguent le thème du film et en renforcent la portée.
Mais, parce qu’il y a un mais comme le début de cette critique pouvait le laisser deviner, en s’affrontant à ce grand sujet tout en gardant son style, quelque chose se perd.
On ne retrouve pas la puissance de certains précédents films de Wes Anderson alors que leur propos semblait plus modeste. On peut parfois craindre que le réalisateur se fasse dévorer par son système, on le sent à la frontière, comme l’était Tim Burton au moment de Sleepy Hollow, époque où il a commencé à faire du Tim Burton, à s’auto-citer, à se caricaturer, à agiter ses jouets de plus en plus dans le vide.
Ainsi cette fascination pour le détail, ce maniérisme qui font la force de Wes Anderson fonctionnent quand ils sont en opposition avec une émotion plus sourde et que cette émotion est portée par des personnages (et non par une idée comme dans ce film), quand des corps vont contre les vignettes, essaient de s’en échapper ou de les bousculer. Ainsi le couple d’adolescent et leur rage contre le monde qui leur était promis dans Moonrise Kingdom, un des grands films du cinéaste, et c’est cette tension entre ces plans très élaborés, très composés de Wes Anderson et l’énergie vitale (même si souvent c’est aussi une énergie dépressive) de ses personnages qui créait l’émotion et la poésie du film et l’empêchait de se retrouver figé.
Là le personnage de dandy du héros est ainsi en accord avec le projet du film, mais le répète de façon tautologique, ça fait qu’on reste dans la vignette, qu’on n’y échappe pas, au risque de l’étouffement, même si le jeu entre les deux acteurs (Ralph Fiennes, Tony Revolori, et tous les deux très justes) est souvent drôle et ce qui se passe entre eux est touchant.
Le personnage féminin du film n’existe pas, elle n’est qu’une figure qu’on pourrait trouver chez Jeunet. De même les différents caméos des acteurs et actrices fétiches du cinéaste semblent là pour faire un clin d’œil à ses admirateurs, alors que dans tous ces précédents films, les seconds rôles existaient très vite (on se souvient ainsi de Bruce Willis ou Edward Norton dans Moonrise Kingdom ou Angelica Huston dans La Vie aquatique parmi tant d’autres), l’apparition des différents personnages de maître d’hôtel devient alors qu’une longue référence à son propre cinéma (jusqu’au maître d’hôtel indien) qui peut être amusante pour les fans du cinéaste mais qui n’apportent grand chose au film.
Si The Grand Budapest Hotel est intéressant en de nombreux points, on aimerait que Wes Anderson cesse de penser à peaufiner son style au risque de le rendre totalement désincarné et qu’il recommence à casser sa maison de poupée pour voir ce que ça peut rendre, pour redonner de la vie à son monde.
The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, 2014 avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, F. Murray Abraham, Mathieu Amalric, Willem Dafoe…

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Blue Jasmine de Woody Allen http://enrevenantducinema.fr/2013/10/21/blue-jasmine-de-woody-allen/ http://enrevenantducinema.fr/2013/10/21/blue-jasmine-de-woody-allen/#respond Mon, 21 Oct 2013 16:16:46 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1804 Portrait en miroir

Peut-être que Woody Allen n’est pas un de ces cinéastes qui a un style voyant pour en mettre plein la vue aux spectateurs, contents d’en avoir alors … Lire la suite...

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BlueJasminePortrait en miroir

Peut-être que Woody Allen n’est pas un de ces cinéastes qui a un style voyant pour en mettre plein la vue aux spectateurs, contents d’en avoir alors pour leur argent, mais dans Blue Jasmine si sa mise en scène ne se voit pas elle sait pourtant être fluide et élégante et se mettre au service du portrait de cette femme, Jasmine, ex-épouse d’une sorte de Madoff, qui refuse sa déchéance sociale.
Le film est d’un abord plutôt étrange avec deux niveaux, les personnages secondaires qui sont filmés avec une douce ironie (la veine Vicky Christina Barcelona) sur un versant alors que sur l’autre Jasmine est du côté du drame filmée de façon plus frontale.
La greffe des deux ne semble pas prendre mais c’est le nœud du film. Jasmine n’est pas dans le cours normal du monde, elle est isolée comme dans cette scène de dispute où sa sœur Ginger s’engueule avec son petit ami, elle est là et ailleurs, comme si elle était de trop dans le plan. Elle n’est jamais réellement présente tout en voulant prendre toute la place, que ce soit drôle, pittoresque ou dramatique, elle est son propre film, sa propre histoire, peu importe le reste du monde. Elle n’est pas dans le même ton que les autres personnages et acteurs et c’est l’intelligence de la mise en scène de nous faire ressentir cela par la différence de jeu, de rythme, par les différences de placement dans le plan.
Peut-être que les personnages secondaires auraient pu être plus intenses, par exemple ce personnage de sœur trop gentille qui voudrait s’accrocher au wagon Jasmine et finit par s’assumer, mais l’ironie anxieuse de Woody Allen est là par petites touches (est-ce que Ginger en fêtant sa réconciliation avec Chili se libère de l’emprise de sa sœur ou le fait-elle par fatalisme social ?) Si ces personnages étaient plus forts, ça aurait nuit à l’équilibre subtil du film.
Ainsi à première vue Blue Jasmine s’inscrit dans la continuité des films plus sociaux de Woody Allen tels que Match Point ou Maudite Aphrodite. La question de la domination sociale, financière et culturelle est bien sûr une des questions du film et il évite l’opposition complaisante entre la « vraie vie des petites gens » et la bourgeoise arrogante et corrompue. Cette bourgeoisie est arrogante mais d’un autre côté ne peut-on pas comprendre que Jasmine préfère une vie avec maison sur l’océan, voyage à Vienne, appartement avec un haut plafond qu’être la secrétaire d’un dentiste harceleur tout en vivant chez sa sœur ? On voudrait qu’elle accepte la réalité mais a-t-elle vraiment tord de vouloir échapper à cette condition, sa beauté est de continuer vaille que vaille contre tous, quitte à perdre la raison. Le portrait est cruel, et c’est la force de Cate Blanchett et de Woody Allen d’arriver à nous rendre le personnage sympathique par instant sans qu’elle ne se départ de sa morgue méprisante pour son entourage.
Ce qui apporte une autre dimension est le fait que le film travaille cette idée de classe sociale mais la dépasse sans l’abandonner. Ce n’est pas seulement une femme qui n’accepte pas d’être pauvre, mais c’est quelqu’un qui met en scène sa vie, qui considère que le conte dans laquelle elle veut vivre est mieux que la réalité (elle ne veut pas voir qu’elle est pauvre comme elle ne veut pas voir les aventures sexuelles de son mari, comme elle ne comprend pas que ce fils la rejette suite à ce qu’elle a fait, et elle s’énerve contre son potentiel nouveau mari quand il ne comprend pas l’intérêt de ses mensonges « mais j’allais bien m’en rendre compte à un certain moment », elle ne peut pas faillir, elle ne peut pas se tromper.)
Cette femme qui ne cesse de se raconter c’est évidemment aussi un autoportrait de Woody Allen. Jasmine a toujours besoin de spectateurs même quand ils l’écoutent à contre-cœur comme dans la scène d’ouverture (qui contient déjà tout le film) ou celle à la fois drôle et anxiogène dans un bar avec ses neveux. L’angoisse que vit le personnage dans la dernière scène pourrait très bien être celle qui taraude le réalisateur « et si je continuais à parler, à faire comme si j’étais le grand cinéaste que beaucoup admirent alors que plus personne ne m’écoute, si je tombais de mon piédestal de cinéaste et me retrouvais seul. »
Ainsi on retrouve l’idée développée dans Harry dans tous ses états, les films comme un moyen de vivre et d’accepter la tristesse de la vie, sauf qu’alors les films aidaient vraiment le double de Woody Allen, là ça ne marche plus, la réalité est sombre mais se réfugier dans l’illusion ne peut aider. On peut faire ce qu’on peut pour essayer de se créer un monde imaginaire, les contes de fée n’existent pas, les choses ont une fin, rien ne peut empêcher que la vie soit douloureuse.
Blue Jasmine de Woody Allen, 2013, EU avec Cate Blanchett, Sally Hawkins, Alec Baldwin…

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Le blues du critique (épisode 7) http://enrevenantducinema.fr/2013/10/06/le-blues-du-critique-episode-7/ http://enrevenantducinema.fr/2013/10/06/le-blues-du-critique-episode-7/#comments Sun, 06 Oct 2013 12:47:31 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1777 Il y a quelque chose de pourri au royaume des blockbusters

On ne le répétera jamais assez : le cinéma va mal. L’argent ne rentre plus dans les caisses et les … Lire la suite...

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JawsIl y a quelque chose de pourri au royaume des blockbusters

On ne le répétera jamais assez : le cinéma va mal. L’argent ne rentre plus dans les caisses et les majors Hollywoodiennes n’arrivent pas à trouver de parade efficace. Après avoir enfumé son monde avec la 3D à la fin des années 2000*, nous observons un repositionnement stratégique autour de deux types de films : le petit budget et le blockbuster rutilant. Sacrifiant au passage les « films du milieu » pourtant indispensable au renouvellement de la créativité, mais comme diraient les petits gars de Goldman Sachs, pourquoi miser sur l’avenir alors qu’on peut s’assurer des profits à court terme ?
Il existe deux types de petits budgets : les films tourné dans un garage avec les sous de son livret A et les films calibrés pour Sundance, la Mecque du cinéma « indépendant ». Les premiers permettent occasionnellement de lancer une franchise extrêmement rentable – en vantant le budget microscopique… par une promotion gargantuesques (Paranormal Activity). Les seconds, produits et/ou distribués par des filiales,  permettent de s’acheter une conscience artistique pour pas grand choses en croisant les doigts pour que leur poulain se transforme en sleeper, un succès que personne n’a vu venir qui assure sa propre publicité grâce au bouche à oreille (Little miss sunshine). Même si ça reste d’agréables bonus, les majors étasuniennes ne peuvent pas se reposer sur ces films pour assurer leurs stabilité financière. Depuis le milieu des années 70, ils se sont tourné vers un autre genre de productions calibrées pour engranger un maximum de dollars : les blockbusters.

The-Dark-Knight-afficheMais au fait, c’est quoi un blockbuster ? Excellente question, je vous remercie de l’avoir posée. C’est un long-métrage conçu pour en mettre plein la vue aux spectateurs – comprendre « doté un budget de production confortable » – dont on va assurer la promotion à coup de millions de dollars pour être bien sûr que les spectateurs sus-cités soient au rendez-vous. Depuis Les dents de la mer (1975), considéré comme le premier de l’histoire, on constate une augmentation exponentielle des budgets qui se base sur un principe discutable : plus le spectateur sera impressionné visuellement, plus il aura envie de revenir. Mouais. Le problème engendré est double : déjà, les studios ont de moins en moins de marge de manoeuvre et misent leur santé financière à chaque sortie. On se rappelle tous le succès colossal de The Dark Knight de Christopher Nolan (2008) qui rapporta à la Warner 1 milliard de dollars pour un budget initial de 185 millions. Bon, d’accord, sans prendre en compte la part de recettes revenant aux exploitants et le budget alloué à la promotion du film mais ça reste malgré tout une très belle opération. Qui a juste permis d’éponger les pertes colossales du Speed Racer des Wachowski sorti quelques mois plus tôt (94 millions de recettes pour un budget de production estimé à 120, ouch). J’en profite pour rappeler qu’Hollywood ne fonctionne pas selon un modèle associatif : c’est une vaste entreprise capitaliste qui doit faire des bénéfices et pas juste rembourser les sommes investies. Autre exemple qui reste dans toutes les mémoires : la MGM qui, même si elle possède les droits de la franchise la plus longue et la plus rentable de l’histoire du cinéma – James Bond – a été plusieurs fois au bord du dépôt de bilan et a failli annuler le tournage de Skyfall. Et je ne parle pas de Disney ! Enfin, je n’en parle pas tout de suite mais nous y reviendrons sûrement.

kassovitzConséquence directe des risques financiers et de la baisse de la fréquentation, la castration artistique des œuvres. Plus le budget d’un film est important, plus il y aura de « costumes-cravates » issus des départements juridiques et financiers du studio sur le tournage, remettant en question le moindre choix du réalisateur en fonction de deux critères : le coût et ce que le public attend. Enfin, ce qu’il est sensé attendre d’après des enquêtes statistiques très poussées. Si les metteurs en scène étasuniens ont l’habitude de travailler dans ces conditions, ce n’est pas le cas des nombreux expatriés accueillis à bras ouvert parce qu’ils ont fait des étincelles dans leurs pays d’origine… et parce qu’ils sont moins chers que leurs homologues américains. On se remémorera les images de la première d’Alien resurrection de notre Jean-Pierre Jeunet national (1997) qui portait toute la misère du monde sur son visage et jurait qu’on ne l’y reprendrait plus. Et je vous conseille fortement Fucking Kassovitz, un documentaire qui revient sans langue de bois sur les déboires du frenchy pendant la production de Babylon A.D. en 2008 (vous trouverez la vidéo ICI mais les passages en anglais ne sont pas sous-titrés).
Autre tendance de plus en plus marquée : le délaissement des histoires originales au profit d’un matériau pré-existant, que ce soit un livre, un comic-book ou… un autre film. Et si en plus on peut en tirer une franchise bien juteuse, c’est top. L’idée sous-jacente est simple : proposer au spectateur potentiel un cadre qu’il connaît, donc rassurant – et faire des économies de promotion au passage. Ceci explique le déferlement de suites, remakes, reboots et adaptations en tout genre qui inondent nos écrans au détriment de ce qu’Hollywood risque de payer très cher ces prochaines années : la créativité. Pire, en souhaitant maximiser le public potentiel, on constate une autocensure assez imbécile qui pousse les blockbusters à ne plus sortir du cadre étriqué du PG-13. Ce n’est pas, comme on pourrait le croire, une interdiction en salle aux mineurs de moins de 13 ans mais un simple avertissement à l’adresse des parents. Pour faire simple, ça veut dire que le film contient quelques gros mots, que des personnages boivent et/ou fument, qu’on peut apercevoir subrepticement un bout de sein ou de fesse, bref pas de quoi brûler un multiplexe sur l’autel de la bienséance. Le problème, c’est qu’on a vu débarquer une flopée de films d’horreur ou d’action à gros budget estampillés PG-13 plus frustrant les uns que les autres avec leur retenue politiquement correcte et leur manque d’ambition graphique. Le virage tragique pris par la carrière de Tim Burton à l’orée des années 2000 en est une parfaite illustration et si Steven Spielberg se pointait aujourd’hui avec le script des Dents de la mer sous le bras, il se ferait gentiment claquer la porte au nez.
Allez, ça sera tout pour aujourd’hui. Dans le prochain épisode, nous reviendrons sur une poignée de blockbusters sortis ces derniers mois, histoire d’illustrer tout ça avec des exemples concrets. D’ici là, n’oubliez-pas d’aller au cinéma, il en a bien besoin…

* Une « révolution » qui, à deux ou trois films près, n’aura servi qu’à trafiquer des résultats déjà mal en point et à priver l’adolescent timide d’un classique de la drague. Celles et ceux qui ont essayé de se galocher avec des lunettes actives sur le nez savent de quoi je parle.

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