40 ans : mode d’emploi de Judd Apatow

L’empêchement

La situation est posée très vite, un couple dont tous les deux fêtent l’anniversaire de leur quarante ans, qui ont deux enfants, une maison, des problèmes financiers, des difficultés sexuelles, est-ce qu’ils s’aiment encore ? Est-ce qu’ils se désirent encore ? Lui pense à fuir, elle cherche des moyens de sauver leur couple. Nous sommes plongés très vite dans cette intimité qui sonne très juste mais ensuite le film paraît presque atone, sans tension forte, comme étouffé. On sait que dans la galaxie Apatow, ça fait des étincelles quand celui-ci rencontre un bon metteur en scène, par exemple Mottola pour Supergrave, ou David Gordon Green pour Délire Express, ces derniers sont meilleurs pour créer du rythme, de l’âpreté, ils savent donner un mouvement d’ensemble, une cohérence, un style. La grammaire cinématographique d’Apatow est sobre mais parfois un peu plate, ça manque de relief.
Dans 40 ans toujours puceaux ou En cloque : mode d’emploi, ça partait d’une description d’ados attardés qui passaient dans la vie adulte avec comme corollaire le couple, l’installation, les enfants, comme si c’était le seul choix possible avec des happy end où tout le monde s’aime, c’est le côté conservateur du cinéaste sauf si on en voyait l’ambiguïté, parce que ces personnages (et les films avec) semblaient toujours tellement plus joyeux, plus drôles avant.
On retrouve ici ces mêmes questions, vieillir, devenir responsable, etc. sauf que nous sommes quelques années plus tard et tout se passe mal, c’est souvent juste et drôle, c’est cru et direct dans la description des sentiments, ça frôle parfois la mièvrerie mais surtout Apatow ne peut s’empêcher de coller une fin une fin où tout s’arrange, où tout le monde se réconcilie, un nouvel enfant, un nouveau projet, la famille qui se rapproche, se resserre, alors que tout le film contredit cette fin, la violence des échanges, cette impression que tout le monde communique en se reprochant des choses sans cesse, etc.
Le réalisateur semble ne pouvoir se résoudre à la cruauté, à la dureté, avec cette impossibilité d’envisager que ça puisse être autrement, il faut toujours sauver la famille coûte que coûte même si manifestement ça ne marche pas vraiment, l’avortement ne semble pas exister comme option pensable (grâce soit rendue à des films comme Greenberg de nous montrer cela comme possible aux États-Unis), la séparation, l’infidélité, non plus. Tout se referme toujours sur la famille avec aucun extérieur, aucune ouverture sur autre chose. Pourtant on sent une angoisse profonde traverser le film mais le réalisateur ne se permet pas de la faire éclater, comme s’il cherchait avant tout à se rassurer lui-même en faisant ses films. Ce qui donne un ton bizarre, entre tendresse et amertume sans qu’on sente de réel regard sur la question.
Sinon les acteurs de la famille Apatow se portent toujours bien, Paul Rudd est comme d’habitude habité, et il faudra attendre qu’une Coppola ou qu’un Jarmusch le fasse jouer pour que la France le célèbre à sa juste mesure, Leslie Mann est elle-aussi toujours aussi juste, si on rajoute les petits rôles de Jason Segel, de Lena Dunham… cela confirme, ce qu’on savait déjà depuis dix ans, que c’est toujours dans la comédie que se trouve les meilleurs acteurs des États-Unis.
40 ans mode d’emploi (this is forty) de Judd Apatow, EU, 2013 avec Paul Rudd, Leslie Mann, john Lithgow, Megan Fox…

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