L’œil de l’empire
Le film déroule un programme minimum, il y a un virus, ça tue des gens, on cherche un vaccin, on le trouve, voilà c’est emballé. Il n’y a rien d’autre dans ce film à part quelques vagues micros histoires que Steven Soderbergh ne se prend pas la peine de suivre, comme cette épidémiologiste qui se fait enlever, ou cet adepte des complots caricatural, le cinéaste n’en fait rien, n’invente rien. Peut-être son ambition est de nous emmener dans un mouvement de film de guerre contre la maladie mais il semble tellement peu convaincu par ce qu’il filme que le tout provoque un ennui profond et l’impression d’un vaste foutage de gueule. (Comme film de guerre contre la maladie, le film de Valérie Donzelli La guerre est déclarée est d’un intérêt autant supérieur que le coût du film est inférieur)
L’idée du virus c’est aussi la vision d’une mondialisation capitaliste où le virus se transmet très vite du fait des voyages, du commerce, etc. et des mains qui se serrent, en parallèle à la rumeur qui du fait d’internet se diffuse très vite. Ainsi il filme de nombreux endroits dans le monde mais ceux qui découvrent le remède restent des étasuniens parce que bon, il ne faut pas déconner, on veut bien aller voir ailleurs mais on est quand même les sauveurs de l’humanité.
Qu’est-ce que ça dit du monde ? Que tout est interconnecté, quelle révélation ! Demonlover qui n’était pourtant pas le meilleur film d’Olivier Assayas le disait beaucoup mieux.
Qu’est-ce que Contagion dit du cinéma ? Euh… vous avez une autre question ? On assiste à une accumulation de plans (là aussi en réponse à l’accumulation du capital ?) assez pauvres qui semblent ne jamais découler d’un choix, d’un point de vue, juste des images de nombreux lieux, comme issues de téléphones portables, filmés par des amateurs. On pourrait penser que c’est un travail sur l’impureté des images dans une grande machinerie hollywoodienne mais encore faudrait-il que ça crée quelque chose. Soderbergh, en petit malin qu’il est, se cache derrière l’idée de la disparition de l’auteur pour faire un film paresseux, sans regard, sans tension, sans scénario, sans un plan intéressant, sans une seule scène forte, l’esnemble est plutôt fluide mais ça tourne à vide.
Soderbergh reste dans sa position de démiurge, il filme la fin du monde en se cachant, il filme la mort qui se propage en ne s’impliquant à aucun moment, juste en y mettant beaucoup de frics, en faisant tourner des stars pour appâter le chaland.
Mais même les acteurs semblent perdus, Matt Damon, pouvant par sa seule présence apporter de la consistance à un film, fait le minimum de ce qu’il sait faire, Jude Law est assez mauvais mais il n’est pas aidé par le personnage ridicule qu’il doit jouer, seule Kate Winslet apporte un peu d’incarnation et de vie mais elle disparaît assez vite, éjectée du film pour on ne sait quelle raison. Prendre des acteurs aussi talentueux que Matt Damon, Gwyneth Paltrow, Laurence Fishburne… pour leur donner si peu à faire, pour les aimer si peu est vraiment un caprice de riche. Ainsi le véritable sentiment que dégage ce film sur la mondialisation est celle du fric triomphant et écrasant tout sur son passage.
On sait que Soderbergh aime alterner film de commande et film plus personnel, mais à la différence d’un Gus Van Sant mettant autant de sincérité et de passion dans Gerry que dans Will Hunting, Soderbergh tourne ses films de commande avec un air de « je suis au-dessus de ça » assez déplaisant par son dédain pour la chose filmée autant que pour le spectateur. Il est un cinéaste qui n’a pas l’honnêteté de faire quelque chose de son savoir-faire, ne voulant pas se salir les mains à travailler le spectacle, l’émotion et se retrouvant à ne rien faire du tout, il se cloître dans une posture de cinéaste post-moderne à distance de son film et de ses spectateurs, un cinéaste méprisable à force d’être méprisant.
Contagion de Steven Soderbergh, EU, 2011 avec Matt Damon, Laurence Fishburne, Kate Winslet, Jude Law…