Somewhere de Sofia Coppola

 

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Une jeune fille blonde comme dans Virgin Suicides, un acteur déphasé comme le Bill Murray de Lost in Translation, la description du monde de ceux qui ont le pouvoir, la richesse, très loin du peuple qui rappelle Marie Antoinette, le dernier Sofia Coppola est un film qui emprunte à ses trois précédents films. Ainsi à priori rien de surprenant dans Somewhere sauf qu’elle pousse sa forme au bout, elle la systématise.
Sofia Coppola est caricaturée comme la cinéaste de la bourgeoisie, qui filmerait de pauvres petites filles riches, pourtant elle filme ce milieu à la bonne distance, sans mépris mais sans complaisance non plus. Ainsi cet acteur star, Stephen Dorff très juste, réifié et qui est vide de désir vu que tous ses désirs sont rassasiés immédiatement, de la bouffe qu’il peut commander à tout heure aux femmes qui se jettent sur lui, le héros est ridicule mais cela ne provoque pas le dégoût, c’est juste sa réalité, de même elle ne cherche pas à nous donner envie de le plaindre.
Devons-nous attendre qu’elle fasse un film comme si elle était issue du prolétariat, ne serait-ce pas beaucoup plus choquant ? Non, elle montre qu’à un certain niveau social, tout est donné, presque tout est accessible et c’est cela qui est dérangeant, pas le fait qu’on le mette en évidence.
De plus le sujet ne suffit pas à faire le film, l’important est et sera toujours le regard du cinéaste. Somewhere fait souvent penser à Antonioni et on peut se demander si le détour par l’Italie est un hommage au maître qui a filmé le vide, la perte du sens qui traversait une certaine bourgeoisie italienne.
Sofia Coppola utilise essentiellement des plans séquences, soit fixes, soit d’une caméra tremblée, elle filme le vide, il ne se passe rien pourtant chaque plan semble avoir sa tension, sa durée nécessaire, c’est à dire souvent un tout petit peu plus longtemps que ce qu’on attend, ce qui fait qu’on est toujours à l’affut, qu’on a malgré tout toujours l’impression qu’il se passe quelque chose, ainsi quand le héros sur son matelas pneumatique disparaît doucement du cadre ou quand elle s’approche lentement de ce visage moulé dans une substance blanche qui paraît étouffante, il n’y a rien d’autre et pourtant elle donne matière à projeter nos propres questionnements, angoisses.
Les lieux sont beaux, luxueux mais semblent toujours inhabités, comme les filles que le héros rencontre qui ne semblent guère différentes des lap-danceuses qui essaient de le distraire, l’emballage est lumineux mais tout est vide, tout est pourri. Comme chez Gus Van Sant on est toujours proche de la pose arty, la mise en scène, la photo, la lumière sont toujours à la limite de se confondre avec son sujet, cet acteur qui garde toujours l’air cool quoiqu’il se passe, mais c’est cette limite, cette friction qui rendent ce film passionnant.
Somewhere de Sofia Coppola, EU, 2010 avec Stephen Dorff, Elle Fanning…

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