L’une pleure, l’autre pas…
On trouve chez Jean-Paul Civeyrac, des thèmes communs au cinéma de Philippe Garrel, la difficulté de vivre, le suicide, la jeunesse, la présence des fantômes, le romantisme.
Comme Garrel, il prête le flanc à ceux qui préfèrent la dérision, le second degré, le cynisme et comme son ainé il n’en a que faire, il croit trop au cinéma pour manier l’ironie. Il aime ces filles qu’il filme, il est face à elle et nous le sommes aussi. Il filme ses deux actrices Elise Lhomeau, Léa Tessier, impressionnantes de puissance tranquille, en plan serré, on ne les quitte pas, leur visage fermé, leurs mains qui se serrent, les deux corps qui se soudent, les regards fixes et ailleurs, les accès d’angoisse, les paroles proférées avec un sérieux incompréhensible pour l’extérieur.
Quoi de plus archétypales que les gothiques avec leur univers de châle troué, de squelette, d’ongles noirs, que deux adolescentes fusionnelles, seules contre le monde dans leurs désirs d’absolu? Les codes sont connues, le cinéaste prend ces archétypes et refuse d’en faire autre chose, il fait confiance en sa mise en scène pour juste regarder et nous inviter à regarder, à écouter, pas à comprendre comme tout le monde voudrait le faire, à part dans cette scène un peu attendu avec l’oncle dragueur.
Ici la matière est brute, opaque, douce et sombre en même temps avec une écriture cinématographique sèche. Nous sommes au plus près du réel et, par là même, proche du fantastique accentué par des fondues au noir, des couleurs pâles qui donnent l’impression d’être au plus près de la mort. Des filles en noir. Ce serait juste ça ? Eh oui! ce n’est que ça et c’est déjà beaucoup.
Des filles en noir de Jean-Paul Civeyrac, Fr, 2010, avec Léa Tessier, Elise Lhomeau…