La vie étouffée
Au cœur de ce film narrant la vie de jeunes femmes lesbiennes ne pouvant s’aimer librement dans l’Iran d’aujourd’hui, il y a quelques scènes très fortes et très simples, celles où les héroïnes se retrouvent avec deux amis homosexuels à doubler le film Harvey Milk de Gus Van Sant. On les voit de face, un casque sur les oreilles à essayer de trouver la voix juste pour doubler Sean Penn (trop viril puis trop folle), à mimer des scènes d’amour, la réalisatrice arrive alors à mêler le politique, l’humour, la sensualité simplement, sans artifice. On voit alors ce que le film aurait pu être, une ode à la chair et à la joie, on retrouve cela à d’autres moments, grâce à l’actrice principale Nikohl Boosheri qui porte ce film avec détermination et vivacité et son histoire d’amour impossible touche épisodiquement.
Il y a deux problèmes, le premier est que ce film se veut militant et s’il est intéressant de voir traiter le sujet de l’homosexualité face aux religieux, quand il s’agit de filmer l’autre, l’intégriste, le censeur, ça devient démonstratif, caricaturale déjà vu (cette idée du grand frère qui incarne la morale religieuse par exemple), l’acteur qui joue le frère Merhan (Reza Sixo Safai) en faisant des tonnes dans ce personnage torturé et frustré, se tournant vers la religion parce que ne s’assumant pas. Les scènes avec les autres membres de la famille, ces parents bourgeois progressistes sont plus nuancés mais l’intrigue principal déroule un programme prévisible et manque alors de respiration.
L’autre problème vient de la mise en scène, Maryam Keshavarz veut plaire et elle cède souvent à la joliesse, à l’image carte postale pour spectateur occidental. Pour faire moderne elle cède aussi aux plans inutilement compliqués comme ceux récurrents vu d’au-dessus des corps allongés avec la caméra qui tourne sur elle-même, de même les images de vidéo surveillances pour montrer que la société contrôle la population, c’est facile et loin d’être original. Plus gênante encore est la séquence où le frère intégriste de l’héroïne se drogue, regard caméra vacillant, fond rouge et musique dramatique qui rendent la scène insupportable de complaisance. Quand la cinéaste oublie qu’elle veut convaincre ou séduire, elle arrive à faire vivre son film et ses personnages, ça n’arrive pas assez souvent hélas !
En secret (circumstance) de Maryam Keshavarz, 2012, EU, Iran, avec Nikohl Boosheri, Sarah Kazemy, Reza Sixo Safai, Sohei Parsa…