Des lumières dans la nuit
Bellflower a beaucoup de choses contre lui. Une mise en scène qui paraît volontairement maladroite, des plans cadrés à l’arrache, des faux raccords, des flous, des plans qui tremblent toujours un peu, des taches sur la caméra, une lumière parfois trop sombre qui fait qu’on distingue mal les visages, un montage qui paraît aléatoire, on sent l’intention que ça paraisse crade, mal fichu en adéquation à l’univers trash qu’il décrit, et on peut douter de la sincérité de cette mise en scène, on perçoit l’intention de faire indépendant et fauché, avec aussi cette musique pop qu’on retrouve aujourd’hui dans tous les films de ce genre. Mais quelque chose s’imprime, le cinéaste arrive à attraper des moments, des visages, des échanges, il sait faire sentir la mélancolie qui traverse tous les personnages. Car si le dispositif est malin, le regard qu’Evan Glodell porte sur ceux qu’il filme est aimant et délicat. Il ne juge jamais ces personnages paumés qui semblent inscrits nul part, qui ne pensent qu’à boire, à trainer, à se faire du mal ou à construire des lances flammes, tous les personnages sont touchants, parce que rien n’est souligné, ils sont juste là, ballotés mais très présents aidés en cela par des acteurs qui semblent vivre intensément devant nous .
Le film se perd en son milieu quand l’auteur semble commencer à vouloir nous dire quelque chose, et, alors que la première partie où il ne se passe rien d’autre qu’une rencontre amoureuse est prenante, excitante, la deuxième partie plus alambiquée, plus violente devient aussi plus ennuyeuse, comme si l’histoire qui part alors dans tous les sens annulait l’énergie de cette mise en scène heurtée. L’auteur semble vouloir dépasser son sujet mais par là même est moins intéressant surtout qu’il n’a pas tant de chose que ça à dire. Mais il reste le visage de Milly (Jessie Wiseman) dans une voiture, la caresse de Woodrow (Evan Glodell) sur le ventre de Courtney (Rebekah Brandes), l’amitié de Aiden (Tyler Dawson), le rire gêné de Woodrow, l’entrée dans une fête qui donne vraiment la sensation d’y être, des scènes d’amour d’une justesse émouvante, des flammes qui surgissent dans le ciel, une tristesse profonde en attente de l’apocalypse et c’est déjà beaucoup.
Bellflower d’Evan Glodell, EU, 2012 avec Evan Glodell, Jessie Wiseman, Tyler Dawson, Rebekah Brandes…
Il faudra que je trouve un ciné convenable qui le diffuse 🙂
très envie de le découvrir celui là mais dommage que le film n’ait pas bénéficié d’une meilleure diffusion dans les salles
On a la chance d’être à Grenoble où la diffusion des films n’est pas trop mauvaise (Même si on attend toujours ici le dernier Ameur-Zaïmeche, les chants de Mandrin). Je pense qu’Evan Glodell va être de plus en plus connu, son prochain film devrait passer par chez vous.
Et comme tu en parles, la caresse de Woodrow sur le ventre de Courtney me laisse encore des frissons quelques semaines plus tard….