Le blues du critique (épisode 2)

Une année de plus en moins

En réponse aux sollicitations acharnées de mes nombreu(ses)x fans, c’est avec une vive émotion et, avouons-le, une certaine fierté que je vous présente mon bilan cinématographique de l’année 2011. Oui, je sais, nous sommes le 19 mars, mais figurez-vous qu’entre les nécessités d’ordre économique et les activités chronophages, nos emplois du temps sont bien remplis. Par exemple, Baptiste anime un excellent blog consacré au roman noir – que vous trouverez ici. Pour ma part, je finalise un projet aussi ambitieux qu’anachronique. Tout ce que je peux vous dire dans l’immédiat, c’est que « ça » concernera le cinéma de genre et que « ça » devrait voir le jour dans le courant de l’année. Cette parenthèse auto-promotionnelle terminée, revenons à ce fameux bilan 2011.
Je rejoins le camarade Baptiste qui évoquait dans son article – que vous trouverez – une année particulièrement riche à l’image de la sélection Cannoise. Mention spéciale au cinéma français qui, et ce n’est pas si courant, a su rencontrer son public. Je me permets de rajouter à la liste de mon coreligionnaire le glacial L’exercice de l’état de Pierre Schöller que je vous conseille
de (re)voir, par exemple, le 21 avril en double programme avec Le candidat de Niels Arestrup. Et je ne dis pas ça pour décourager celles et ceux qui croiraient encore au cirque électoral. Mais je m’éloigne du sujet, et sans plus attendre je décachette l’enveloppe. Le prix du meilleur film de l’année 2011 est attribué à…
The tree of life
, de Terence Malick

Le jury, composé exclusivement de moi-même, a été unanime. En 1999, je pensais que la disparition de Stanley Kubrick allait entraîner celle du cinéma en tant qu’art majeur. Il restait bien Jean-Luc Godard, mais il avait tourné le dos à l’industrie depuis belle lurette, ce qui ne rend pas ses travaux moins indispensables. Je hisse courageusement le film de Malick au niveau de 2001, l’odyssée de l’espace dont il partage les interrogations philosophiques. Mais là ou Kubrick, avec sa froideur habituelle, explorait les méandres de l’humanité à travers son insignifiance à l’échelle de l’univers, la réflexion de Malick, plus introspective, s’articule autour de la nature, de la maternité et de la spiritualité.
Quoi qu’il en soit, Baptiste et moi avions tout faux. Cette année, il fallait jouer dans l’ordre Intouchable (15,7 millions d’entrées), Rien à déclarer (8,1 millions) et Harry Potter et les reliques de la mort – 2ème partie (6,5 millions). Au risque de paraître vulgaire, je me permets de vous rappeler que le cinéma est avant tout une histoire de gros sous.
Pour rester dans les remises de prix, attardons nous un instant sur le parcours étonnant de The artist de Michel Hazanavicius aux Oscars. Sans remettre en cause les réelles qualités du film, on peut s’interroger sur le succès retentissant de cette production française au pays de George Clooney… Déjà, l’Academy derrière la cérémonie ne représente que le cinéma « mainstream », et il est rare que les auteurs y soient reconnus1. A moins de générer des millions de dollars, comme James Cameron, et encore. La sélection 2012 montrait toutes les faiblesse d’une industrie incapable de se réinventer, noyée sous les adaptations académiques de best-sellers indigestes, les films mous aux castings prestigieux et les ex-auteurs fatigués qui n’ont plus grand chose d’intéressant à dire. The Artist, c’est une bande de frenchies un peu dingues qui re-visite amoureusement le passé glorieux des studios américains, alors que ces derniers semblent totalement incapables d’une telle démarche : ce n’est plus à Hollywood que l’on prend des risques, même si on devine à travers le palmarès que ça leur manque terriblement.
Pour terminer, un grand merci à Mathilde Seigner dont la prestation renversante d’imbécillité lors de la cérémonie des Césars2 illustre le vieil adage : « mieux vaut un mauvais film américain qu’un mauvais film français ». Les Oscars se contentent de couper le micro aux lauréats qui ont l’outrecuidance de dépasser leurs 45 secondes d’expression libre. A la place de Michel Blanc, je lui aurait balancé l’horrible compression en pleine poire, à cette gourde.

1 Notez par exemple que si Brad Pitt était nominé pour l’Oscar du meilleur acteur, ce n’était pas pour sa prestation remarquable dans The tree of life mais pour le plus anecdotique Le stratège, de Bennett Miller. En lice pour trois statuettes, le film de Terence Malick est évidement reparti bredouille…

2 Au moment de remettre le César du meilleur second rôle masculin à Michel Blanc pour sa prestation dans L’exercice de l’état, la dinde a demandé si il était possible de faire monter Joey Starr sur scène, parce qu’elle aurait préféré que ce soit lui qui ait le prix. Blanc a répondu par un trait d’humour de grande classe, proposant une garde alternée. Vous trouverez facilement cet extrait sur internet.

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