cinéma français – en revenant du cinéma http://enrevenantducinema.fr Tue, 24 Apr 2018 20:15:36 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.8 Mektoub my love : Canto Uno d’Abdellatif Kechiche http://enrevenantducinema.fr/2018/04/24/mektoub-my-love-canto-uno-dabdellatif-kechiche/ http://enrevenantducinema.fr/2018/04/24/mektoub-my-love-canto-uno-dabdellatif-kechiche/#respond Tue, 24 Apr 2018 20:12:53 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2408

Tant de choses à voir

Difficile de savoir si Mektoub my love est le film le plus abouti d’Abdellatif Kechiche mais c’est en tout cas celui où il semble se … Lire la suite...

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Tant de choses à voir

Difficile de savoir si Mektoub my love est le film le plus abouti d’Abdellatif Kechiche mais c’est en tout cas celui où il semble se mettre le plus à nu. Il balaie ce qui parfois pouvait être gênant dans son cinéma dans la distance qu’il avait par rapport à ceux et celles qu’il filmait comme par exemple dans la longue scène sexuelle de La Vie d’Adèle où il faisait preuve paradoxalement d’une soudaine pudeur mal placée. Avec le personnage centrale d’Amin photographe timide, évident double du cinéaste, il trouve un relais à l’intérieur du film pour nous faire partager ses obsessions, il nous fait comprendre et ressentir ce qu’il cherche, il semble libéré et nous emmène avec lui en assumant totalement ses désirs, ses questionnements.
On arrive à toucher ce que le cinéaste travaille depuis ses débuts, et ce dès la scène de sexe inaugurale entraperçue par Amin. Tout le film se jouera sur ce positionnement, ce trouble, cette envie et cette gêne de voir, avec la question de qui regarde, le héros, le cinéaste ou nous, spectateurs.
L’histoire se déroule à Sète, on suit un groupe de jeunes hommes et femmes qui se cherchent, se frôlent, boivent, se baignent, dansent, mangent, discutent. Il ne se passe pas grand-chose d’autre et pourtant on a le sentiment d’un mouvement incessant, d’un élan permanent. Peu de cinéastes savent autant filmer la circulation des corps et cela dans des séquences dont il étire la durée pour voir ce que ça peut rendre. Une caméra alerte passe de l’un à l’autre, on se sent immergé dans une ronde, on ne voit pas le travail, pourtant il faut une grande maîtrise pour donner cette impression de légèreté, de fluidité, de foisonnement, prenant sur le vif les émotions furtives. Il filme la peau, les fesses qui bougent, les torses sous le soleil, s’arrête sur les corps charnues, musclés ou voluptueux, comme dans ces plans sur le corps allongé d’Ophélie à une distance qui englobe une partie des fesses, il prend le temps pour cela, insiste, ne détourne pas le regard, en écho à Amin qui semble fasciné par ce qui l’entoure. Amin regarde ce monde avec l’envie d’en faire partie et une incapacité à cela, toutes les personnes qui l’entourent veulent le faire participer à ces échanges multiples (sa mère, ses amis, etc.) mais lui refuse, on le devine secrètement amoureux de son amie, mais ce n’est pas la seule raison, on sent qu’il aime être en bordure, à la fois à l’intérieur et en dehors, il aime avant tout observer.
Il y a au centre de Mektoub my love, une scène comme une métonymie de tout le film, Amin va dans une bergerie pour photographier des agneaux venant de naître. Le héros qui attend le bon moment, c’est aussi Kechiche qui attend, on voit le film qui est en train de se faire, le photographe Amin comme le cinéaste Kechiche doivent patienter, et cette séquence nous met nous aussi dans cette position d’attente. Être là quand quelque chose se passe, la naissance d’un agneau, comme le rouge venant sur les joues de Céline, comme le sourire, les hésitations dans un moment de séduction, attraper ce qui n’est pas prévu, ce qui surgit.
De même, Kechiche a toujours aimé filmer la bouffe, la morve, les pleurs, la sueur, la chair. Cette scène de la bergerie montre que pour lui la vie naît dans cet aspect gluant de l’accouchement avec ces agneaux juste nés nettoyés délicatement par leur mère, la vie est dès le départ en lien avec les fluides corporelles, elle est définie par ça, loin d’un monde qui s’aseptise.
On sent qu’il aimerait aller voir plus loin, sous la peau s’il le pouvait. Voir ce qui se passe, ne pas évacuer une certaine vulgarité par exemple, ainsi dans la scène de la boîte avec alcool à flot, twerk, lap dance, etc., il n’embellit, ni ne juge, la vie déborde et c’est ce qui importe. De la même façon il filme un hédonisme forcené où l’idée de fidélité en prend un coup mais ne cache pas ses aspects machistes et sa cruauté pour ceux et celles qui ne suivent pas le mouvement.
S’il magnifie les corps, leur rapprochement, éloignement, affaissement, il sait saisir la parole avec la même sensualité, les dialogues sont étincelants, d’apparence simples mais souvent à double sens, avec sous-entendus, différents tiroirs, hésitations, mensonges, séductions, hypocrisies, etc. là aussi il y a du jeu et une drôlerie plutôt rare chez Kechiche.
Les acteurs s’emparent de cette matière avec délectation. L’arrivée d’Hafsia Herzi conforte cette sensation de voir un film en train de se faire, elle entre dans le film comme une actrice visitant un endroit qu’elle a déjà parcouru après La Graine et le mulet, cela se ressent dans son jeu, elle semble dire avec grâce et royauté, je reviens sur mon territoire voir ce qu’il est devenu et cette proximité avec le réel renforce le trouble, mais les autres acteurs ne sont pas en reste, de la maladresse d’Amin à la gourmandise d’Ophélie, sans oublier le fanfaron séducteur Tony, ils sont tous magnifiques de présence, se prêtent au jeu, on sent un réel plaisir à bouger, échanger, un réel plaisir à jouer avec ces mots. Ils participent à cette joie, cette soif de vie, qui émerge du film et qui se communique au spectateur.
Mektoub my love : Canto uno d’Abdellatif Kechiche, 2018, France, avec Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Salim Kechiouche, Lou Luttiau, Hafsia Herzi…

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Le Journal d’un Cinéphage – Épisode 2 (Février 2018) http://enrevenantducinema.fr/2018/03/02/journal-dun-cinephage-episode-2-fevrier-2018/ http://enrevenantducinema.fr/2018/03/02/journal-dun-cinephage-episode-2-fevrier-2018/#respond Fri, 02 Mar 2018 07:32:35 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2355

 

Cinéphiles, cinéphiles, mes chèr-e-s compatriotes,

Au menu de cet épisode, une grande déception et un grand cri d’amour. Comment ça, « c’est tout ? ». Euh, j’avais prévu aussi de vous causer … Lire la suite...

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Cinéphiles, cinéphiles, mes chèr-e-s compatriotes,

Au menu de cet épisode, une grande déception et un grand cri d’amour. Comment ça, « c’est tout ? ». Euh, j’avais prévu aussi de vous causer d’un livre et d’une série télé, mais ça attendra. Déjà, je me suis fait sermonner par mon coreligionnaire il y a deux semaines sur le mode : « Tu te rends compte qu’en rajoutant quelques bricoles par-ci, par-là, tu pouvais faire trois articles au lieu d’un ? ». Ensuite, si je ne me garde pas sous le coude des sujets « faciles et déconnectés de l’actualité » pour alimenter cette rubrique les mois de dèche cinématographique et/ou de flemme caractérisée, cette grande et belle aventure humaine risque de finir en eau de boudin. Allez, j’arrête de vous raconter ma vie – enfin, je dis ça –, en vous souhaitant une bonne lecture.

 

Cro Man, de Nick Park

Vous n’imaginez-pas à quel point je l’attendais, ce film. En 2015, Shaun le Mouton avait mis fin à une période catastrophique pour le département longs-métrages du studio anglais Aardman, et avec la manière s’il-vous-plaît. Dans la foulée, la mise en chantier de Cro Man s’annonçait sous les meilleurs auspices : le créateur surdoué de Wallace & Gromit aux manettes, des personnages originaux, un projet ambitieux… Non, vraiment, sur le papier, les aventures préhistoriques de Doug, l’homme de l’âge de pierre en pâte à modeler avaient tout pour plaire.

La séquence d’ouverture est géniale : un bout de générique sur fond noir qui fera vaciller la santé mentale de votre projectionniste, l’image à l’écran présentant les défauts caractéristiques de la pellicule. La terre apparaît, vue de l’espace, bientôt remplacée par un paysage volcanique en pleine activité et un combat titanesque entre un T. Rex et un tricératops – réalisé en stop-motion « vintage ». La caméra recule et nous montre une bataille rangée entre deux tribus d’hommes préhistoriques, quand soudain tout ce petit monde se fige en levant les yeux au ciel : une météorite surgit et vient percuter le sol dans une explosion atomique. Lorsque les cendres retombent, les primitifs survivants découvrent un étrange objet noir venu d’ailleurs. Un objet… de forme sphérique. Tout ce que j’aime chez Aardman se trouve résumé ici : la technique, déjà, qui atteint un niveau d’excellence proprement hallucinant. L’humilité, ensuite, parce que Nick Park sait d’où il vient et ce qu’il doit à ses prédécesseurs. La cinéphilie, enfin, avec la référence au classique des classiques en matière de mise en scène de la préhistoire – et non, je ne parle pas de La Guerre du Feu. Sans oublier l’indispensable touche d’humour so british : les sous titres de la séquence qui situent l’action près de Manchester, à l’heure du déjeuner, un cafard qui sort ses mini-lunettes de soleil pour admirer l’explosion nucléaire et le monolithe de Stanley Kubrick qui prend ici la forme… d’un ballon de football.

Le début du film n’est pas déplaisant, jusqu’à la chasse au lapin. Mais dès que les premiers enjeux dramatiques pointent le bout de leurs museaux de plasticine, c’est la douche froide. Oh, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : on est loin des catastrophes industrielles qu’étaient Souris City et Mission Noël, et l’ensemble reste regardable. Mais bon sang de bois, qu’est-ce que ça manque d’ambition et de saveur ! Et quelle idée saugrenue d’utiliser le football pour illustrer le sempiternel combat du pot de terre contre le pot de fer. Franchement, le coup des amateurs-pas-bien-doués-mais-qui-jouent-unis contre des professionnels-ultra-forts-mais-tellement-individualistes, à notre époque du foot-business pourri jusqu’à la moelle par le fric et les enjeux de pouvoir, mais que c’est agaçant ! Au final, on se retrouve devant un produit déceptif, à peine un cran au dessus du très moyen Les Pirates ! Bons à rien et mauvais en tout. Reste la performance technique, toujours aussi impressionnante, mais ça ne suffit pas.

 

Les Garçons sauvages de Bertrand Mandico, avec Vimala Pons, Diane Rouxel, Pauline Lorillard, Anaël Snoek et Mathilde Warnier

 

Cher monsieur Mandico,

Si je me m’adresse directement à vous, en plus de résoudre le problème qui m’enquiquine depuis le 13 de ce mois et que je résumerai par : « mais comment diable vais-je bien pouvoir retranscrire l’état dans lequel ce film m’a laissé ? », c’est pour vous remercier le plus sincèrement du monde des tortures cinéphiliques que vous m’infligez depuis que j’ai failli faire connaissance avec votre œuvre. Mais si, rappelez-vous, c’était à Grenoble, en 2016, pendant les Maudits Films.

À l’époque, je faisais partie de l’organisation du festival, soit le meilleur moyen pour transcender le simple plaisir de spectateur… et ne plus avoir le temps d’assister aux séances. J’étais donc coincé dans le hall qui jouxte notre belle salle Juliet Berto, à tenir boutique pour faire rentrer quelques sous dans les caisses de l’association. De l’autre côté de la porte – tout un symbole – avait lieu la projection de votre Hormona, dont les effluves sonores parvenaient jusqu’à mes chastes oreilles grâce à une isolation phonique approximative. Je n’avais d’yeux que pour l’affiche du film, punaisée juste en face moi. Plus la séance avançait, plus ma curiosité était mise à l’épreuve, jusqu’à ce que je n’y tienne plus. Lectrices, lecteurs, Bertrand – vous permettez que je vous appelle Bertrand ? –, je vais dévoiler ici l’un des secrets les mieux gardés de la Cinémathèque de Grenoble 1. Dans le mur commun avec la salle, à hauteur de regard warrenien – c’est à dire un tout petit peu en dessous de la moyenne – et à peine dissimulé au commun des mortels, il existe un genre d’œilleton permettant de voir ce qui se passe à l’écran. L’image est déformée, le verre teinté et la luminosité exécrable, mais combiné aux bribes sonores que j’évoquais plus haut, on devine vaguement où en est la projection. Tel un papillon de nuit irrésistiblement attiré par un lampadaire un soir d’été, je me suis retrouvé sans trop savoir comment l’œil rivé au minuscule orifice, dans la position délicieusement indécente du voyeur de peep-show, c’est à dire quelque part entre excitation et culpabilité. Pour être parfaitement honnête, je ne me souviens plus de ce que j’ai vu, ni même de combien de temps ça a duré. Ce dont je me rappelle par contre, c’est le violent retour à la réalité, cette voix dans mon dos qui a brisé la magie de l’instant par un tonitruant : « Alors, c’est bientôt fini ou j’ai le temps d’aller m’en griller une ? ».

Notre seconde rencontre s’est faite un peu plus tard, au cours d’une émission hors-les-murs de l’indispensable Mauvais Genre 2. Chez vous donc, dans tous les sens du terme, avec le charme incomparable du reportage radiophonique qui recrée les images au seul son de la voix. Et dieu sait qu’il y avait des choses passionnante à voir, dans votre antre, même si une bonne partie de vos références m’échappaient, mon parcours culturel étant celui d’un gentil garçon un peu trop sage. Vous me direz, tant mieux : avec tout ce qu’il me reste à découvrir, je ne risque pas de me lasser du septième art avant plusieurs vies. Un an après, la bande-annonce fantasmatique de vos Garçons sauvages enfonçait le clou. À défaut d’Hormona – ça serait bien qu’un éditeur se penche sur son cas, d’ailleurs –, j’ai fait l’acquisition de vos courts-métrages 3 que je savoure comme un grand cru, à petites gorgées. Boro in the Box m’a logiquement amené sur les traces de Walerian Borowczyk, au risque de me brouiller définitivement avec ma banquière 4. La boite de Pandore était ouverte, ma cinéphilie à jamais bousculée, condamnée à évoluer au sens cronenbergien du terme, c’est à dire à devenir plus organique, plus monstrueuse aussi, et foutrement plus ambiguë.

Lorsque nous nous sommes retrouvés dans la grande salle du cinéma le Club, ce 13 février, j’étais littéralement mort de trouille. Et si je m’étais trompé ? Et si mes espoirs étaient déçus ? Imaginons un instant que le film soit raté, comme le dernier Guy Maddin par exemple. Ou pire, que cela soit trop tard ? La cinéphilie, c’est un peu comme l’histoire : on n’évalue pleinement la puissance du moment présent qu’à la lumière du temps qui s’est écoulé. La première fois que je m’en suis rendu compte, avec le cinéma étasunien des années 90 que j’adore, j’ai été pris de panique. Ce recul nécessaire, rien ne dit que je l’aurai à nouveau. Les années s’accumulent et me rapprochent irrémédiablement du Grand Nulle Part, je vis dans l’angoisse permanente de passer à côté de quelque chose, d’un réalisateur, d’un mouvement, ce qui crée chez moi une sensation parfaitement irrationnelle de manque. Comme beaucoup de mes petits camarades, lorsque je suis confronté à de jeunes passionné-e-s de cinéma qui me renvoient immanquablement à celui que je fus, je cache cette fêlure sous une façade de certitudes et d’avis tranchés ; mais ne vous y trompez-pas, derrière le côté je-sais-tout se cache un genre de jalousie bienveillante et…

Et soudain, les lumières s’éteignent, l’écran s’illumine et nous voilà partis pour cette île qui sent l’huître et qui change les mauvais garçons en mauvaises filles. La magie opère instantanément, les doutes sont balayés, la rencontre se fait dans un rapport de parfaite égalité. C’est essentiel, ça, le rapport qui s’instaure entre le film et son public. Entre ces réalisateurs qui vous prennent de haut ou pire, ceux qui vous prennent pour un con en usant et abusant du plus petit dénominateur commun, rares sont ceux qui vous traitent en égal. Ici, le respect est total. La forme reprend ses droits, sans jamais se substituer au sujet ou à la narration. Le tournage sur pellicule, les effets réalisés sur le plateau, ces actrices délicieuses qui se travestissent, rien n’est de l’ordre de la pose, tout est au service du film et de son propos qu’on pourrait résumer simplement par : dans la vie, rien n’est vraiment figé.
Je pourrai sortir la bonne vieille trousse à outils du critique en mal d’inspiration pour disséquer votre film plan par plan, histoire de camoufler mes émotions, monsieur Mandico. Mais à quoi bon ? Devant vos Garçons sauvages, je suis redevenu ce môme qui ne manquait jamais l’occasion de voir un film à la télé, qui pensait naïvement que tous les américains portaient des Stetson et ressemblaient à John Wayne ou que Jean Marais avait vécu au temps des mousquetaires. J’étais sur la défensive, je m’étais préparé avec appréhension à être bousculé, et c’est tout l’inverse qui s’est produit : je me suis coulé dans votre film et, comme les étranges plantes animales et sensuelles qui peuplent l’île aux huîtres, j’ai fini par en faire partie, à ma manière. Et ce n’est pas terminé, loin s’en faut. Depuis le 13 février, j’attends avec une douloureuse impatience de pouvoir m’embarquer à nouveau sur le navire du Capitaine. Avec la musique du film en fond sonore, du matin au soir. Délicieuse torture, j’ai laissé mûrir ce texte depuis, repoussant chaque jour sa rédaction tant je redoutais l’exercice. J’en profite pour m’excuser platement auprès de nos lecteurs qui en attendaient peut-être autre chose. Mais que voulez-vous, c’est comme ça. J’espère seulement vous avoir donné envie de voir ce beau film, et qu’il vous touchera autant que moi.

Quant à vous, mon cher Bertrand, j’ai hâte que nos chemins se croisent à nouveau, au détour d’une salle obscure, d’un festival ou même d’un verre, tiens. En vous souhaitant d’ici-là bonne continuation.

 

1 S’il devait m’arriver malheur ces prochaines semaines, ne cherchez pas le coupable : c’est un coup du fantôme de Michel Warren, fondateur et grand ordonnateur de la Cinémathèque de Grenoble qui nous a quitté en 2015
2 L’appeau aux chimères : rencontre avec le cinéaste Bertrand Mandico, diffusée sur France Culture le 18 février 2017.
3 Mandico in the Box, chez Malavida (2 DVD).
4 Coffret Walerian Borowczyk, édité par Carlotta (8 DVD + 3 BRD gavés de bonus, plus deux livres).

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Un Beau soleil intérieur de Claire Denis http://enrevenantducinema.fr/2017/11/03/beau-soleil-interieur-de-claire-denis/ http://enrevenantducinema.fr/2017/11/03/beau-soleil-interieur-de-claire-denis/#respond Fri, 03 Nov 2017 17:13:14 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2311 Passages nuageux

Un beau soleil intérieur est le portrait d’une femme, Isabelle, empêtrée dans sa vie sentimentale et sexuelle. On perçoit ce que voulait faire Claire Denis, un film qui … Lire la suite...

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Passages nuageux

Un beau soleil intérieur est le portrait d’une femme, Isabelle, empêtrée dans sa vie sentimentale et sexuelle. On perçoit ce que voulait faire Claire Denis, un film qui travaille la parole, le discours et l’accaparement de ce discours par le pouvoir qu’il soit celui de l’homme et/ou celui de la bourgeoisie. Ainsi on assiste à différents types de paroles, celle brutale d’un banquier ignoble, hésitante d’un acteur ou condescendante d’un ami, etc., et l’héroïne se trouve prise dans ces différents discours sans savoir ce qu’elle veut vraiment, elle hésite, en perd ses mots, prend le discours du pouvoir. Le projet aurait pu être intéressant théoriquement mais le film s’empêtre au diapason de l’héroïne.
Le début est très écrit jusque dans les hésitations surjouées, et puis on se dit que ce côté théâtral est volontaire, que ça travaille le faux, le trop, avec aussi un certain humour, on pense ainsi au personnage incarné par Katerine et au voyage dans le Lot (où sont tournées les meilleurs scènes, où on devine le film, drôle, cruel et absurde, que Claire Denis voulait peut-être faire), on se dit, ok, c’est un jeu de massacre, une farce, alors il aurait fallu aller plus loin dans cette direction mais la cinéaste revient très vite au film démonstratif qu’il était au départ. Claire Denis hésite entre la peinture proche du pamphlet d’un petit milieu, une comédie sentimentale, un film fantaisiste, une démonstration théorique mais ne choisit pas vraiment. On aime les films bancals, flottants, mais le problème est que là, ce non-choix fait que le propos initial se perd voire devient très confus.
Ainsi l’héroïne a différents partenaires sexuels mais veut trouver le grand amour, alors que les hommes, eux, ne pensent qu’à tirer un coup, à profiter d’elle, si on choisit dès le départ, la caricature pour bousculer les clichés, pourquoi pas, mais le fait de vouloir dire quelque chose de plus profond sur le monde tout en gardant aussi un ton badin de comédie donne l’impression d’avaliser cette idée que les hommes ne pensent qu’au sexe et que les femmes sont avant tout sentimentales, ce qui n’est pas le discours le plus transgressif et révolutionnaire qui soit de nos jours. Ce qui est renforcé par le fait qu’Isabelle (incarnée avec intensité, ce qui n’était pas évident, tant le personnage est chargé, par Juliette Binoche) semble toujours triste, toujours la larme à l’œil, victime bringuebalée.
Prenons un exemple, Isabelle a une relation avec un homme au rsa, un pauvre donc, et se retrouve ensuite à discuter avec un ami ou collègue du même monde qu’elle (elle est peintre et appartient à une certaine classe moyenne intellectuelle), ou plutôt elle subit son discours sur le fait qu’il n’est pas possible d’avoir une relation avec quelqu’un d’un autre milieu, mais le discours qu’il tient est tellement simpliste et explicite qu’on ne peut que se demander pourquoi elle ne réagit pas, il faut qu’elle soit quand même bien naïve pour s’y laisser prendre. On entend la critique d’une classe sociale étanche et méprisante sauf que le film redouble cela en ne laissant qu’une petite place à ce personnage de rsaste, qui drague, lui évidemment sans parler, juste par le corps, alors que tous les autres se noient dans les mots (ce qui est, là aussi, très stéréotypé) mais c’est la cinéaste et le scenario qui le dessine ainsi, et pas seulement le discours du personnage joué par Bruno Podalydès, c’est Claire Denis qui le cantonne derrière la porte comme elle cantonne aussi Isabelle dans une posture passive.
Ainsi, ce film s’intéresse à un milieu qui semble être celui de la réalisatrice, un monde culturel arrogant mais si ce milieu est critiqué, on n’en sort pas vraiment et la présence d’acteurs, actrices qui sont aussi souvent réalisateurs qui viennent faire une apparition (comme Valeria Bruni-Tedeschi par exemple) comme des voisins qui passeraient dire bonjour, accentue cette impression d’un entre-soi qui est pourtant censé être brocardé. Il y a alors un écart étrange et gênant entre un propos qui se veut cruel sur la violence symbolique du discours et une façon d’envoyer tout ça promener en se disant que finalement, ce n’est pas si grave comme la dernière tirade de Gérard Depardieu semble le souligner.
On sait que Claire Denis est capable de très beaux films, et justement, de savoir aller explorer différents univers (de Beau Travail à 35 Rhum en passant par White Material), c’est une cinéaste importante mais qui là, même si elle garde tout son talent pour filmer simplement les corps, la peau, etc. nous paraît taper à côté, en donnant l’impression de ne filmer qu’un petit monde mesquin refermé sur lui-même sans avoir grand-chose, finalement, à en dire.
Un Beau soleil intérieur de Claire Denis, France, 2017 avec Juliette Binoche, Xavier Beauvois, Alex Descas…

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Les Fantômes d’Ismaël d’Arnaud Desplechin http://enrevenantducinema.fr/2017/05/25/les-fantomes-dismael-darnaud-desplechin/ http://enrevenantducinema.fr/2017/05/25/les-fantomes-dismael-darnaud-desplechin/#respond Thu, 25 May 2017 18:27:30 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2297

Plutôt la vie

Les Fantômes d’Ismaël entrelace plusieurs histoires pour ensuite les faire exploser en puzzle.
On entre sans avoir le temps de respirer dans un film d’espionnage avec un … Lire la suite...

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Plutôt la vie

Les Fantômes d’Ismaël entrelace plusieurs histoires pour ensuite les faire exploser en puzzle.
On entre sans avoir le temps de respirer dans un film d’espionnage avec un montage très brut, des ellipses rapides, donnant une impression de mouvement qui nous perd de suite. Des hommes en costard parlent d’un personnage s’appelant Dedalus, (jamais aussi bien nommé que par rapport à ce film), dont le passé semble obscur. On découvre vite que cette histoire d’espionnage est un film que tente d’écrire Ismaël (joué avec fièvre par Mathieu Amalric, le double récurrent d’Arnaud Desplechin), on suit alors ce réalisateur dans une maison au bord d’une plage, où revient un être aimé pensé disparu, on change alors de ton, le film se fait ostensiblement théâtral, puis ensuite sèchement, on passe à autre chose.
Le cinéaste est très fort pour nous désorienter, à chaque fois qu’on croit savoir vers quoi va le film, il prend une tangente rapide pour nous emmener ailleurs. À cette narration labyrinthique se rajoute un film truffé de références, parce que c’est avant tout un film sur le cinéma en général (même si on y trouve des références à d’autres arts, théâtre, peinture, etc), et sur le cinéma de Desplechin en particulier ou plutôt sur un double de Desplechin utilisant le cinéma pour combattre ses fantômes.
On trouve des références évidentes à Hitchcock (de Vertigo à Rebecca), on pense aussi à Bergman dans le discours final (qui n’est pas la meilleur partie du film) avec des réminiscences de Saraband, on pense au Woody Allen de Harry dans tous ses états dont la thématique est assez proche, etc.
En parallèle, ça abonde de référence à la propre œuvre du cinéaste, avec comme souvent des noms et prénoms qu’on trouve dans ses précédents films, de Dedalus évidemment à Sylvia, Esther, Ismaël, Ivan, etc. Il fait aussi jouer des acteurs qui semblent reprendre de précédents rôles, de l’Hippolyte Girardot de Rois et reine au Bruno Todeschini de La Sentinelle en passant par Laszlo Szabo figure paternel dans nombre de ses films, là aussi, les références se multiplient et finissent par nous engloutir.
On a parfois l’impression de plonger dans un délire obsessionnel dont le film Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) (film générationnel pour de nombreux cinéphiles dont il a déjà fait un préquel avec Trois souvenirs de ma jeunesse) serait la pierre angulaire (de sa filmographie, de sa vie?).
Tout cela pourrait être vain si ces références n’étaient pas en même temps le sujet du film, Carlotta, incarnée par Marion Cotillard revient après avoir disparu 21 ans soit, grosso modo la période qui sépare Comment je me suis disputé donc (où l’actrice apparaît brièvement) et ce film, comme si hors de son cinéma elle disparaissait, comme si pour le cinéaste, ses films étaient une tentative de tisser une continuité, une cohérence, comme si son malheur était l’impossibilité de vivre hors de ce monde qu’il a lui-même crée, ce monde dont il a l’impression d’avoir la maîtrise.
C’est ainsi le portrait d’un cinéaste qui peuple son film de fantômes (un frère absent entre autres), de souvenirs pour accepter la vie avec son lot de perte, de séparation, de deuil. L’œuvre qu’il crée devient son unique réalité, que ce soit les personnages qu’il invente, les acteurs et actrices qui jouent pour lui, ou les références qui le nourrissent.
Ça mélange ainsi cette idée que le cinéma c’est essayer d’arrêter le temps, de vouloir que rien ne bouge, vouloir fixer les souvenirs et en même temps c’est être confronté à cette impossibilité, « le présent c’est de la merde » dit Ismaël.
C’est brillant, foisonnant, superbement filmé mais, et c’est déjà ce qu’on pouvait ressentir dans d’autres films récents de ce cinéaste, on a parfois l’impression qu’il se laisse envahir par cette intellectualité, que ce foisonnement référentiel, auto-référentiel, théorique, ces mises en abîmes successives camouflent une difficulté de plus en plus importante à laisser vivre une histoire, des personnages, des rencontres.
On objectera que c’est justement ça le thème, un cinéaste qui n’arrive pas à finir son film parce qu’il n’arrive pas se confronter au deuil, parce que ça le terrifie mais là ça va vite, trop vite d’un sujet, d’une idée à l’autre.
Quand on aime ce cinéaste, on se souvient de l’émotion intense dans la magnifique dernière heure d’Esther Khan, on se souvient encore et toujours de nombreuses scènes de Comment je me suis disputé (le coup de téléphone final pouvait arracher des larmes), ou on pouvait se sentir atteint par la violence du père de Rois et reine par exemple.
Si on ne retrouve pas cette émotion, de nombreuses scènes excitent quand même notre imaginaire, celles où Ismaël raconte à son producteur exécutif le film en train de se faire sont les plus belles, Desplechin arrive alors à nous faire ressentir la passion de la création, avec un montage entre des scènes filmées et des scènes où Ismaël nous raconte à l’aide d’objets divers ce qu’il imagine, c’est très fort, on reconstruit nous-mêmes, comme si on les voyait, les scènes manquantes.
Sont trop courtes hélas les scènes dans le train emmenant Ismaël dans le Roubaix de son enfance, on sent alors une tristesse qui affleure, on aimerait qu’il s’y arrête plus (même si le thème était déjà traité dans Conte de noël), là aussi, on a l’impression d’approcher quelque chose de touchant, mais le cinéaste s’en désintéresse.
Ainsi Les Fantômes d’Ismaël est ludique, intelligent, impressionnant mais juste on aimerait qu’Arnaud Desplechin se remettre à croire à la vie qui peut surgir d’une scène et pas seulement à la puissance narrative de son imagination et à la fluidité évidente de sa mise en scène, on aimerait parfois qu’il aille au cœur des choses, qu’il ne conçoive pas chaque scène en imaginant comment on peut la structurer, la déstructurer, la désosser ou l’orner de différentes références (ainsi par exemple la scène de sexe entre Carlotta et Ismaël manque singulièrement de sensualité parce que trop pensé, ne vivant pas par elle-même). Le cinéaste est lucide sur cette inflation intellectuelle, quand on voit Ismaël travaillant sur un projet de film sur la naissance de la perspective dans la peinture, (comme le héros du Spider de Cronenberg) tissant des fils entre des peintures, il semble alors en plein délire.
Il est évident qu’Arnaud Desplechin est un grand metteur en scène, que Les Fantômes d’Ismaël mériterait plusieurs visions pour voir tout ce qui est caché, que chaque tiroir qu’on ouvrirait révélerait quelque chose de neuf. Mais on voudrait lui dire comme on voudrait le dire à son héros, ralentis, respire, laisse advenir ce qu’il y a à advenir.
Les Fantômes d’Ismaël d’Arnaud Desplechin, France, 2017 avec Mathieu Amalric, Charlotte Gainsbourg, Marion Cotillard, Hippolyte Girardot, Laszlo Szabo…

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Nocturama de Bertrand Bonello http://enrevenantducinema.fr/2016/09/16/nocturama-de-bertrand-bonello/ http://enrevenantducinema.fr/2016/09/16/nocturama-de-bertrand-bonello/#respond Fri, 16 Sep 2016 17:01:15 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2149 Une jeunesse que personne n’écoute

Quand on considère Bertrand Bonello comme un cinéaste important, qu’on chérie L’Apollonide et le court-métrage Cindy the doll is mine comme des œuvres majeurs, on … Lire la suite...

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nocturamaUne jeunesse que personne n’écoute

Quand on considère Bertrand Bonello comme un cinéaste important, qu’on chérie L’Apollonide et le court-métrage Cindy the doll is mine comme des œuvres majeurs, on est embarrassé face au ratage que représente Nocturama.
Pourtant le film est séduisant, comme une variation sur Elephant de Gus Van Sant, avec un sujet qui présente des similitudes, des jeunes passant à l’acte violent, mais aussi par le travail sur la temporalité, une même scène vue par différents personnages sous différents angles, les marches le long de longs couloirs, jusqu’au tee-shirt avec une tête d’animal, référence au célèbre tee-shirt à tête de taureau du film fondateur de Van Sant. On pourrait penser qu’il n’y a rien à voir entre la violence de Colombine et ce dont parle Nocturama, mais finalement pas tant que ça, ce qui est un des problème que pose le film.
Ça commence dans le métro que Bonello filme avec virtuosité, des jeunes qui marchent sans parler, se croisent, regards concentrés ou regards vides, on sait qu’il va se passer quelque chose et on est happé par leur déambulation, comme une sorte de chorégraphie abstraite, scandée par un décompte horaire.
De même, on sait le talent du cinéaste pour filmer des lieux, sa fluidité est étincelante pour faire exister l’espace du magasin où se réfugient les personnages, ainsi la façon dont il utilise la lumière, le choix des morceaux de musique, le travail sur la répétition, est impressionnant. Le cinéaste pourrait choisir de ne faire qu’un film qui avance par rimes poétiques, pulsations, sensations, cherchant la confrontation visuelle et en rester là, sauf qu’il veut dire quelque chose et c’est là où ça coince, Bonello veut faire un film politique, il veut transmettre quelque chose de l’époque dans laquelle on vit, de la jeunesse de notre pays, ainsi Adèle Haenel disant « ça devait arriver » mais sans préciser quoi ni pourquoi ni comment, etc., il ancre le film dans le monde d’aujourd’hui avec cette télévision d’info continue qui cite Valls, par exemple. Le cinéaste se méfie des discours, du didactisme, il ne veut pas nous faire des leçons et c’est tant mieux mais le problème est qu’il veut dire des choses sans les dire, par des images, des symboles. Ça devient à la fois très théorique, sur comment on est rattrapé par le spectacle, la consommation, et en même temps très simpliste.
Le film ne dit rien politiquement.
Des jeunes font des attentats dans une sorte de gauchisme nihiliste assez flou, avec un personnage d’étudiant en science po qu’on pourrait vaguement imaginer comme un potentiel rédacteur de l’Insurrection qui vient (qui a déjà infusé les plus pertinents Le Grand jeu de Nicolas Pariser et L’Avenir de Mia-Hansen Løve, de nombreux échos pour un livre qui n’en mérite pas tant mais qui a pu intéresser Bonello par son romantisme). On les présente d’abord comme très préparés et ensuite ils se retrouvent par une astuce scénaristique dans ce grand magasin, la dichotomie entre l’action réfléchie du début et la stase consumériste de la deuxième partie est artificielle. Une jeunesse prête à s’engager radicalement qui, plongée dans un endroit où tout est disponible, se perd. En une nuit quelqu’un qui fait une action violente pour changer le monde, se rêve d’un coup en costard, ça n’a pas de sens, c’est prendre les personnages pour des imbéciles.
De même on nous montre un groupe qui semble tout faire pour ne pas être identifié, puis un des héros invite un SDF à les rejoindre, comment peut-on croire à ça ? On adhère volontiers à un cinéma qui fuit le réalisme mais là, ça devient juste une idée théorique (le lumpen prolétariat en victime collatéral, un truc du genre) qui va contre ceux qu’il filme, transforme ces militants en des crétins. Bonello a le droit de penser que la jeunesse est dans une grande confusion politique, qu’elle a une colère, une rage (pour reprendre la terminologie insurrectionnaliste) sans savoir quoi en faire mais de là à dire qu’elle n’a aucune pensée, ça ne peut qu’être exagéré et méprisant.
Ainsi ce qui est vraiment gênant c’est le regard sur ces personnages. Ce sont des pantins, ils sont interchangeables, correspondent à des stéréotypes comme s’ils était un panel représentatif d’une jeunesse sacrifiée. Ils ne se passent pas grand-chose entre eux. Quand un des héros voit un mannequin habillé comme lui, comme s’il était son double, on peut y voir une critique de la société de consommation qui annihile l’individu, sauf que c’est le cinéaste lui-même qui les transforme ainsi, c’est son regard qui les réifie, c’est lui qui décide qu’ils n’aient aucun discours politique un tant soit peu élaboré. La jeunesse serait si stupide ?
Dans L’Apollonide, le dispositif formel est transcendé par l’empathie qu’on a pour ce groupe de femmes prostituées, dès le départ Bonello est avec elles, et nous aussi, nous sommes avec elles, de leurs côtés, nous sommes émus par ce qu’elles vivent sans que l’auteur ne cède sur ses choix esthétiques. De même dans Le Pornographe, il y avait une tendre ironie dans le regard de Jean-Pierre Léaud sur de jeunes révoltés. Là, le regard sur ces jeunes manque singulièrement d’empathie, il ne s’agit pas d’être ou non en adéquation avec eux, avec leurs actes, mais de les regarder, de les écouter, de les aimer un minimum. On les voit juste jouer, se grimer, se donner en spectacle comme des coquilles vides. Ainsi quand ils meurent, ils restent ce qu’ils ont toujours été, des mannequins en polystyrène, comme semble le signifier ce plan en bas de l’escalier, où le couple gît. Vivants ou morts, ils ne sont là que pour faire de beaux plans, rien ne palpite. On est glacé par la froideur des exécutions mais presque indifférent à leur sort, tant cela est esthétisé. C’est dommage parce que les acteurs sont plutôt bons et arrivent à donner malgré tout une parcelle d’humanité. La mort du SDF provoque la même sensation d’une idée de mise en scène qui va contre ce qu’il est censé dénoncé. C’est Bonello qui fait de cette mort un spectacle et lui seul.
On est surpris qu’un cinéaste si talentueux ne se rende pas compte en construisant son film qu’il répète avec ses personnages ce que le monde, la société fait avec cette jeunesse. Il ne les regarde pas, leur dénie la parole. La dernière phrase « aidez-moi » s’adresse peut-être à la société mais elle pourrait autant s’adresser à un cinéaste qui a force de « vouloir-dire », de visions poétiques en oublie ceux qu’il filme.
Nocturama de Bertrand Bonello, France, 2016 avec Finnegan Oldfield, Hamza Meziani, Manal Issa…

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Rester vertical d’Alain Guiraudie http://enrevenantducinema.fr/2016/09/05/2144/ http://enrevenantducinema.fr/2016/09/05/2144/#respond Mon, 05 Sep 2016 15:55:34 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2144 Un pas de côté

Rester vertical raconte l’histoire d’un scénariste qui a perdu son inspiration et se retrouve dans une impasse, il est permis de penser qu’on y trouve une … Lire la suite...

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restervertical

Un pas de côté

Rester vertical raconte l’histoire d’un scénariste qui a perdu son inspiration et se retrouve dans une impasse, il est permis de penser qu’on y trouve une part autobiographique. Rester vertical semble avoir été fait contre le film précédent d’Alain Guiraudie, le très beau et puissant L’inconnu du lac, film d’une grande maîtrise formelle liant le désir et la mort autour d’un lac qui devient un espace confiné et étouffant avec un jeu impressionnant sur la répétition. Alain Guiraudie, après ce film majeur, ne pouvait que se trouver dans une situation délicate, refaire le même film ou retourner à ses films précédents, plus foutraques et fantaisistes avec toujours des éclats magiques, il semble avoir décidé de se mettre en danger, de remettre son inspiration en jeu.
Ainsi on suit Léo qui ne semble savoir où il va et on a l’impression de regarder un film qui ne sait pas non plus où il va, ce qui en fait la beauté et la fragilité. C’est comme une profession de foi contre un cinéma formaté et prévisible, comme l’atteste cette scène au milieu du film où le producteur s’emporte sur le fait qu’il n’y a pas de scenario. Un film construit, ultra-scénarisé qui plairait à tous, ce n’est pas le genre du cinéaste.
C’est sûrement le film le plus dépressif de l’auteur, si ses films précédents se paraient de moments d’angoisse, il y avait toujours un désir qui bouleversait tout, quitte à aller dans le mur mais au moins ça valait le coup d’essayer, le héros semble ici se prendre des coups sans trop comprendre pourquoi, il ne se rebelle pas vraiment, essaie juste de bien faire, ce qui va précipiter sa chute, il va de rencontre en rencontre mais il semble déconnecté, passif, en retrait, s’accrochant à son bébé comme à une bouée et Damien Bonnard est très fort pour rendre intense ce personnage buté et dépassé, par ce qu’il vit mais aussi par le monde et sa violence. L’espace est éclaté entre différents lieux, Cévennes, Brest, etc. et le héros passe de l’un à l’autre comme s’ils étaient à côté, il donne l’impression de tourner en rond avec ces lieux qui reviennent, comme ce virage de montagne, cette rue traversée des rails du tram, il ne trouve pas d’échappatoires, comme si le film faisait du surplace.
Ainsi ce film sur l’inhibition semble un peu en deçà mais son projet contenait déjà cet en deçà.
Guiraudie n’a pas perdu pour autant sa mise en scène, les plans de la Causse sous la nuit, de Brest ou des corps que l’on rencontre sont toujours d’une beauté évidente, qui d’autres sait aussi bien capter les sons de la nature, par exemple ? Il y a toujours des moments magnifiques, un sexe qu’on caresse, une sodomie euthanasiante, un enfant appât dans la nuit, une rencontre avec des loups ou ces gueules de brebis dans une bergerie nous interrogeant du regard, pourtant l’ensemble laisse un goût déceptif, il manque le souffle supplémentaire qui emportait tout dans ses précédents films mais cela semble nécessaire à l’auteur de prendre ce chemin de traverse pour retrouver sa verve et son désir.
Quand Alain Guiraudie se perd, on est prêt à le suivre tant il est, aujourd’hui, un cinéaste important, même s’il doit batailler pour rester vertical.
Rester vertical d’Alain Guiraudie, France, 2016 avec Damien Bonnard, India Hair, Raphaël Thiéry…

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Vincent n’a pas d’écailles de Thomas Salvador http://enrevenantducinema.fr/2015/02/24/vincent-na-pas-decailles-de-thomas-salvador/ http://enrevenantducinema.fr/2015/02/24/vincent-na-pas-decailles-de-thomas-salvador/#respond Tue, 24 Feb 2015 18:04:41 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2108 De corps et d’eau

Vincent quitte la ville pour partir dans le Verdon. Il semble fuir quelque chose. On découvre qu’il  paraît dans son élément quand il est dans l’eau, … Lire la suite...

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vincent3De corps et d’eau

Vincent quitte la ville pour partir dans le Verdon. Il semble fuir quelque chose. On découvre qu’il  paraît dans son élément quand il est dans l’eau, cette eau qui lui donne des pouvoirs particuliers.
Dès le départ, un rythme est donné, peu de dialogues, des plans souvent larges, le dépouillement du héros fait écho à un dépouillement de la mise en scène. La nature est filmée simplement, sans artifice, rappelant par là la manière d’un Alain Guiraudie ou d’une Kelly Reichardt, ces cinéastes qui aiment la campagne et savent qu’elle se suffit à elle-même, qu’il ne faut pas chercher à l’embellir mais surtout arriver à la capter, prendre le temps de filmer ses bruissements. Il faut une certaine confiance dans son regard pour imposer ainsi des choix forts, radicaux qui peuvent dérouter mais sans jamais que ce soit voyant, sans jamais écraser le spectateur.
On trouve dans Vincent n’a pas d’écailles tout un travail sur la matière liquide, les textures, les miroitements, la luminosité, les différentes opacités, un travail impressionnant sur le son, et cela suivant les types de plans d’eau, rivières, lacs, piscine, océan, lacs sous la pluie, rues sous la pluie, torrents dans un fossé, baignoire, etc. Une mise en scène qui épouse cette fluidité et que contredit le corps du héros qui, sur terre, semble sans cesse statique, figé, mutique, paraissant ne pas savoir comment se mouvoir dans l’espace, pas très à l’aise dans le monde normal, en retrait. Mais sa rencontre avec Lucie (Vimala Pons, au jeu clair et mutin, qui incarnait La Fille du 14 juillet d’Antonin Peretjatko) va le changer, elle apporte du mouvement à son corps, elle l’entoure, le regarde, elle se transforme en un courant d’eau douce qui irait dans le sens inverse du corps du héros pour « la caresse la plus longue du monde ».
Dans la vie, c’est Lucie la super héroïne, c’est elle qui a un super pouvoir d’enchantement du monde.
Lui, son pouvoir le handicape, ne le rend pas heureux, l’oblige à fuir sans cesse, comme dans ces scènes d’actions efficaces et ludiques où le héros fuit la gendarmerie et où se pose sans cesse la question sur comment trouver de l’eau dans chaque nouvel espace.
L’eau envahit ainsi presque tout et pourtant le plan le plus beau se déroule de nuit, sur la terre ferme, éclairée d’une lampe de camping qui, d’une lumière blanche éblouissante, illumine la scène où l’on devine des feuillages, on ne voit pas bien où on est, ils sont tous les deux, elle disparaît dans le plan et réapparait en haut d’un arbre, il la rejoint puis decend, elle l’embrasse, la tête en bas, les pieds accrochés à une branche rappelant une scène du Spiderman de Sam Raimi. Cette scène est magique, nous plonge dans une ambiance onirique grâce à un jeu sur la lumière, une simple lampe de camping, pas  besoin de grands mouvements de caméras, de millier de plans pour émouvoir. Tout est là.
Un film très cohérent d’un cinéaste qui va devenir important dans le paysage du cinéma français.
Vincent n’a pas d’écailles de Thomas Salvador, France, 2014 avec Thomas Salvador, Vimala Pons, Youssef Hadji…

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Eden de Mia Hansen-Løve http://enrevenantducinema.fr/2014/12/01/eden-mia-hansen-love/ http://enrevenantducinema.fr/2014/12/01/eden-mia-hansen-love/#respond Mon, 01 Dec 2014 17:24:38 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2088 A côté, tout proche.

Certains films ne se donnent pas d’emblée, il faut aller les chercher, Eden est de ceux-là, il semble se présenter comme la description d’une époque, les … Lire la suite...

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edenA côté, tout proche.

Certains films ne se donnent pas d’emblée, il faut aller les chercher, Eden est de ceux-là, il semble se présenter comme la description d’une époque, les heures de gloire de la french touch vues par un DJ, Paul. On s’imagine qu’on va se retrouver immergé dans l’effervescence d’un mouvement artistique, suivre ses acteurs avec la musique, la nuit, les drogues, les rencontres, etc., bref un film sex, drugs and rock’n’roll ou le rock’n’roll serait remplacé par la musique garage qu’aime le héros. Tout est là et pourtant quelque chose cloche, rien n’accroche vraiment, le héros paraît palot, presque fade, son comparse DJ aussi. Ça commence avec des jeunes qui se plongent dans une nouvelle culture, une radio, des fanzines, on entre dans une rave, un vieux bâtiment, musique forte, stroboscopes qui emportent mais ça ne dure pas, l’inertie s’impose. On a l’impression d’être tenu à distance.
Le film parcourt une longue période de temps mais les scènes semblent se répéter, comme s’il n’y avait aucune progression, comme ces personnages dont la carrière ne décolle pas.
Par exemple, Mia Hansen-Løve filme presque toutes les raves de la même façon, de loin, d’au-dessus, avec des danseurs qui lèvent les bras, chantent les paroles, des spots lumineux sur eux, ces scènes paraissent interchangeables, presque pauvres stylistiquement. On pensait être emmené par cette pulsation et ce n’est pas le cas. L’entourage du héros semble absent (hormis le personnage d’Arnaud auquel Vincent Macaigne apporte un peu de légèreté), une bande d’amis qu’on voit par fragments, des personnages qui sont juste ébauchés avec leur vie hors-champ, il en est de même pour les femmes que croisent le héros, qui paraissent des faire-valoir, dont la présence ou l’absence n’a pas d’influence sur le cours des choses (avec des actrices qui ont pourtant d’emblée une présence particulière), à part Louise qui lutte pour exister aux yeux de Paul, pour partager quelque chose avec lui, incarnée avec force et combativité par Pauline Étienne. Tout paraît inhabité, désincarné dans un film volontairement de basse-intensité, peuplé de fantômes..
Nous sommes désemparés et comprenons le projet du film avec la deuxième partie, la chute du héros, confronté au renoncement, à l’échec et qui par miroir apporte du relief à l’histoire qui précède. Toute la première partie était comme un rêve cotonneux, que le héros a traversé sans être présent, à part la musique qui le fait vibrer, il n’a rien vu, rien compris à ce qu’il vivait. Il est ballotté, se drogue mais sans excès, s’enfonce dans des problèmes d’argent sans le vivre d’une façon dramatique, sans qu’il se rebelle. Le film est travaillé par la pulsion de mort, par la compulsion de répétition qui fait que la tension est absente, le héros la cherche mais ne la trouve pas, la répétition rend tout vide.
Ainsi c’est un portrait de quelqu’un qui n’est pas là, ni avec lui-même, ni avec les autres (on peut trouver des ressemblances avec le très beau Saint-Laurent de Bonello qui filmait aussi, avec des choix de mise en scène plus forts, le portrait d’un Yves Saint-Laurent en retrait du monde, comme un biopic en négatif).
Et la mise en scène suit ce chemin, elle est au plus près de Paul, elle voit le monde par lui. On comprend que le héros est une surface plane qui n’imprime rien, que les personnes (et en particulier les femmes) que le héros rencontre n’existent pas parce qu’il ne les voit pas, ne peut les rencontrer réellement, d’où le déchirement qui l’emporte dans une très belle scène où il se rend compte qu’il est à côté de la plaque.
On le sait, Mia Hansen-Løve aime faire des ellipses sèches, par blocs, sans scènes de transition, faisant confiance au rythme interne du film, elle utilise de nombreux jump-cut qui donnent l’impression d’un mouvement permanent, d’une grande fluidité mais sans aspérité, elle travaille beaucoup en creux, par petites touches, au risque parfois de l’insignifiance, avec quelque chose de très minimaliste dans sa mise en scène comme dans ses dialogues, très frontaux.
C’était casse-gueule d’aller autant sur un versant déceptif, de refuser ainsi l’intensité facile que le monde de la french touch aurait pu apporter, on s’en trouve dérouté et pourtant étrangement cela sédimente en nous, travaille et des jours après la vision du film, une douce mélancolie persiste.
Eden de Mia Hansen-Løve, France, 2014 avec Félix de Givry, Pauline Étienne, Hugo Conzelman, Vincent Macaigne…

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Adieu au langage de Jean-Luc Godard http://enrevenantducinema.fr/2014/07/13/adieu-au-langage/ http://enrevenantducinema.fr/2014/07/13/adieu-au-langage/#respond Sun, 13 Jul 2014 14:57:11 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2059 Un maître et son chien…

Mais pourquoi je bloque comme ça sur le dernier Godard ? Cela fait une grosse semaine qu’il me hante, ce bon dieu de film, et je … Lire la suite...

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Adieu au langageUn maître et son chien…

Mais pourquoi je bloque comme ça sur le dernier Godard ? Cela fait une grosse semaine qu’il me hante, ce bon dieu de film, et je ne sais toujours pas par quel bout le prendre… Et qu’est-ce qui m’a prit d’annoncer à mon coreligionnaire que j’allais écrire dessus ?! Franchement, vous connaissez des sujets plus casse-gueule ? Jetez un coup d’œil aux soi-disant critiques parues dans la presse, vous comprendrez de quoi je veux parler.
Donc, Adieu au langage (ou Ah Dieu / Oh langage, c’est selon). Une heure quinze de cinéma tellement dense qu’on n’en fera jamais le tour. Comment aborder un tel déferlement d’images et de sons ? Pas comme un film traditionnel, déjà, car n’en déplaise aux spectatrices furibardes qui ont agressé le malheureux projectionniste à l’issue de la séance, cela fait belle lurette que ce cinéma-là n’intéresse plus Godard. Non, comme il l’expliquait malicieusement à propos d’un de ses opus précédent, l’idéal serait de voir ses films trois fois. D’abord les images, seules, une seconde fois avec juste le son et une dernière avec les deux. Au delà de l’aspect purement mercantile de la chose – c’était pour le côté malicieux –, cette approche semble justifiée tant le vieux réalisateur flirte avec le cinéma expérimental. Allez, vous m’êtes sympathiques, je vais vous livrer une méthode imparable pour survire à l’expérience. Règle numéro un, ne tentez surtout pas de résister au flux godardien. Si vous bloquez sur chaque plan et sur chaque idée, vous risquez d’imploser en cours de route parce que contrairement au cinéma classique, la prise de vue n’illustre pas forcément la narration. Et le son, au lieu d’être inféodé à l’image, raconte souvent sa propre histoire indépendamment de ce qui est montré. Le tout orchestré par un montage d’une précision redoutable qui, lui aussi, à des chose à nous dire. Pour ne rien arranger, on navigue en permanence entre fiction et documentaire : les séquences jouées par les acteurs sont truffées de références visuelles aux autres arts – littérature, peinture, mais aussi cinéma avec ponctuellement en arrière plan un téléviseur qui diffuse des extraits de classiques – et entrecoupées d’images prises sur le vif. La bande son n’est pas en reste, puisqu’aux répliques des acteurs s’ajoutent des commentaires et des citations littéraires scandées par des voix off, dont celle du maître himself. Ah, et si vous pensiez vous raccrocher à la musique, vous en serez pour vos frais : au lieu de l’utiliser pour illustrer, Godard lui donne un rôle à part entière… en la réduisant à des fragments de quelques secondes qui ne se superposent jamais aux mots. Bref, s’il utilise les mêmes outils que ses petits camarades, le cinéma de JLG est un peu plus exigeant que la moyenne.
Pour ne pas se faire dévorer, il suffit paradoxalement de se laisser aller sans opposer de résistance, de troquer ses grilles de lectures cinéphiles contre la capacité d’émerveillement et la naïveté des spectateurs des premiers temps, ceux qui avaient peur de se faire écraser par le train des frères Lumière. En un mot, laissez vos sens prendre le dessus, car Godard, loin de l’image de vieil intellectuel donneur de leçons qui lui colle à la peau, ne vous propose rien d’autre qu’un voyage sensoriel au cœur de sa vision du monde. A défaut d’embrasser son propos dans sa globalité, vous ressortirez du film avec un plan, une image, une musique, une idée ou une citation, quelque chose qui fera sens en résonnant avec votre propre vision du monde. Lors de ma première vision d’Adieu au langage, il y a un dialogue échangé entre l’homme et la femme de la seconde partie du film – Adam et Ève, le couple primordial qui continue de résonner dans nos sociétés modernes – qui m’a particulièrement marqué. Lui : « l’humanité a inventé deux choses : l’infini, et le zéro ». Elle : « Mais non ! Elle a inventé la sexualité et la mort »*. Lors de ma seconde vision – en 3D cette fois –, c’est un mouvement de caméra impossible que j’ai ramené dans mes filets : lors d’un échange entre les deux personnages sus-cités, Godard pousse le principe de la stéréoscopie dans ses derniers retranchements en laissant la caméra qui correspond à l’œil droit sur la femme tandis que celle qui correspond au gauche suit les déambulations de l’homme, avant de revenir à son point de départ. Cette expérimentation audacieuse – et plutôt désagréable visuellement parlant – laisse un abyme derrière elle tant elle est riche de sens. Et à ma connaissance, c’est la première fois que la 3D est utilisée « techniquement » pour véhiculer une idée.
Je n’irai pas plus loin dans l’explication de texte, trop intimement liée au vécu de chacun(e). Il est temps de boucler cette chronique impossible. Je pense que les godardiens s’y sont retrouvés, et je sais que je ne convaincrai pas ses détracteurs. J’espère juste que celles et ceux qui n’ont pas encore choisi leur camp seront tenté par l’expérience. En croisant les doigts pour que cet Adieu au langage ne soit pas (encore) un adieu au cinéma.

* Mes plus plates excuses aux puristes. Ma mémoire n’étant plus ce qu’elle était, je ne peux que paraphraser les dialogues originaux.

Adieu au langage, de Jean-Luc Godard, Suisse, 2014 avec Héloïse Godet, Zoé Bruneau, Kamel Abdelli, le chien Roxy

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Bird People de Pascale Ferran http://enrevenantducinema.fr/2014/07/03/bird-people-pascale-ferran/ http://enrevenantducinema.fr/2014/07/03/bird-people-pascale-ferran/#respond Thu, 03 Jul 2014 21:24:46 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2045 Se nettoyer les yeux

Bird People suit deux personnages, Audrey, femme de ménage d’un hôtel d’aéroport où se trouve Gary, étasunien au bord du burn out. L’histoire importe peu, elle … Lire la suite...

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birdpeople2Se nettoyer les yeux

Bird People suit deux personnages, Audrey, femme de ménage d’un hôtel d’aéroport où se trouve Gary, étasunien au bord du burn out. L’histoire importe peu, elle est résumable en quelques lignes, ce qui importe c’est le regard, ce film est un travail sur comment regarder autrement ce qui nous entoure.
Pascale Ferran nous plonge dans un monde avec ses signes de modernité, écran, mp3, sources lumineuses en tout genre, slogans publicitaires avec des injonctions absurdes, bâtiments froids, hôtel vide, couloirs d’aéroport, le métro le soir, soit tous les signes de l’ultra moderne solitude. Ça ne serait que ça, une critique de nos sociétés contemporaines où le touché est compliqué, où la vitesse, les stimulations permanentes nous connectent et nous déconnectent dans le même mouvement, où les inégalités sociales sont là mais disparaissent parce que les regards ne se croisent plus, ça serait peut-être intéressant mais limité.
La question est plutôt que ce monde existe, il est là, comment faire avec, comment le regarder, comment apprendre à respirer, comment s’arrêter de courir.
La cohérence du film est de travailler ça avec le spectateur sans poser un discours théorique, Pascale Ferran commence par installer un rythme particulier, joue sur la durée, une première partie où elle nous oblige à être attentif, à écouter les différentes pensées, les musiques qui s’échappent des casques, à observer les mouvements des corps, sans nous introduire clairement dans une histoire.
Puis il y a ces deux parties, chacune dévolue à un personnage. Deux parties qui ont, en apparence, peu à voir, à part le lieu mais qui sont connectées par cette sensation qu’il faut se poser, appréhender les choses autrement. Faire un pas de côté. Deux parties qui se répondent un peu comme dans le Tropical Malady de Weerasethakul (la deuxième partie comme la version animale de la première). Deux parties au rythme très différent, une qui suit une rupture par écrans interposés, essentiellement en champs, contre-champs plutôt statiques, une qui suit la transformation d’une femme de ménage en oiseau, souvent en caméra subjective, qui nous donne la sensation de voler, qui essaie de nous faire ressentir le plaisir de se découvrir volatile. Et qui transforme ce lieu froid qu’est l’aéroport en un espace poétique et beau. Très belle scène de la rencontre de l’oiseau avec un peintre asiatique, ça pourrait être ridicule mais Pascale Ferran trouve la bonne distance, la simplicité et la grâce nécessaire pour que ça devienne touchant.
Parce que ce film est un travail sur la naïveté, sur l’idée de se laisser porter, sans essayer de contrôler, de commenter, et enlever cette voix ricanante si présente dans notre société contemporaine. Ce film est presque l’illustration du discours que tient un des personnages à la fin de L’Âge des possibles, un des précédents films de Pascale Ferran.
« Frederic : (…) Je veux pouvoir penser à un truc même si c’est utopique et pas me dire que je n’y arriverais jamais, ou que : à quoi bon. Parce que si tu y réfléchis deux secondes, nous, tout ce qu’on a le droit de faire en ce moment, c’est assister à la faillite générale. (…) Donc regarder à droite, à gauche, et choisir. Ou trouver une autre voie. En tout cas, pas faire semblant. Croire à un truc et y travailler, même si c’est naïf, même si c’est utopique. D’ailleurs, c’est ça mon programme, j’en vois pas d’autres, je propose : la naïveté, voilà. »
Bird People montre que Pascale Ferran n’a pas changé son programme et c’est tant mieux.
Bird People de Pascale Ferran avec Anaïs Demoustier, Josh Charles, Roschdy Zem, Camelia Jordana…

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Tonnerre de Guillaume Brac http://enrevenantducinema.fr/2014/02/03/tonnerre-de-guillaume-brac/ http://enrevenantducinema.fr/2014/02/03/tonnerre-de-guillaume-brac/#respond Mon, 03 Feb 2014 17:33:03 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1880 Une insondable tristesse

Un homme, musicien et chanteur, revient vivre quelques mois chez son père dans la ville de Tonnerre, il rencontre une jeune femme, il tombe amoureux. Une histoire … Lire la suite...

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Tonnerre2Une insondable tristesse

Un homme, musicien et chanteur, revient vivre quelques mois chez son père dans la ville de Tonnerre, il rencontre une jeune femme, il tombe amoureux. Une histoire simple d’apparence.
Le film tourne autour de ces trois personnages, avec en contrepoint celui du footballeur, presque hors champ pendant tout le film.
Tonnerre, ce sont d’abord des acteurs que Guillaume Brac observe avec patience, tendresse. Vincent Macaigne incarne Maxime, ça pourrait être le personnage d’Un Monde sans femme le précédent moyen métrage du cinéaste, ça pourrait être aussi celui qu’il jouait dans La Bataille de Solférino de JustineTriet, avec ce mélange de timidité, ses yeux tristes mais aussi quelque chose d’oppressant, de violent qui semble pouvoir surgir n’importe quand, un corps qui semble toujours en trop, qui ne semble jamais à sa place dans le cadre, qui s’excuse presque d’être là mais qui peut être très intrusif, gênant. On trouve dans ce film de très beaux plans de son visage qui semble fatigué d’avoir vécu de nombreuses vies, comme s’il était un survivant, il en est de même pour celui de Mélodie incarnée par Soléne Rigot, une révélation immédiate, qui sait jouer l’innocence de la jeunesse et aussi une inquiétude plus profonde, plus lointaine face à la possessivité masculine. Bernard Ménez et Jonas Bloquet apportent aussi une forte présence à leur personnage.
Il y a quelque chose de très frontale et réaliste dans la façon dont le cinéaste filme cette ville de Tonnerre, ses entraînements de foot, son cours de danse country, ses bars, sa devanture de cinéma, ses rues. La ville existe fortement, le film est ancré dans un paysage, une vie locale, une atmosphère. Pourtant ça cloche, ce rythme flottant, ces personnages croisés qui ont un discours direct qui, lui, ne sonne pas réaliste, ce vendeur qui demande à brûle-pourpoint si Maxime et Mélodie ont baisé ensemble, cet homme qui raconte ses envies suicidaires, apparaissent comme des troués, quelque chose est prêt à dérailler, et effectivement quelque chose déraille. Ça bascule vers le fantastique, avec cette fontaine, la nuit, cette forêt enneigé, ce chalet isolé. On dévie vers le conte, la belle et la bête, l’ogre et la belle endormie, ça pourrait être juste un banal fait divers mais cet aspect fantastique transforme le sordide en douceur, jusqu’à ces gendarmes qui se révèle étrangement compatissants face à ces écorchés vifs.
Tout n’est pas forcément réussi, la discussion père fils sur la mère absente semble presque plaquée, un peu trop explicative, « une scène à faire » où l’on sent l’intention de l’auteur, alors que c’est l’incertitude du film, sa fragilité qui en fait sa force particulière. C’est cette tension entre un lieu filmé avec précision, et des échappées vers autre chose, la folie, la monstruosité qui en crée l’inquiétante étrangeté.
Tonnerre de Guillaume Brac, France, 2014 avec Vincent Macaigne, Solène Rigot, Bernard Ménez, Jonas Bloquet…

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Bilan de l’année 2013 http://enrevenantducinema.fr/2014/01/15/bilan-de-lannee-2013/ http://enrevenantducinema.fr/2014/01/15/bilan-de-lannee-2013/#respond Wed, 15 Jan 2014 16:52:36 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1839 La France en force

Le titre ne doit pas faire croire que En revenant du cinéma verse tout d’un coup dans un nationalisme rance mais mettre en avant qu’après une … Lire la suite...

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L-Inconnu-du-lacLa France en force

Le titre ne doit pas faire croire que En revenant du cinéma verse tout d’un coup dans un nationalisme rance mais mettre en avant qu’après une année 2012 plutôt terne, l’année 2013 du cinéma nous paraît plus excitante et en particulier en ce qui concerne les productions françaises.
Ainsi le système de financement de ce cinéma qui donne des ulcères aux ultralibéraux et aux réactionnaires de tout poil continue de montrer une certaine efficacité (étonnant que le gouvernement actuel et sa logique de droite ne l’attaque pas plus comme il le fait pour les autres systèmes de solidarité). Bien sûr ce système peut être amélioré (par exemple la trop grande importance du scénario pour recevoir l’avance, l’absence de courage artistique des diffuseurs publics comme France2 ou France 3, la médiocrité de son cinéma grand public, etc.) mais il permet encore au cinéma français de survivre, et de belle manière, face à l’hégémonie étasunienne.

Donc commencer par l’Inconnu du lac, un des chocs de l’année.
On aimait déjà les films d’Alain Guiraudie, sa façon de filmer les corps, tous les corps, de les rendre sensuels, sa façon de mêler le politique à l’intime, la tristesse et la drôlerie.
En resserrant son cinéma sur un seul lieu, en bridant sa fantaisie, sa puissance explose. Un huis-clos en pleine nature, un lieu de drague homosexuel, un homme est tué, un héros se prend d’attirance pour le tueur. Un parking, une plage, la forêt, le lac, un jeu sur la répétition des plans qui transforme la beauté, la douceur de ce coin de nature en un endroit étouffant. Le désir pour les corps nus se mêle petit à petit à l’effroi, et cela par petites touches subtiles, jamais démonstratives, un changement de lumière sur l’eau, un léger décalage du plan, une serviette qui reste sur la plage et que personne ne prend la peine d’enlever, le regard des dragueurs qui au départ amusant devient angoissant, nous transforme comme le héros en proie, la présence de telle ou telle voiture sur le parking.
Un dispositif d’une grande simplicité qui permet d’aborder des sujets importants, qu’est-ce qui excite, comment faire durer le désir, la vie, le sexe, l’ennui, la mort. Rien que ça. Un petit bout de terrain où se croise le Cronenberg de Crash (la compulsion de répétition qui mène à la pulsion de mort) et l’étrangeté du Tropical Malady de Weerasethakul (la partie de la chasse au tigre dans la forêt surtout, deux des cinéastes qui savent le mieux filmer la nature)
Assurément un des films de l’année.

Un cinéaste comme Guiraudie arrive à une grande maturité mais on voit aussi la relève, de nombreux premiers films intéressants par leur liberté, excitants par leur ton novateur, leur forme.
Dans ces nouveaux auteurs, on trouve Justine Triet avec la Bataille de Solférino et son sens de la durée des plans, de leur respiration, sa capacité à nous mettre mal à l’aise sans nous provoquer, sans utiliser d’artifices faciles, avec une mise en scène précise alors qu’elle paraît très lâche, très ouverte. Où comment un homme, par certains côtés sympathiques, prend possession de l’espace et colonise la vie d’une femme, avec un regard qui ne surplombe jamais.
La fille du 14 juillet de Antonin Peretjako, un film branque qui part dans tous les sens, avec différents niveaux d’humour, burlesques, absurdes, lourds, poétiques, politiques, mises en abîmes, etc. Juste pour voir un enfant déguisé en cafard de Kafka gueuler contre l’endormissement général et se faire tirer dessus, pour voir Vincent Macaigne, égérie de ce nouveau cinéma, boire et fumer au volant, en envoyant chier la bienséance. Une forme foutraque et en même temps très précise qui donne un sentiment d’euphorie plutôt bienvenue. La joie est encore possible.

laviedadeleRevenir aussi sur la Vie d’Adèle (chapitres 1 et 2), passionnant et problématique. Abdellatif Kechiche sait filmer le trouble d’une jeune femme, comme dans la scène du coup de foudre qui nous saisit comme le personnage, ou le rougissement d’Adèle qui se fait embrasser par une fille pour la première fois, ce plan qui dure, à l’affût des émotions, curieux du visage d’Adèle Exarchopoulos, de voir comme il réagit et qui semble réellement réagir ainsi pour la première fois. Très belle aussi est la scène de retrouvailles entre Adèle et Léa dans un bar, scène non réaliste peut-être mais où on sent toute la force d’un amour physique, le désir qui les envahit, le personnage joué par Léa Seydoux se lâche enfin, l’amour et la souffrance la submergent, Kechiche nous emmène alors.
Sens du détail, de la captation de la peau, d’une aisselle, d’une cigarette tenue avec grâce, la gaucherie d’Adèle réajustant son pantalon en allant au lycée. La frontalité du style de Kechiche est alors à son meilleur.
Par contre comment a-t-il pu rater à ce point la scène de sexe ? Cette longue scène qui est censé être l’acmé du film, comment a-t-il pu à ce point refuser l’obstacle qu’il s’est lui-même fixé ? Alors que la puissance de son cinéma vient d’être littéralement du côté de l’héroïne, d’être sans cesse proche d’elle, avec elle, dans ses sensations, pourquoi lorsqu’il filme cette scène de sexe, il se met à distance, cadre plus large, enchaîne des positions figées pendant plusieurs minutes sans grâce, filme cela comme une performance, nous met soudain en position de voyeurs extérieurs, gênés d’être là. Pourquoi surtout il n’a plus eu confiance en son cinéma lorsqu’il nous plonge là où ça se passe ? Une soudaine pudeur malvenue ? Il veut tout nous montrer mais en restant à distance, on a alors l’impression paradoxale que la pudibonderie de Kechiche transforme la scène en exhibition. Ce ratage se répercute sur la suite du film, comment croire à la passion charnelle qui lie les deux personnages quand celle-ci sonne tellement faux. Heureusement le cinéaste nous rattrape ensuite mais la question de la représentation de la sexualité au cinéma reste ouverte et Kechiche n’apporte par les bonnes réponses.
lajalousie1L’année s’achève avec la Jalousie de Philippe Garrel et montre ainsi la diversité du cinéma français. Du jeu sur le trop de Kechiche (durée des plans, débordements émotionnelles, sensualité maximale, fluides de toutes sortes) on passe à l’épure de Garrel qui sait nous captiver par des ellipses sèches et la beauté intense des plans, par leur lumière, leur grain, par le regard du cinéaste sur Anna Mouglalis, qu’on retrouve grande actrice sans fard, et Louis Garrel. Des mains qui se touchent, une gare, la nuit, un appartement en haut d’un escalier, la blancheur des murs. Une séparation en quelques mots, en quelques plans. Un homme quitte une femme, en rencontre une autre, se fait quitter. S’engager dans une relation, ou non, la possession, l’indépendance, le dépouillement, le poids de la pauvreté sur la relation amoureuse, où le romantisme est porté par l’homme et la rationalité sexuelle par la femme. Tout est dit sans pathos, sans en rajouter. La puissance formelle de Garrel donne une ampleur à ce travail sur la simplicité, on a l’impression d’être proche de l’os. D’aller à l’essentiel.

Bien sûr, il n’y a pas que le cinéma français, même si avec le beau Frances Ha de Noah Baumbach, on y est toujours un peu, du titre du film à la scène d’hommage au Mauvais sang de Carax (s’il est de bon ton de détester le cinéma français par ici, il suffit d’aller voir ailleurs pour comprendre l’influence du cinéma français et sa place dans le cinéma mondial.) Woody Allen, Joon-ho, De Palma, James Gray et tant d’autres nous le prouvent mais on peut attendre le bilan de Guillaume pour avoir une vision moins francocentré du cinéma de 2013.

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