Abdellatif Kechiche – en revenant du cinéma http://enrevenantducinema.fr Tue, 24 Apr 2018 20:15:36 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.8 Mektoub my love : Canto Uno d’Abdellatif Kechiche http://enrevenantducinema.fr/2018/04/24/mektoub-my-love-canto-uno-dabdellatif-kechiche/ http://enrevenantducinema.fr/2018/04/24/mektoub-my-love-canto-uno-dabdellatif-kechiche/#respond Tue, 24 Apr 2018 20:12:53 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2408

Tant de choses à voir

Difficile de savoir si Mektoub my love est le film le plus abouti d’Abdellatif Kechiche mais c’est en tout cas celui où il semble se … Lire la suite...

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Tant de choses à voir

Difficile de savoir si Mektoub my love est le film le plus abouti d’Abdellatif Kechiche mais c’est en tout cas celui où il semble se mettre le plus à nu. Il balaie ce qui parfois pouvait être gênant dans son cinéma dans la distance qu’il avait par rapport à ceux et celles qu’il filmait comme par exemple dans la longue scène sexuelle de La Vie d’Adèle où il faisait preuve paradoxalement d’une soudaine pudeur mal placée. Avec le personnage centrale d’Amin photographe timide, évident double du cinéaste, il trouve un relais à l’intérieur du film pour nous faire partager ses obsessions, il nous fait comprendre et ressentir ce qu’il cherche, il semble libéré et nous emmène avec lui en assumant totalement ses désirs, ses questionnements.
On arrive à toucher ce que le cinéaste travaille depuis ses débuts, et ce dès la scène de sexe inaugurale entraperçue par Amin. Tout le film se jouera sur ce positionnement, ce trouble, cette envie et cette gêne de voir, avec la question de qui regarde, le héros, le cinéaste ou nous, spectateurs.
L’histoire se déroule à Sète, on suit un groupe de jeunes hommes et femmes qui se cherchent, se frôlent, boivent, se baignent, dansent, mangent, discutent. Il ne se passe pas grand-chose d’autre et pourtant on a le sentiment d’un mouvement incessant, d’un élan permanent. Peu de cinéastes savent autant filmer la circulation des corps et cela dans des séquences dont il étire la durée pour voir ce que ça peut rendre. Une caméra alerte passe de l’un à l’autre, on se sent immergé dans une ronde, on ne voit pas le travail, pourtant il faut une grande maîtrise pour donner cette impression de légèreté, de fluidité, de foisonnement, prenant sur le vif les émotions furtives. Il filme la peau, les fesses qui bougent, les torses sous le soleil, s’arrête sur les corps charnues, musclés ou voluptueux, comme dans ces plans sur le corps allongé d’Ophélie à une distance qui englobe une partie des fesses, il prend le temps pour cela, insiste, ne détourne pas le regard, en écho à Amin qui semble fasciné par ce qui l’entoure. Amin regarde ce monde avec l’envie d’en faire partie et une incapacité à cela, toutes les personnes qui l’entourent veulent le faire participer à ces échanges multiples (sa mère, ses amis, etc.) mais lui refuse, on le devine secrètement amoureux de son amie, mais ce n’est pas la seule raison, on sent qu’il aime être en bordure, à la fois à l’intérieur et en dehors, il aime avant tout observer.
Il y a au centre de Mektoub my love, une scène comme une métonymie de tout le film, Amin va dans une bergerie pour photographier des agneaux venant de naître. Le héros qui attend le bon moment, c’est aussi Kechiche qui attend, on voit le film qui est en train de se faire, le photographe Amin comme le cinéaste Kechiche doivent patienter, et cette séquence nous met nous aussi dans cette position d’attente. Être là quand quelque chose se passe, la naissance d’un agneau, comme le rouge venant sur les joues de Céline, comme le sourire, les hésitations dans un moment de séduction, attraper ce qui n’est pas prévu, ce qui surgit.
De même, Kechiche a toujours aimé filmer la bouffe, la morve, les pleurs, la sueur, la chair. Cette scène de la bergerie montre que pour lui la vie naît dans cet aspect gluant de l’accouchement avec ces agneaux juste nés nettoyés délicatement par leur mère, la vie est dès le départ en lien avec les fluides corporelles, elle est définie par ça, loin d’un monde qui s’aseptise.
On sent qu’il aimerait aller voir plus loin, sous la peau s’il le pouvait. Voir ce qui se passe, ne pas évacuer une certaine vulgarité par exemple, ainsi dans la scène de la boîte avec alcool à flot, twerk, lap dance, etc., il n’embellit, ni ne juge, la vie déborde et c’est ce qui importe. De la même façon il filme un hédonisme forcené où l’idée de fidélité en prend un coup mais ne cache pas ses aspects machistes et sa cruauté pour ceux et celles qui ne suivent pas le mouvement.
S’il magnifie les corps, leur rapprochement, éloignement, affaissement, il sait saisir la parole avec la même sensualité, les dialogues sont étincelants, d’apparence simples mais souvent à double sens, avec sous-entendus, différents tiroirs, hésitations, mensonges, séductions, hypocrisies, etc. là aussi il y a du jeu et une drôlerie plutôt rare chez Kechiche.
Les acteurs s’emparent de cette matière avec délectation. L’arrivée d’Hafsia Herzi conforte cette sensation de voir un film en train de se faire, elle entre dans le film comme une actrice visitant un endroit qu’elle a déjà parcouru après La Graine et le mulet, cela se ressent dans son jeu, elle semble dire avec grâce et royauté, je reviens sur mon territoire voir ce qu’il est devenu et cette proximité avec le réel renforce le trouble, mais les autres acteurs ne sont pas en reste, de la maladresse d’Amin à la gourmandise d’Ophélie, sans oublier le fanfaron séducteur Tony, ils sont tous magnifiques de présence, se prêtent au jeu, on sent un réel plaisir à bouger, échanger, un réel plaisir à jouer avec ces mots. Ils participent à cette joie, cette soif de vie, qui émerge du film et qui se communique au spectateur.
Mektoub my love : Canto uno d’Abdellatif Kechiche, 2018, France, avec Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Salim Kechiouche, Lou Luttiau, Hafsia Herzi…

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Summer d’Alanté Kavaïté http://enrevenantducinema.fr/2015/08/18/summer-dalante-kavaite/ http://enrevenantducinema.fr/2015/08/18/summer-dalante-kavaite/#respond Tue, 18 Aug 2015 13:26:59 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2121 La tendresse du regard

Une histoire d’une grande simplicité, deux adolescentes, une bourgeoise et dépressive, Sangaïlé, une plus pauvre et solaire, Austé (jouées respectivement par Julija Steponaityte et Aistė Diržiūtė, … Lire la suite...

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summerLa tendresse du regard

Une histoire d’une grande simplicité, deux adolescentes, une bourgeoise et dépressive, Sangaïlé, une plus pauvre et solaire, Austé (jouées respectivement par Julija Steponaityte et Aistė Diržiūtė, toutes deux impressionnantes de présence) qui lors d’un été vont vivre une histoire d’amour qui va permettre à la première de se libérer de nombreuses angoisses. Ça pourrait être simpliste comme opposition mais celle-ci importe peu, on est loin d’un film ancré dans une réalité sociale qu’un certain grand public appelle de ses vœux, non, Alanté Kavaïté fait du cinéma et prend ainsi un canevas classique pour le déconstruire et s’intéresser essentiellement aux émotions.
On pourrait craindre seulement un film de photographe en écho au personnage de photographe d’Austé, avec ce travail sur la lumière, la perspective, ces couchés de soleil, ces contre-jours, et ça l’est parfois un peu trop mais cette beauté des plans n’écrase jamais les actrices et ce qui se passe entre elles. Dans ces plans très construits, elles donnent à voir un frémissement permanent.
L’histoire est réduite à quelques traits pour laisser place à une mise en scène qui marche par rimes poétiques, par un montage qui travaille sur la sensation, par des très gros plans soudains sur la peau, par des tremblements, par le son parfois en décalage avec l’image, etc.
Plus qu’à un rapport riche/moins riche on assiste à un apprivoisement, Austé choisit Sangaïlé dès qu’elle la voit et elle l’apprivoise non pas pour la manipuler, pour la dominer mais par amour, pour la protéger et la sauver. Comme on apprivoise un chaton sauvage avec patience et tendresse. Et c’est ce qui intéresse Alanté Kavaïté, les gestes d’approche, l’attente, le désir, l’excitation, le relâchement, etc. comme cela passe de l’une à l’autre et comment la déflagration amoureuse les emporte.
Par exemple la scène de la prise de mesure pour un vêtement pourrait être juste théorique, comment l’une prend la mesure de l’autre, mais l’effleurement et la tendresse dont fait preuve Austé est surtout bouleversante, ainsi quand elle découvre les scarifications de Sangaïlé mais ne dit rien pour ne pas la brusquer et continue à la regarder avec la même tendresse, et par la même acquiert sa confiance.
Il y a de nombreuses idées de cinéma, mais ce ne sont pas des idées pour faire des effets mais pour se rapprocher du cœur du film, de son tempo, le tout a une grande cohérence. Elle fait toujours le pari de la mise en scène, de dire les choses par le montage, le mouvement de caméra, la profondeur de champ, très rarement par le discours, c’est un film où on parle très peu, et qu’on en parle, on va très vite au but.
De même dans la scène où les deux héroïnes font l’amour sur des robes incandescentes, ça pourrait juste être jolie mais l’artifice féerique renforce la force sexuelle de la scène, à l’inverse d’un Abdellatif Kechiche échouant dans La Vie d’Adèle à rendre vivante la scène d’amour centrale par sa trop grande volonté de réalisme qui rend paradoxalement la scène artificielle, ici, la cinéaste jette le naturalisme aux oubliettes et l’onirisme dont elle fait preuve décuple l’émotion qui naît de ces échanges.
On pourrait décrire de nombreuses autres scènes puissantes, des retrouvailles dans un champ de myrtilles, le déséquilibre sur un toit de Sangaïlé avant qu’Austé n’arrive pour la soutenir, la scène dans la cuisine après une séparation où Austé ressemble à une geisha enfarinée, etc.
Bien sûr, Alanté Kavaïté tente beaucoup de choses et c’est parfois un peu trop symbolique (l’élévation, le passage à l’age adulte, le vertige de la vie, etc.) mais les quelques défauts n’enlèvent rien à la puissance sensuelle et esthétique de ce film…
Le rôle de la photographe est une métaphore du cinéma, Austé regarde Sangaïlé comme la réalisatrice, et nous à travers elle, regarde ces corps, ces mouvements, ce qui se passe à l’intérieur. Le cinéma pour Alanté Kavaïté, c’est être attentive à ceux et celles qu’elle filme. Et elle le fait magnifiquement.
Summer d’Alanté Kavaïté, Lituanie, France, 2015 avec Julija Steponaityte, Aistė Diržiūtė, Jūratė Sodytė…

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Bilan de l’année 2013 (2) http://enrevenantducinema.fr/2014/02/03/bilan-de-lannee-2013-2/ http://enrevenantducinema.fr/2014/02/03/bilan-de-lannee-2013-2/#comments Mon, 03 Feb 2014 10:45:21 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1851 Fou d’Adèle

Ne comptez pas sur moi pour vous livrer un quelconque top ten, insupportable marronnier de la critique qu’il serait bon de remiser à côté des étoiles si Lire la suite...

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La-vie-d'AdèleFou d’Adèle

Ne comptez pas sur moi pour vous livrer un quelconque top ten, insupportable marronnier de la critique qu’il serait bon de remiser à côté des étoiles si chères à Première… Bon, puisque vous insistez, je veux bien revenir sur quelques temps forts d’une année 2013 particulièrement riche comparée à la précédente. Loin de moi l’idée de copier mon petit camarade, mais je suis obligé d’en remettre une couche sur le meilleur film français. Avant de mettre à l’honneur deux productions étrangères, histoire d’être fidèle à ma réputation.

Donc, fou d’Adèle. C’est aussi simple que cela. Avant même de découvrir ce film-monstre en salle. Et malgré le climat délétère qui en accompagnait la sortie, entre la mutinerie opportune de techniciens en pleine renégociation de convention collective, les remarques acerbes de Julie Maroh, auteure de la très belle BD à l’origine du film, et les propos déformés des actrices principales. Il ne faut qu’une poignée de secondes au réalisateur pour mettre tout le monde d’accord. Le temps de retrouver avec bonheur les dispositifs qui font la richesse de son cinéma des improvisations apprises par cœur et rejouées ad nauseam, jouées devant une caméra au plus près de ses actrices, à l’affût d’un regard, du moindre tressaillement, de ces petits riens qui finissent par rendre les personnages humains. Évoquons aussi la fameuse scène de sexe, puisqu’on n’y coupera pas. Elle tient lieu d’élément narratif, séparant les deux chapitres de la vie d’Adèle. Un pivot entre deux autres séquences « sexuées » autrement plus belles, le fantasme de la lycéenne et la douloureuse séparation à l’âge adulte. Et oui, comme le rappelait mon coreligionnaire, elle est l’antithèse du cinéma de Kechiche. Je ne sais pas s’il était question de faire une pause formelle dans un film immersif et dense, ou s’il s’agissait de préserver des actrices à qui il en demandait déjà beaucoup. Toujours est-il que cela ne fonctionne pas, au point que le spectateur finisse par se sentir de trop. Mais soyons clair, c’est l’unique fausse note d’un film entièrement construit autour du rapport intime entre le spectateur et les deux Adèle, le personnage et sa talentueuse interprète dont on n’a pas fini d’entendre parler.

 Snowpiercer

Sans transition, passons au meilleur blockbuster étasunien de l’année. Et vous allez rire, il s’agit d’un film coréen. Bon, d’accord, d’une co-production entre les deux pays, mais tout de même ! Là non plus, je ne m’étendrais pas sur le sujet, mon camarade ayant consacré une brillante chronique à Snowpiercer, le transperceneige de Bong Joon-Ho que vous trouverez ici. En ces temps où Hollywood mise soit sur les gugusses en costumes, soit sur des films de science fiction propres sur eux – si possible avec Tom Cruise –, ça fait un bien fou de voir un vrai film d’anticipation qui joue son rôle, à savoir tendre un miroir à notre société en extrapolant son avenir proche. A la fois film à grand spectacle, film d’action et fable politique, Snowpiercer est une franche réussite sur tous les plans, avec ce qu’il faut de maladresses pour lui donner figure humaine. Loin des aspirations perfectionnistes kubrickiennes qui lissent les productions étasunienne contemporaines au point de les vider de leur substance, ce film grince, rappe, accroche, il est sale, sans concessions, ni au politiquement correct, ni à l’autocensure. On se croirait revenu dans les années 70, et ça fait un bien fou.

Mud

Et à l’issue d’un suspens proprement insupportable, attaquons-nous au film qui m’aura le plus marqué cette année : Mud, de Jeff Nichols. Vous allez me dire : « Elle est raide celle-là ! Il en fait son film préféré, mais ni lui, ni son confrère ne l’ont chroniqué avant ! ». Chère lectrice, cher lecteur, j‘entends votre colère et je vais vous révéler un petit secret. Plus haut, je qualifiais La Vie d’Adèle de « film-monstre ». Il y a des long-métrages qui vous bouleversent et lorsqu’il s’agit de retranscrire ces émotions sur le papier, on se retrouve littéralement coincé, incapable de trouver un angle d’attaque, comme écrasé par l‘idée de ne pas rendre justice à l’œuvre en question. J’imagine que les professionnels ont à leur disposition une panoplie de « trucs » pour contourner le problème, mais à notre modeste niveau, nous préférons passer notre tour plutôt que de trahir notre sujet. Ou saisir l’opportunité d’un article généraliste comme celui-ci pour l’évoquer sans pression.
Dès la première séquence
de Mud, je me suis revu adolescent, blotti au fond de mon lit les soirs d’orage à dévorer Le grand Meaulnes, Deux ans de vacances ou Les aventures de Tom Sawyer. Des récits initiatiques où les éléments fantastiques sont foncièrement ancrés dans la réalité, et n’existent en tant que tel qu’à travers le regard (et l’âge) de leurs personnages. Ainsi, un bateau sur une île du Mississippi, perché dans un arbre suite à l’ouragan Katrina, devient un formidable moteur d’aventure pour les deux adolescents qui le découvrent. Sauf que ce trésor, Mud le repris de justice en a besoin afin de s’enfuir avec sa bien-aimée. Une étrange amitié va lier les jeunes gens et le personnage lunaire interprété par Matthew McConaughey. Récit simple et honnête où plane en permanence l’ombre de Mark Twain, profondément enraciné dans le Sud des États-Unis, Mud est filmé à l‘image du célèbre fleuve, avec nonchalance mais pouvant exploser à tout moment. Un récit trépident où le jeune Ellis doit affronter la dislocation de sa famille, ses premiers émois amoureux et le grand saut vers l’âge adulte. Le réalisateur capte avec beaucoup de finesse les nuances de ces personnages colorés, mais jamais caricaturaux, produits de leur milieu et de leur époque. Jeff Nichols réalise ici un véritable film pour adolescents, avec beaucoup d’intelligence et d’honnêteté. Une gageure à notre époque où les studios leur proposent à la chaîne des produits calibrés par des adultes incapables de les considérer autrement que comme des enfants.

Que retenir d‘autre ? Que le meilleur film fantastique de l’année, le passionnant Lords of Salem de Rob Zombie, est sorti directement en vidéo chez nous, mais aussi, et c’est plus grave, dans son pays d’origine (Les États-Unis). Que le prix du meilleur film que nous n’avons pas pu voir à Grenoble revient à La fille de nulle part, de Jean-Claude Brisseau. Et que j‘ai beaucoup de mal à partager l’enthousiasme de mon camarade quant à l’avenir de la production française. Faute de diffuseurs télé potentiels, on est toujours sans nouvelles de ce cinéma du milieu qui faisait la richesse du septième art il y a seulement 15 ans. Et je ne parle pas du cinéma de genre qui pointe désespérément aux abonnés absents. Les rares auteurs parvenant à monter un long-métrage ici sont contraint de s’exiler à l’étranger pour poursuivre leur carrière, parce que vous comprenez, ça n’est pas notre culture. La faute à des distributeurs frileux, certes, mais également aux spectateurs qui préfèrent s’encanailler devant des franchises étasuniennes faisandées, et à la critique généraliste qui ne se penche pas vraiment sur le problème. Terminons tout de même sur une bonne nouvelle : le cinéma japonais va mieux, entre le retour en force de Kiyoshi Kurosawa (Shokuzai 1 & 2) et la reconnaissance – enfin ! – de Sono Sion (Land of Hope en salle, Love Exposure en vidéo).

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Bilan de l’année 2013 http://enrevenantducinema.fr/2014/01/15/bilan-de-lannee-2013/ http://enrevenantducinema.fr/2014/01/15/bilan-de-lannee-2013/#respond Wed, 15 Jan 2014 16:52:36 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1839 La France en force

Le titre ne doit pas faire croire que En revenant du cinéma verse tout d’un coup dans un nationalisme rance mais mettre en avant qu’après une … Lire la suite...

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L-Inconnu-du-lacLa France en force

Le titre ne doit pas faire croire que En revenant du cinéma verse tout d’un coup dans un nationalisme rance mais mettre en avant qu’après une année 2012 plutôt terne, l’année 2013 du cinéma nous paraît plus excitante et en particulier en ce qui concerne les productions françaises.
Ainsi le système de financement de ce cinéma qui donne des ulcères aux ultralibéraux et aux réactionnaires de tout poil continue de montrer une certaine efficacité (étonnant que le gouvernement actuel et sa logique de droite ne l’attaque pas plus comme il le fait pour les autres systèmes de solidarité). Bien sûr ce système peut être amélioré (par exemple la trop grande importance du scénario pour recevoir l’avance, l’absence de courage artistique des diffuseurs publics comme France2 ou France 3, la médiocrité de son cinéma grand public, etc.) mais il permet encore au cinéma français de survivre, et de belle manière, face à l’hégémonie étasunienne.

Donc commencer par l’Inconnu du lac, un des chocs de l’année.
On aimait déjà les films d’Alain Guiraudie, sa façon de filmer les corps, tous les corps, de les rendre sensuels, sa façon de mêler le politique à l’intime, la tristesse et la drôlerie.
En resserrant son cinéma sur un seul lieu, en bridant sa fantaisie, sa puissance explose. Un huis-clos en pleine nature, un lieu de drague homosexuel, un homme est tué, un héros se prend d’attirance pour le tueur. Un parking, une plage, la forêt, le lac, un jeu sur la répétition des plans qui transforme la beauté, la douceur de ce coin de nature en un endroit étouffant. Le désir pour les corps nus se mêle petit à petit à l’effroi, et cela par petites touches subtiles, jamais démonstratives, un changement de lumière sur l’eau, un léger décalage du plan, une serviette qui reste sur la plage et que personne ne prend la peine d’enlever, le regard des dragueurs qui au départ amusant devient angoissant, nous transforme comme le héros en proie, la présence de telle ou telle voiture sur le parking.
Un dispositif d’une grande simplicité qui permet d’aborder des sujets importants, qu’est-ce qui excite, comment faire durer le désir, la vie, le sexe, l’ennui, la mort. Rien que ça. Un petit bout de terrain où se croise le Cronenberg de Crash (la compulsion de répétition qui mène à la pulsion de mort) et l’étrangeté du Tropical Malady de Weerasethakul (la partie de la chasse au tigre dans la forêt surtout, deux des cinéastes qui savent le mieux filmer la nature)
Assurément un des films de l’année.

Un cinéaste comme Guiraudie arrive à une grande maturité mais on voit aussi la relève, de nombreux premiers films intéressants par leur liberté, excitants par leur ton novateur, leur forme.
Dans ces nouveaux auteurs, on trouve Justine Triet avec la Bataille de Solférino et son sens de la durée des plans, de leur respiration, sa capacité à nous mettre mal à l’aise sans nous provoquer, sans utiliser d’artifices faciles, avec une mise en scène précise alors qu’elle paraît très lâche, très ouverte. Où comment un homme, par certains côtés sympathiques, prend possession de l’espace et colonise la vie d’une femme, avec un regard qui ne surplombe jamais.
La fille du 14 juillet de Antonin Peretjako, un film branque qui part dans tous les sens, avec différents niveaux d’humour, burlesques, absurdes, lourds, poétiques, politiques, mises en abîmes, etc. Juste pour voir un enfant déguisé en cafard de Kafka gueuler contre l’endormissement général et se faire tirer dessus, pour voir Vincent Macaigne, égérie de ce nouveau cinéma, boire et fumer au volant, en envoyant chier la bienséance. Une forme foutraque et en même temps très précise qui donne un sentiment d’euphorie plutôt bienvenue. La joie est encore possible.

laviedadeleRevenir aussi sur la Vie d’Adèle (chapitres 1 et 2), passionnant et problématique. Abdellatif Kechiche sait filmer le trouble d’une jeune femme, comme dans la scène du coup de foudre qui nous saisit comme le personnage, ou le rougissement d’Adèle qui se fait embrasser par une fille pour la première fois, ce plan qui dure, à l’affût des émotions, curieux du visage d’Adèle Exarchopoulos, de voir comme il réagit et qui semble réellement réagir ainsi pour la première fois. Très belle aussi est la scène de retrouvailles entre Adèle et Léa dans un bar, scène non réaliste peut-être mais où on sent toute la force d’un amour physique, le désir qui les envahit, le personnage joué par Léa Seydoux se lâche enfin, l’amour et la souffrance la submergent, Kechiche nous emmène alors.
Sens du détail, de la captation de la peau, d’une aisselle, d’une cigarette tenue avec grâce, la gaucherie d’Adèle réajustant son pantalon en allant au lycée. La frontalité du style de Kechiche est alors à son meilleur.
Par contre comment a-t-il pu rater à ce point la scène de sexe ? Cette longue scène qui est censé être l’acmé du film, comment a-t-il pu à ce point refuser l’obstacle qu’il s’est lui-même fixé ? Alors que la puissance de son cinéma vient d’être littéralement du côté de l’héroïne, d’être sans cesse proche d’elle, avec elle, dans ses sensations, pourquoi lorsqu’il filme cette scène de sexe, il se met à distance, cadre plus large, enchaîne des positions figées pendant plusieurs minutes sans grâce, filme cela comme une performance, nous met soudain en position de voyeurs extérieurs, gênés d’être là. Pourquoi surtout il n’a plus eu confiance en son cinéma lorsqu’il nous plonge là où ça se passe ? Une soudaine pudeur malvenue ? Il veut tout nous montrer mais en restant à distance, on a alors l’impression paradoxale que la pudibonderie de Kechiche transforme la scène en exhibition. Ce ratage se répercute sur la suite du film, comment croire à la passion charnelle qui lie les deux personnages quand celle-ci sonne tellement faux. Heureusement le cinéaste nous rattrape ensuite mais la question de la représentation de la sexualité au cinéma reste ouverte et Kechiche n’apporte par les bonnes réponses.
lajalousie1L’année s’achève avec la Jalousie de Philippe Garrel et montre ainsi la diversité du cinéma français. Du jeu sur le trop de Kechiche (durée des plans, débordements émotionnelles, sensualité maximale, fluides de toutes sortes) on passe à l’épure de Garrel qui sait nous captiver par des ellipses sèches et la beauté intense des plans, par leur lumière, leur grain, par le regard du cinéaste sur Anna Mouglalis, qu’on retrouve grande actrice sans fard, et Louis Garrel. Des mains qui se touchent, une gare, la nuit, un appartement en haut d’un escalier, la blancheur des murs. Une séparation en quelques mots, en quelques plans. Un homme quitte une femme, en rencontre une autre, se fait quitter. S’engager dans une relation, ou non, la possession, l’indépendance, le dépouillement, le poids de la pauvreté sur la relation amoureuse, où le romantisme est porté par l’homme et la rationalité sexuelle par la femme. Tout est dit sans pathos, sans en rajouter. La puissance formelle de Garrel donne une ampleur à ce travail sur la simplicité, on a l’impression d’être proche de l’os. D’aller à l’essentiel.

Bien sûr, il n’y a pas que le cinéma français, même si avec le beau Frances Ha de Noah Baumbach, on y est toujours un peu, du titre du film à la scène d’hommage au Mauvais sang de Carax (s’il est de bon ton de détester le cinéma français par ici, il suffit d’aller voir ailleurs pour comprendre l’influence du cinéma français et sa place dans le cinéma mondial.) Woody Allen, Joon-ho, De Palma, James Gray et tant d’autres nous le prouvent mais on peut attendre le bilan de Guillaume pour avoir une vision moins francocentré du cinéma de 2013.

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