Après mai d’Olivier Assayas

Ne pas s’arrêter

On sait ce qui intéresse Assayas, la tension entre le mouvement, la vitesse, la jeunesse et aussi ce qui persiste, s’imprime, se transmet, tous ses films sont traversés par ces forces antagonistes, comment la vie continue alors qu’un ami meurt dans Fin août, début septembre, que signifie transmettre un héritage dans l’Heure d’été, le mouvement de l’argent et du sexe capitaliste de Démon lover, etc. Une tension qui est aussi lié aux influences d’Olivier Assayas entre une histoire du cinéma française et un amour du cinéma asiatique.
La vitesse, ce qui perdure, on imagine tout ce que pouvait chercher Assayas dans l’immédiat après mai 68 avec toute la part autobiographique que cela contient.
Comme toujours, il est très fort dans le mouvement, le début du film, un affrontement contre la police, est impressionnant par la simplicité des moyens utilisés, est-ce réaliste ? Peu importe, ce qui importe, c’est qu’on ressent les coups de matraques, la course, l’idée de fuir la violence du monde, de se réfugier dans un escalier en tentant de reprendre sa respiration, un moment de paix et de complicité, là il choppe quelque chose en quelques minutes. Ainsi il sait faire vivre les scènes d’action, l’enthousiasme et la peur mêlée que cela procure, l’excitation de s’approcher du feu. Être poursuivi par des vigiles, se planquer dans un bosquet dans la nuit, il tourne cela d’une caméra alerte, très fluide, au plus près des corps.
On retrouve cela dans tout le film, lors d’une fête dans une grande maison anglaise qui rappelle l’Eau froide, lors d’une projection dans une faculté, etc. Assayas a une façon très personnelle de filmer le mouvement, la façon de passer d’un personnage, d’une pièce à l’autre, ses personnages sont très rarement à l’arrêt, et quand ils sont à l’arrêt, ils semblent perdus. Avec toujours cet art du montage, ces raccords dans le mouvement presque invisibles, une personne pose la main sur la poignée, il coupe, il est dans l’appartement, il commence à enlever sa veste, il coupe, sa veste est enlevée. Et aussi comment une discussion commence sur un balcon entre différentes personnes, on entre dans une pièce, une personne qui n’était pas là au début de la conversation la continue, ce n’est pas réaliste mais l’important est dans l’idée d’une parole qui circule, tout doit bouger sans cesse, ne pas s’arrêter. De même cette figure de style fréquente chez Assayas, de faire un fondu noir à un moment où une parole qui est porteuse d’une émotion est dite et où la scène pourrait durer, ce qui donne l’impression d’être toujours en suspension.
On peut être plus dubitatif en ce qui concerne la façon dont il filme la parole politique. Il y a un parti pris radical là aussi de refuser le naturalisme, le réalisme, les acteurs parlent comme dans les tracts, avec un esprit de sérieux très prononcé, loin de la dérision (ce qui est reposant) avec cette idée que la révolution, la jeunesse, ce n’était pas un jeu, nous ne sommes pas dans le Péril jeune réactionnaire de Cédric Klaplisch. Mais lorsqu’il filme une assemblée générale, on sent les artifices, peu importe que ce ne soit pas réaliste, là n’est pas le propos mais on ne sent pas la vie que crée la parole, le débat, la contradiction, le fait de s’opposer verbalement, le militantisme c’est aussi une friction verbale.
Cela a une cohérence, le mouvement de la jeunesse, de l’action révolutionnaire, le mouvement de l’amour, le voyage, le romantisme, etc. face à l’impression de lourdeur que porte la parole révolutionnaire, la théorie voir le dogme. Une parole plaquée comme ces films tournés par des maoïstes qui finissent par découvrir que les ouvriers savent aussi bien qu’eux parler de leur condition. On devine que Assayas a vécu cela comme son héros, avec un point de vue libertaire qui refuse de parler à la place des autres, son personnage dit qu’il est normal qu’il agisse dans son lycée vu qu’il est lycéen, il parle d’où il est. Ainsi il y a une honnêteté du cinéaste à montrer des personnages qu’on imagine issue de la classe moyenne intellectuelle, il parle de son après mai à lui.
Ces personnages, ce milieu social est le même que les héros des  de Philippe Garrel avec la même question posée qui était comment faire après quelque chose d’aussi fort, mais alors que Garrel filmait surtout la dépression suite à l’espoir révolutionnaire avorté, Assayas est plus positif dans le sens où il choisit de montrer les différentes voies possibles plus ou moins proches de cet idéal de départ, la drogue, l’ésotérisme, la clandestinité, l’art, etc. et si certain s’y brûle, il n’y aucun jugement de la part du cinéaste sur ces différents choix.
Pour lui la vie ne s’arrête pas là, elle continue et ne peut que continuer.
Après mai d’Olivier Assayas, France, 2012 avec Clément Métayer, Lola Créton, Félix Armand, Carole Combes…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *