Panoramique – en revenant du cinéma http://enrevenantducinema.fr Tue, 24 Apr 2018 20:15:36 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.8 Le Journal d’un Cinéphage – Épisode 2 (Février 2018) http://enrevenantducinema.fr/2018/03/02/journal-dun-cinephage-episode-2-fevrier-2018/ http://enrevenantducinema.fr/2018/03/02/journal-dun-cinephage-episode-2-fevrier-2018/#respond Fri, 02 Mar 2018 07:32:35 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2355

 

Cinéphiles, cinéphiles, mes chèr-e-s compatriotes,

Au menu de cet épisode, une grande déception et un grand cri d’amour. Comment ça, « c’est tout ? ». Euh, j’avais prévu aussi de vous causer … Lire la suite...

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Cinéphiles, cinéphiles, mes chèr-e-s compatriotes,

Au menu de cet épisode, une grande déception et un grand cri d’amour. Comment ça, « c’est tout ? ». Euh, j’avais prévu aussi de vous causer d’un livre et d’une série télé, mais ça attendra. Déjà, je me suis fait sermonner par mon coreligionnaire il y a deux semaines sur le mode : « Tu te rends compte qu’en rajoutant quelques bricoles par-ci, par-là, tu pouvais faire trois articles au lieu d’un ? ». Ensuite, si je ne me garde pas sous le coude des sujets « faciles et déconnectés de l’actualité » pour alimenter cette rubrique les mois de dèche cinématographique et/ou de flemme caractérisée, cette grande et belle aventure humaine risque de finir en eau de boudin. Allez, j’arrête de vous raconter ma vie – enfin, je dis ça –, en vous souhaitant une bonne lecture.

 

Cro Man, de Nick Park

Vous n’imaginez-pas à quel point je l’attendais, ce film. En 2015, Shaun le Mouton avait mis fin à une période catastrophique pour le département longs-métrages du studio anglais Aardman, et avec la manière s’il-vous-plaît. Dans la foulée, la mise en chantier de Cro Man s’annonçait sous les meilleurs auspices : le créateur surdoué de Wallace & Gromit aux manettes, des personnages originaux, un projet ambitieux… Non, vraiment, sur le papier, les aventures préhistoriques de Doug, l’homme de l’âge de pierre en pâte à modeler avaient tout pour plaire.

La séquence d’ouverture est géniale : un bout de générique sur fond noir qui fera vaciller la santé mentale de votre projectionniste, l’image à l’écran présentant les défauts caractéristiques de la pellicule. La terre apparaît, vue de l’espace, bientôt remplacée par un paysage volcanique en pleine activité et un combat titanesque entre un T. Rex et un tricératops – réalisé en stop-motion « vintage ». La caméra recule et nous montre une bataille rangée entre deux tribus d’hommes préhistoriques, quand soudain tout ce petit monde se fige en levant les yeux au ciel : une météorite surgit et vient percuter le sol dans une explosion atomique. Lorsque les cendres retombent, les primitifs survivants découvrent un étrange objet noir venu d’ailleurs. Un objet… de forme sphérique. Tout ce que j’aime chez Aardman se trouve résumé ici : la technique, déjà, qui atteint un niveau d’excellence proprement hallucinant. L’humilité, ensuite, parce que Nick Park sait d’où il vient et ce qu’il doit à ses prédécesseurs. La cinéphilie, enfin, avec la référence au classique des classiques en matière de mise en scène de la préhistoire – et non, je ne parle pas de La Guerre du Feu. Sans oublier l’indispensable touche d’humour so british : les sous titres de la séquence qui situent l’action près de Manchester, à l’heure du déjeuner, un cafard qui sort ses mini-lunettes de soleil pour admirer l’explosion nucléaire et le monolithe de Stanley Kubrick qui prend ici la forme… d’un ballon de football.

Le début du film n’est pas déplaisant, jusqu’à la chasse au lapin. Mais dès que les premiers enjeux dramatiques pointent le bout de leurs museaux de plasticine, c’est la douche froide. Oh, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : on est loin des catastrophes industrielles qu’étaient Souris City et Mission Noël, et l’ensemble reste regardable. Mais bon sang de bois, qu’est-ce que ça manque d’ambition et de saveur ! Et quelle idée saugrenue d’utiliser le football pour illustrer le sempiternel combat du pot de terre contre le pot de fer. Franchement, le coup des amateurs-pas-bien-doués-mais-qui-jouent-unis contre des professionnels-ultra-forts-mais-tellement-individualistes, à notre époque du foot-business pourri jusqu’à la moelle par le fric et les enjeux de pouvoir, mais que c’est agaçant ! Au final, on se retrouve devant un produit déceptif, à peine un cran au dessus du très moyen Les Pirates ! Bons à rien et mauvais en tout. Reste la performance technique, toujours aussi impressionnante, mais ça ne suffit pas.

 

Les Garçons sauvages de Bertrand Mandico, avec Vimala Pons, Diane Rouxel, Pauline Lorillard, Anaël Snoek et Mathilde Warnier

 

Cher monsieur Mandico,

Si je me m’adresse directement à vous, en plus de résoudre le problème qui m’enquiquine depuis le 13 de ce mois et que je résumerai par : « mais comment diable vais-je bien pouvoir retranscrire l’état dans lequel ce film m’a laissé ? », c’est pour vous remercier le plus sincèrement du monde des tortures cinéphiliques que vous m’infligez depuis que j’ai failli faire connaissance avec votre œuvre. Mais si, rappelez-vous, c’était à Grenoble, en 2016, pendant les Maudits Films.

À l’époque, je faisais partie de l’organisation du festival, soit le meilleur moyen pour transcender le simple plaisir de spectateur… et ne plus avoir le temps d’assister aux séances. J’étais donc coincé dans le hall qui jouxte notre belle salle Juliet Berto, à tenir boutique pour faire rentrer quelques sous dans les caisses de l’association. De l’autre côté de la porte – tout un symbole – avait lieu la projection de votre Hormona, dont les effluves sonores parvenaient jusqu’à mes chastes oreilles grâce à une isolation phonique approximative. Je n’avais d’yeux que pour l’affiche du film, punaisée juste en face moi. Plus la séance avançait, plus ma curiosité était mise à l’épreuve, jusqu’à ce que je n’y tienne plus. Lectrices, lecteurs, Bertrand – vous permettez que je vous appelle Bertrand ? –, je vais dévoiler ici l’un des secrets les mieux gardés de la Cinémathèque de Grenoble 1. Dans le mur commun avec la salle, à hauteur de regard warrenien – c’est à dire un tout petit peu en dessous de la moyenne – et à peine dissimulé au commun des mortels, il existe un genre d’œilleton permettant de voir ce qui se passe à l’écran. L’image est déformée, le verre teinté et la luminosité exécrable, mais combiné aux bribes sonores que j’évoquais plus haut, on devine vaguement où en est la projection. Tel un papillon de nuit irrésistiblement attiré par un lampadaire un soir d’été, je me suis retrouvé sans trop savoir comment l’œil rivé au minuscule orifice, dans la position délicieusement indécente du voyeur de peep-show, c’est à dire quelque part entre excitation et culpabilité. Pour être parfaitement honnête, je ne me souviens plus de ce que j’ai vu, ni même de combien de temps ça a duré. Ce dont je me rappelle par contre, c’est le violent retour à la réalité, cette voix dans mon dos qui a brisé la magie de l’instant par un tonitruant : « Alors, c’est bientôt fini ou j’ai le temps d’aller m’en griller une ? ».

Notre seconde rencontre s’est faite un peu plus tard, au cours d’une émission hors-les-murs de l’indispensable Mauvais Genre 2. Chez vous donc, dans tous les sens du terme, avec le charme incomparable du reportage radiophonique qui recrée les images au seul son de la voix. Et dieu sait qu’il y avait des choses passionnante à voir, dans votre antre, même si une bonne partie de vos références m’échappaient, mon parcours culturel étant celui d’un gentil garçon un peu trop sage. Vous me direz, tant mieux : avec tout ce qu’il me reste à découvrir, je ne risque pas de me lasser du septième art avant plusieurs vies. Un an après, la bande-annonce fantasmatique de vos Garçons sauvages enfonçait le clou. À défaut d’Hormona – ça serait bien qu’un éditeur se penche sur son cas, d’ailleurs –, j’ai fait l’acquisition de vos courts-métrages 3 que je savoure comme un grand cru, à petites gorgées. Boro in the Box m’a logiquement amené sur les traces de Walerian Borowczyk, au risque de me brouiller définitivement avec ma banquière 4. La boite de Pandore était ouverte, ma cinéphilie à jamais bousculée, condamnée à évoluer au sens cronenbergien du terme, c’est à dire à devenir plus organique, plus monstrueuse aussi, et foutrement plus ambiguë.

Lorsque nous nous sommes retrouvés dans la grande salle du cinéma le Club, ce 13 février, j’étais littéralement mort de trouille. Et si je m’étais trompé ? Et si mes espoirs étaient déçus ? Imaginons un instant que le film soit raté, comme le dernier Guy Maddin par exemple. Ou pire, que cela soit trop tard ? La cinéphilie, c’est un peu comme l’histoire : on n’évalue pleinement la puissance du moment présent qu’à la lumière du temps qui s’est écoulé. La première fois que je m’en suis rendu compte, avec le cinéma étasunien des années 90 que j’adore, j’ai été pris de panique. Ce recul nécessaire, rien ne dit que je l’aurai à nouveau. Les années s’accumulent et me rapprochent irrémédiablement du Grand Nulle Part, je vis dans l’angoisse permanente de passer à côté de quelque chose, d’un réalisateur, d’un mouvement, ce qui crée chez moi une sensation parfaitement irrationnelle de manque. Comme beaucoup de mes petits camarades, lorsque je suis confronté à de jeunes passionné-e-s de cinéma qui me renvoient immanquablement à celui que je fus, je cache cette fêlure sous une façade de certitudes et d’avis tranchés ; mais ne vous y trompez-pas, derrière le côté je-sais-tout se cache un genre de jalousie bienveillante et…

Et soudain, les lumières s’éteignent, l’écran s’illumine et nous voilà partis pour cette île qui sent l’huître et qui change les mauvais garçons en mauvaises filles. La magie opère instantanément, les doutes sont balayés, la rencontre se fait dans un rapport de parfaite égalité. C’est essentiel, ça, le rapport qui s’instaure entre le film et son public. Entre ces réalisateurs qui vous prennent de haut ou pire, ceux qui vous prennent pour un con en usant et abusant du plus petit dénominateur commun, rares sont ceux qui vous traitent en égal. Ici, le respect est total. La forme reprend ses droits, sans jamais se substituer au sujet ou à la narration. Le tournage sur pellicule, les effets réalisés sur le plateau, ces actrices délicieuses qui se travestissent, rien n’est de l’ordre de la pose, tout est au service du film et de son propos qu’on pourrait résumer simplement par : dans la vie, rien n’est vraiment figé.
Je pourrai sortir la bonne vieille trousse à outils du critique en mal d’inspiration pour disséquer votre film plan par plan, histoire de camoufler mes émotions, monsieur Mandico. Mais à quoi bon ? Devant vos Garçons sauvages, je suis redevenu ce môme qui ne manquait jamais l’occasion de voir un film à la télé, qui pensait naïvement que tous les américains portaient des Stetson et ressemblaient à John Wayne ou que Jean Marais avait vécu au temps des mousquetaires. J’étais sur la défensive, je m’étais préparé avec appréhension à être bousculé, et c’est tout l’inverse qui s’est produit : je me suis coulé dans votre film et, comme les étranges plantes animales et sensuelles qui peuplent l’île aux huîtres, j’ai fini par en faire partie, à ma manière. Et ce n’est pas terminé, loin s’en faut. Depuis le 13 février, j’attends avec une douloureuse impatience de pouvoir m’embarquer à nouveau sur le navire du Capitaine. Avec la musique du film en fond sonore, du matin au soir. Délicieuse torture, j’ai laissé mûrir ce texte depuis, repoussant chaque jour sa rédaction tant je redoutais l’exercice. J’en profite pour m’excuser platement auprès de nos lecteurs qui en attendaient peut-être autre chose. Mais que voulez-vous, c’est comme ça. J’espère seulement vous avoir donné envie de voir ce beau film, et qu’il vous touchera autant que moi.

Quant à vous, mon cher Bertrand, j’ai hâte que nos chemins se croisent à nouveau, au détour d’une salle obscure, d’un festival ou même d’un verre, tiens. En vous souhaitant d’ici-là bonne continuation.

 

1 S’il devait m’arriver malheur ces prochaines semaines, ne cherchez pas le coupable : c’est un coup du fantôme de Michel Warren, fondateur et grand ordonnateur de la Cinémathèque de Grenoble qui nous a quitté en 2015
2 L’appeau aux chimères : rencontre avec le cinéaste Bertrand Mandico, diffusée sur France Culture le 18 février 2017.
3 Mandico in the Box, chez Malavida (2 DVD).
4 Coffret Walerian Borowczyk, édité par Carlotta (8 DVD + 3 BRD gavés de bonus, plus deux livres).

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Le Journal d’un Cinéphage – Épisode 1 (Janvier 2018) http://enrevenantducinema.fr/2018/02/01/journal-dun-cinephage-episode-1-janvier-2018/ http://enrevenantducinema.fr/2018/02/01/journal-dun-cinephage-episode-1-janvier-2018/#respond Wed, 31 Jan 2018 23:47:56 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2321

 

Cinéphiles, cinéphiles, mes chèr-e-s compatriotes,

Après vous avoir lâchement abandonné-e-s en plein milieu du bilan de l’année dernière, me voici de retour sur cet écran pour une énième tentative … Lire la suite...

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Cinéphiles, cinéphiles, mes chèr-e-s compatriotes,

Après vous avoir lâchement abandonné-e-s en plein milieu du bilan de l’année dernière, me voici de retour sur cet écran pour une énième tentative de rubrique régulière. Au menu de ce Journal d’un Cinéphage 1, heu… rien de bien original en fait : trois chroniques de films vus dans le mois, en l’occurrence un qui m’a laissé froid, un autre qui m’a réchauffé le cœur et un dernier qui a fait ressurgir, à son corps défendant, de bien vilaines frustrations cinéphiles. Et pour finir en beauté, un peu de placement de produit en lien avec ma plus grosse attente pour un mois de février qui s’annonce foutrement hallucinatoire.

 

Last Flag Flying de Richard Linklater, avec Steve Carell, Bryan Cranston et Laurence Fishburne

Face à Last Flag Flying, deux cas de figure : soit vous avez vu La Dernière corvée (The Last Detail, 1973), soit non. Hélas, j’appartiens à la première catégorie, et impossible d’aborder le nouveau film de Richard Linklater autrement qu’en le comparant à celui d’Hal Ashby. Basés tous deux sur des romans de Darryl Ponicsan, on comprend aisément que le réalisateur de Boyhood ait été attiré par le projet : les deux livres proposent, à 44 ans d’intervalle, une variation sur le même thème, soit trois personnages façonnés par l’armée et la guerre qui traversent les états-unis, mais à des époques différentes ; et si les protagonistes de Last Flag… ne sont pas exactement les même que ceux de The Last Detail, ils leur font écho par leur caractérisation et les années de plus au compteur.
Premier agacement : Dans le film de 1973, pur produit du Nouvel Hollywood, Ashby proposait un contre-champs assez déroutant à la guerre du Vietnam. Le road-movie traversait une Amérique fantomatique, sans repères après la guerre idéologique totale entre conservateurs réactionnaires et utopies libertaires qui s’est cristallisée autour du conflit, laissant au final les deux camps moribonds. Pas très original pour l’époque, me direz-vous ; sauf qu’en empruntant le regard de trois militaires de carrière désabusés qu’on aurait toutes les peines du monde à rattacher à l’un ou l’autre camp, le réalisateur proposait un éclairage pour le moins original. Et plus le film avançait, plus on prenait conscience de l’étendue des dégâts, avec un sentiment désagréable de gâchis et d’impuissance. Las, le film de Linklater a toute les peines du monde à confronter ses personnage à autre chose que la grande supercherie de la chose militaire, qu’ils vont d’ailleurs finir par embrasser à nouveau après l’avoir rejetée viscéralement en revenant du Vietnam. Et si le spectateur ressent à nouveau une impression de gâchis, c’est parce que le réalisateur a choisi de laisser hors-champs l’Amérique de George W. Bush que les personnage traversent sans jamais vraiment s’y confronter.
L’autre problème du film, c’est d’avoir casté Steve Carell. Soyons clairs : je trouve que c’est un acteur de comédie épatant, et je soutiens sans réserve ses incursions dans un registre plus sérieux 2 ; sauf lorsque ces deux aspects se télescopent. La séquence du train, où nos trois vétérans, hilares, partagent leurs souvenirs avec un jeune soldat, m’a fait littéralement décrocher du film. L’espace d’une scène, c’est le personnage débile que l’acteur incarnait avec brio dans les deux Anchorman d’Adam McQuay qui ressurgit, détruisant de fait la crédibilité de son jeu pour le reste du métrage. À côté de ça, même si la performance de Nicholson dans The Last Detail reste inégalée, celles de Bryan Cranston et Laurence Fishburne n’ont pas à rougir de la comparaison.

 

Pentagon Papers de Steven Spielberg, avec Meryl Streep et Tom Hanks

Le film se situe dans au début des années 70, mais nous ne sommes pas dupes : un président paranoïaque et roublard, la liberté de la presse menacée, le sempiternel combat entre le droit à l’information et le secret d’état, c’est de l’Amérique contemporaine qu’il s’agit. Avant de plonger au cœur du sujet, permettez-moi une petite digression. J’ai grandi dans les années 80, au milieu des blockbusters réalisés ou produits par Steven Spielberg. Ce qui explique à la fois une affection particulière pour le cinéma populaire étasunien et un rejet viscéral des premières velléités historicistes du réalisateur. Non, définitivement, l’idée saugrenue de filmer la Shoah en utilisant les codes du cinéma d’entertainment, ou la représentation du Débarquement en mode « la guerre comme si vous y étiez », très peu pour moi. Beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts avant que je ne me laisse à nouveau séduire par son cinéma, jusqu’à ce que Lincoln enfonce le clou : Steven Spielberg est devenu un grand cinéaste américain, dont le regard compte autant que celui de Clint Eastwood.
Ce qui fascine d’emblée avec Pentagon Papers, c’est que le réalisateur refuse avec malice les codes du film de presse à l’américaine. Point de grandiloquence ici, le Post de Meryl Streep, dirigé par Tom Hanks, démarre la course au scoop avec une bonne longueur de retard, et n’entre réellement dans la danse qu’après les déboires judiciaires du New York Times. Et avec un tout petit peu d’opportunisme, pour ne rien gâcher. Spielberg préfère travailler en marge de son sujet, et s’il représente la contre-culture et les mouvements contestataires sous forme de clichés un tantinet agaçants, il accorde une place essentielle à ses personnages féminins. Évidement, il y a celui de Meryl Streep, qui va devoir s’émanciper de son temps et de son milieu en affrontant les fantômes de son père et de de son mari, leurs encombrantes amitiés politiques et une armada de conseillers mâles qui entendent lui dicter sa conduite. Comme on s’y attend, le personnage de Tom Hanks va l’accompagner dans cette quête, mais pas en la prenant par la main. C’est sa patronne, il travaille pour elle en tant que rédacteur en chef, et cette situation ne lui pose pas le moindre problème tant que chacun tient sa place. Et pour le coup, ce n’est pas l’expression du machisme de l’époque, bien au contraire : son personnage est le seul à ne pas la ramener à sa condition de femme, et s’il est aussi dur avec elle au début du film, c’est seulement qu’elle n’assume pas – encore – son rôle de patronne de presse. On passera sur quelques maladresses, comme cette stagiaire qui l’accompagne dans les couloirs du tribunal et l’admire un peu trop ouvertement, ou sur la haie d’honneur féminine qui l’escorte à sa sortie. Rappelons tout de même que le film a été mis en images plusieurs mois avant que l’affaire Weinstein n’éclate, au cas où des bien mal-pensants souhaiteraient taxer Spielberg d’opportunisme. Et cinématographiquement, quelle riche idée de nous avoir épargné la traditionnelle scène de procès. C’est dans la salle de rédaction que les journalistes apprendront, de la bouche de l’unique rédactrice du journal, le verdict de la Cour Suprême. Une scène magnifique, du même tonneau que la conclusion de Lincoln.

 

Fireworks, d’Akiyuki Shimbo et Nobuyuki Takeuchi

Tiens, puisque je parlais plus haut de découvrir un film à travers le prisme d’un autre, la sortie française de Fireworks résume assez bien le chemin de croix de l’amateur de cinéma japonais contemporain. Entendons-nous bien : je n’ai rien ni contre le film d’Akiyuki Shimbo et Nobuyuki Takeuchi, ni contre son distributeur, la société Eurozoom qui a toujours été un grand défricheur dans ce domaine. Le problème, c’est qu’ils doivent se sentir bien seuls. Très à la mode au mitan des années 90, avec en fer de lance les œuvres de Kitano et du studio Ghibli, on constate, vingt et quelques années plus tard, que le vent a tourné. Le cinéma Coréen l’a progressivement supplanté dans le cœur des distributeurs – et donc, des spectateurs –, et aujourd’hui, on se retrouve dans une situation pour le moins embarrassante : le seul cinéma japonnais qu’on peut voir sur grand écran est totalement déconnecté de ce qui se passe là-bas. Pour limiter les risques, les distributeurs misent sur les vieilles gloires festivalières qui, à l’exception du prolifique Kiyoshi Kurosawa, n’ont plus grand-chose d’intéressant à dire sur leur époque et leur pays. Vous trouvez que j’exagère ? Sérieusement, Naomi Kawase a-t-elle fait un bon film depuis l’envoûtant Shara ? Le nombrilisme kitanienne intéresse encore quelqu’un ? Doit-on réduire l’animation japonaise au moralisme takahatien, qui, depuis quelques années, a contaminé le cinéma de son coreligionnaire et celui des « héritiers » du studio Ghibli, Mamoru Hosoda en tête ?
Vous allez me dire, c’est la dure loi de la distribution : si on met de côté les cinématographies qui rapportent (en gros, le francophone européen et l’étasunien), le nombre de créneaux qui restent pour le tiers-monde du septième art (Amérique du sud, Asie, Afrique, Europe) est sacrément limité et incite à la prudence. Résultat des courses, la poignée de doux-dingues qui s’intéresse au cinéma japonais d’aujourd’hui n’a plus qu’à se tourner vers le marché de la vidéo. Mouais, sauf que là aussi, c’est un peu la misère. À l’exception des pachydermes sus-cités, peu de films originaux sortent chez-nous, et pas forcément dans les meilleures conditions. Non, franchement, pour avoir une idée de la production récente, il vaut mieux sortir son dico et traverser la Manche ou – et dieu sait que ça me fait mal de le dire – se rabattre sur le téléchargement illégal.
Mais revenons à nos moutons. À ma grande surprise, j’ai découvert dans Les Cahiers du Cinéma 3 que Fireworks était en fait le remake d’un téléfilm des années 90, encore très populaire au pays du soleil levant. Mieux, la séquence centrale du métrage, celle de la gare où les rêves adolescents viennent se fracasser sur la réalité du monde adulte, est une reprise plan par plan de l’original. Voilà. Comment, c’est tout ? Oui, sauf que ce n’est pas la première fois : il y a deux ans, j’ai découvert que le très sympathique Hana et Alice mènent l’enquête de Shunji Iwai, distribué par… Eurozoom, évidement, était en fait le prequel d’un film live de 2004, les deux actrices d’origine prêtant leurs voix aux doubles animés de leurs personnages. Inutile de préciser qu’il n’est jamais sorti chez nous, du moins légalement, et qu’il apporte un éclairage et une profondeur essentiels au film de 2016.
Sinon, bien qu’un cran en dessous de Your Name, Fireworks travaille avec bonheur les même thématiques, celles de la confrontation du temps réel aux « autres temps », qu’ils surgissent du passés ou, comme ici, qu’ils appartiennent aux chemins non empruntés du présent. Et croyez-moi, c’est autrement plus passionnant que la nostalgie réactionnaire du dernier Miyazaki 4.

Un peu de merchandising :

Connaissez-vous les univers joyeusement vénéneux de Bertrand Mandico ? En attendant avec une impatience folle la sortie en salle de son premier long-métrage le mois prochain (voir bande-annonce ci-dessous), et d’ici à ce qu’un éditeur nous propose une belle édition d’Hormona que j’ai lamentablement raté il y a deux ans, c’est le moment idéal pour se plonger dans ses premières œuvres. Pour une somme modique, vous pouvez acquérir un double DVD malicieusement appelé Mandico in the Box qui renferme, sinon son âme, au moins quelques aspects de sa personnalité déjantée. Les courts-métrages du réalisateurs sont d’une beauté proprement foudroyante et ouvrent tout un tas de portes dérobées sur l’autoroute de la cinéphilie mainstream. Bref, Mandico in the Box, c’est indispensable – et toujours disponible chez l’éditeur, Malavida, ce qui ne saurait durer !

Prochainement sur cet écran :

 

1 Toute ressemblance avec un fanzine moribond consacré au cinéma de genre n’est bien évidement pas fortuite pour un sou.
2 Il est épatant dans le Foxcatcher de Benett Miller, aux côtés de Channing Tatum et Mark Ruffalo.
3 Les Cahiers du Cinéma n°740 – janvier 2018, p.43. Sur le foisonnement du jeune cinéma japonais, on se reportera à l’état des lieux dressé par Stéphane du Mesnildot dans le n°715 (octobre 2015).
4 C’est ce qu’on appelle l’art de se faire des ami-e-s !

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Le Blues du critique (épisode 11) http://enrevenantducinema.fr/2017/03/02/blues-critique-episode-11/ http://enrevenantducinema.fr/2017/03/02/blues-critique-episode-11/#respond Thu, 02 Mar 2017 14:42:02 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2224

Le Facteur humain

Au risque de passer pour une midinette en mal de glamour, j’éprouve une sincère affection pour la Cérémonie des Oscars, et ce depuis une certaine nuit de … Lire la suite...

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Le Facteur humain

Au risque de passer pour une midinette en mal de glamour, j’éprouve une sincère affection pour la Cérémonie des Oscars, et ce depuis une certaine nuit de mars 1995. Au-delà du frisson de la compétition, des aspects politiques qui accusent systématiquement un train de retard, et du côté grand-messe cathartique célébrant dans une parfaite indécence l’entre-soi et la consanguinité d’un milieu un tantinet détaché des réalités, ce qui m’avait fasciné à l’époque, et qui me pousse encore à m’intéresser à l’événement, c’est l’inévitable facteur humain.

Revenons en 1995, si vous le voulez-bien. Je me revois encore, à 3 heures du matin, les yeux au milieu de la figure, attifé comme l’as de pique, une canette de Coca dans une main et mes pronostics dans l’autre, terrifié à l’idée qu’un insomniaque squatte la salle télé de la résidence universitaire, à siroter de la mauvaise bière devant une rediffusion d’Histoires Naturelles. Ah, quelle époque ! J’étais jeune, j’étais beau, et je découvrais ma cinéphilie. Au-delà de la terrible bataille entre Zemeckis et Tarantino, qui tourna rapidement en eau de boudin pour le réalisateur de Pulp Fiction, le moment fort de la soirée fut sans conteste le discours de Martin Landau, oscarisé dans la catégorie du Best Supporting Actor pour Ed Wood – le meilleur film de Tim Burton avant sa tragique disparition artistique à l’orée des années 2000. C’est que je l’avais totalement oublié celui-là, alors que minot, je dévorais religieusement les épisodes de Cosmos 1999 chaque samedi. Quel plaisir de retrouver cet émouvant soixantenaire, s’efforçant de remercier toutes celles et ceux qui l’avaient accompagné tout au long de sa carrière ; parce qu’à son âge, recevoir ce prix, c’était un peu l’équivalent d’un Oscar d’honneur. Mais voilà que retentit l’insupportable musique, ce garde-fou imbécile dressé contre ces foutus saltimbanques, incapables de respecter le minutage imposé avec leurs remerciements à rallonge et leurs débordements lacrymaux. « Eh Coco, t’es bouché ou quoi ? On a dit : ‘coupez !’ Le credo de l’industrie, c’est : le temps, c’est de l’argent ! Y’a les annonceurs qui trépignent en coulisse, et vu les taraux mon petit pote, t’es gentil, tu prends ton jouet et tu dégages fissa de mon plateau que je lance la pub ! ». À l’époque, j’ai trouvé ça d’une violence inouïe, mais comme je vous l’ai avoué plus haut, c’était ma première fois. Là où on a touché au sublime, c’est un peu plus tard dans le déroulé de la retransmission. Comme vous le savez sans doute, la remise des prix est suivie pour les lauréats d’un photoshoot officiel dans les coulisses, histoire de ne pas parasiter le déroulement du show. Et pour ne rien gâcher, ça permettait de meubler les temps-morts du direct avec des inserts glamour sur des reines de beautés se pavanant avec l’équivalent du PIB d’Haïti sur le dos. Et là, moment magique entre tous, la caméra y retrouve l’ami Landau, micro en main, fier comme Artaban au pied du podium, à terminer tranquillement son discours de remerciement devant un parterre de journalistes.

Cette année, la cérémonie avait lieu dans la nuit du 26 au 27 février, mais j’ai sagement attendu quelques jours avant de la visionner. Vous comprenez, à mon âge, ça n’aurait pas été raisonnable de m’infliger les commentaires lénifiants d’un Laurent Weil, épaulé cette fois par un déplorable sociétaire de la comédie française, le définitivement-pas-drôle Jérôme Commandeur qui eut l’insigne honneur de présenter les Césars deux jours plus tôt. Que voulez-vous, on a les maîtres de cérémonie qu’on mérite… Passons rapidement sur les généralités attendues : Rectification du tir au niveau de la représentation des minorités, volée de bois vert à l’encontre du nouveau chef du monde libre, et blagounettes entre le présentateur Jimmy Kimmel et son souffre-douleur favori, l’acteur Matt Damon1. Je ne vais pas non plus détailler le palmarès, si vous tenez vraiment à savoir qui de Robert McKenzie ou de Sylvain Bellemare à remporté la statuette du meilleur montage son, Internet est votre ami. Je vais me contenter de revenir sur trois moments que j’ai trouvé particulièrement… humains.
Commençons par l’acteur Mahershala Ali, premier récompensé de la soirée dans la catégorie Best Supporting Actor. Il concourait avec deux cadors de la profession, desservis cette année par des films médiocres : l’immense Michael Shannon et cette vieille baderne de Jeff Bridges. Lorsqu’Alicia Vikander annonce son nom, l’acteur de Moonlight, assis au premier rang, se lève pour rejoindre la scène sous un tonnerre d’applaudissements. Quand il arrive à la hauteur de Jeff Bridges, ce dernier lui claque amicalement l’épaule avec un franc sourire. Mahershala met un instant à réaliser, rebrousse chemin et échange avec l’acteur de Comancheria une poignée de main empreinte d’un profond respect. Un geste d’une grande classe.
Autre moment
en apesanteur, la remise de l’Oscar pour le meilleur mixage son. Alors oui, je sais, présenté comme ça, mais jugez plutôt : Cette année, le lauréat n’était autre queKevin O’Connell, récompensé pour son travail sur Tu ne tueras point, la dernière folie de Mel Gibson. Comment, vous ne connaissez pas Kevin O’Connell ? C’est pourtant une légende vivante à Hollywood ! On le considérait jusqu’ici comme le membre le plus poissard de l’Academy. Rendez-vous compte : il a fallu qu’il attende sa 21ᵉ nomination pour enfin décrocher sa statuette ! Je vous laisse imaginer l’émotion du bonhomme au moment des remerciements.
Et
comment ne pas évoquer le dénouement abracadabrantesque de la soirée ? Si vous avez manqué l’épisode, voici un rapide résumé des faits : Sur scène, Warren Beatty et Faye Dunaway, choisis pour célébrer le cinquantenaire de Bonnie & Clyde, doivent remettre l’Oscar du meilleur film. En décachetant l’enveloppe, Beatty hésite. Il montre le carton à Faye Dunaway qui croit à une mauvaise blague de son petit camarade. Elle lui prend des mains et annonce le vainqueur : La La Land. Standing ovation dans la salle, l’équipe du film monte sur scène pour récupérer son prix, sauf qu’on commence à voir débarquer sur le plateau des officiels venus des coulisses. Quelque chose ne tourne pas rond et tout à coup, le producteur Jordan Horrowitz interrompt le discours de son collègue pour annoncer, preuve à la main, que ce n’est pas son film, mais Moonlight qui a remporté l’Oscar. On se retrouve donc avec une bonne vingtaine de gens totalement éberlués sur scène, et un public médusé qui ne panne rien à rien. Warren Beatty insiste pour reprendre le micro et s’expliquer : on ne lui aurait pas remis la bonne enveloppe en coulisses, son carton indiquait « Emma Stone, La La Land ». En fait de grain de sable, c’est carrément une tempête saharienne qui s’est abattue sur le Dolby Theatre.

Que retenir de ce qui restera sans-doute comme la plus belle bourde de l’histoire des Oscars ? Déjà, qu’il vaut toujours mieux tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de… commencer à vomir son fiel sur les réseaux sociaux. Nous vivons décidément une époque formidable, où les gens se sentent obligés de s’emballer sur tout et n’importe quoi sans que quiconque leur ait demandé leur avis, en moins de 140 caractères et à la vitesse de l’éclair. Ainsi, j’ai pu lire des commentaires parfaitement odieux sur le site d’un certain Mark Z., du genre : « C’est ce qui arrive quand on confie un boulot sérieux à un vieux pas fichu de lire correctement un nom sur un carton. » Que la douce Emma, à chaud en coulisses, explique naïvement aux journalistes que ça ne pouvait pas être son enveloppe puisqu’elle l’avait gardée, insinuant par-là que Beatty avait raconté n’importe quoi, passe encore. Elle est beaucoup trop jolie pour que je lui en veuille et visiblement, elle ignorait qu’il existe des enveloppes de secours, au cas où. Mais toi, le facebookien anonyme à l’incontinence verbale assassine, tu n’as pas la moindre excuse et je te maudis sur cinq générations. T’attaquer ainsi à Warren Beatty, figure incontournable du Nouvel Hollywood, réalisateur passionnant et engagé s’il en est, sans avoir eu la décence d’attendre que les explications tombent, je trouve ça d’une dégueulasserie sans nom. Ah, mais voilà que j’entends la musique honnie, il faut donc que je me dépêche de conclure cette chronique sous peine de me faire sauvagement couper. Au-delà des théories plus farfelues les unes que les autres qui ont fleuri un peu partout pour expliquer l’incommensurable bévue et qui, je dois l’avouer, m’ont bien fait rigoler2, j’ai surtout éprouvé un immense soulagement en apprenant cette mésaventure. Je m’explique : jusqu’ici, j’étais persuadé que c’était du chiqué, que les lauréats étaient prévenus avant la cérémonie et devaient feindre la surprise. Oh, pas forcément tous, hein, mais au moins les protagonistes du Big Five 3. Eh bien, non, et c’est une sacrée bonne nouvelle. Et puis ce genre de tuile, ça nous rappelle que malgré l’obsession du contrôle chère à Hollywood, l’industrie du cinéma reste humaine, donc faillible. Et ça aussi, c’est foutrement rassurant. Enfin, pas pour tout le monde, hein, le stagiaire chargé de remettre les enveloppes aux intervenants et qui, parait-il, était en train de twitter au lieu de faire son job, risque d’avoir un peu de mal à décrocher un CDI à la Cité des Anges

Pendants ce temps-là, dans les locaux de la rédaction…
— « Tiens, salut Baptiste ! Alors, vieux camarade, ça biche ?
— Oui, oui , « ça biche », comme tu dis. Je vois que tu as un écrit un nouvel article, et sans attendre six mois ?
— Ouais, hein ? Je me sens motivé ces derniers temps, un truc de dingue !
— C’est bien, c’est bien. Mais tu n’aurais pas oublié un truc ? Voire deux ?
— (…) Ah oui, d’accord ! Je vois ce que tu veux dire. La suite de mon bilan 2016, c’est ça ?
— C’est ça.
— Alors, tu vas rire, mais j’avais tout bien préparé, et vachement en avance, sauf que…
— … Sauf que quoi ? Le chien de ta mamie a mangé la clef USB, c’est ça ?
— Euh, comment tu as dev… ? Ah, d’accord… Je te l’ai déjà sortie, celle-là ?
— (…)
— Bon, promis-juré, je… Ben, pourquoi tu lèves les yeux au ciel ?
— Et si tu t’activais un peu, au lieu de promettre des trucs ? Je sais bien qu’on est en période électorale, mais franchement…
— OK patron, message reçu, je m’y colle de suite. »

(To be continued…)

1 Cette fausse rivalité entre l’acteur et le présentateur dure depuis plus de dix ans. Évidement, dans la vraie vie, ce sont les meilleurs potes du monde.
2 Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer la mienne, de théorie fumeuse : En fait, c’était un coup monté par Warren Beatty et les producteurs de La La Land. Ces derniers ont promis d’éponger l’ardoise de l’acteur-réalisateur après le plantage en règle de son dernier film au box-office étasunien en échange de ce coup de com’ improbable. Parce que bon, soyons honnêtes, hein ? De vous à moi, dans cinq ans, qui se rappellera de Moonlight autrement que par « Mais si, tu sais bien, le film qui a eu l’Oscar alors qu’on l’avait d’abord donné à La La Land ! » ?
3 On surnomme ainsi les cinq catégories reines de la cérémonie : Meilleur Film, Meilleur Réalisateur, Meilleur Acteur, Meilleure Actrice et Meilleur Scénario (subdivisé en deux : Meilleur Scénario Original et Meilleure Adaptation)

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Chères lectrices, chers lecteurs, merci de nous rejoindre pour cette première remise des prix ERDC 2016 ! Quel bonheur, quelle joie incommensurable de vous retrouver sur ce blog après une si longue absence. Pour être parfaitement honnête, j’avais perdu le goût. Oh, pas celui d’écumer les salles obscures, on ne se refait pas, mais celui d’écrire sur le cinéma. Allez, n’en parlons plus, une nouvelle année pleine de promesses cinéphiles commence, quelle meilleure occasion de reprendre la plume ? Je sens qu’une question vous taraude : qu’est-ce que c’est, les prix ERDC ? Eh bien, il s’agit de dresser le bilan de l’année 2016 sous la forme d’une…

— « Guillaume ? C’est toi qui parles tout seul ?
— Ah, mon Baptiste ! Quelle merveilleuse surprise !
— Ouais… Et puis c’est pas comme si tu m’avais demandé de venir…
— N’empêche, ça me fait rudement plaisir de te voir !
— Moi aussi, moi aussi… Et sinon, tu peux me dire ce qui se passe, là ?
— Ben, c’est la cérémonie de remise des prix ERDC. C’était écrit sur ton invitation.
— (…) D’accord, mais plus précisément, c’est quoi cette histoire de remise de prix ?
— Ben, c’est pour marquer la fin de l’année cinématographique. Faire le bilan, quoi.
— Tu pouvais pas te contenter d’un top ten, comme tout le monde ?
— Euh, ouais, mais tu vois, mon bilan est un peu plus compliqué que ça. Et puis bon, aligner une liste de films, comme ça, en les sortant de leur contexte… J’veux dire, déontologiquement parlant, tu m’as compris, quoi. Et franchement, le côté cérémonie, ça fait classe, non ?
— (…) Et pourquoi tu m’as demandé de venir au juste ? Parce que soyons clair, ce truc-machin de remise de bidules, ça n’est que ton avis à toi, hein, pas celui de la rédaction du site !
— Oui, oui, on est d’accord, c’est juste mon avis personnel à moi que j’ai. Mais pour la forme, vaut mieux être deux. Ça fait moins cheap
— (soupir) Et je dois faire quoi du coup ?
— Ah, mon Baptiste, ton enthousiasme me va droit au cœur ! T’inquiète, j’ai tout préparé, tu suis mes instructions et ça va le faire ! »

 

animation

Catégorie « Meilleur film d’animation »

Ah, l’animation ! Encore trop souvent considérée comme un simple « truc pour les mômes », c’est pourtant un formidable moyen d’expression pour toucher aussi bien les adultes que…

— « Euh, t’es sérieux, là ? Tu vas nous pondre une intro’ pour chaque catégorie ? Et juste pour me faire une idée, t’en as prévu combien au juste, de catégories ?
— Euh… dix.
— (…) Dix ? Comme dans top dix ?!
— Ouais, je vois où tu veux en venir. C’est plus compliqué que ça, en fait. Y’a aussi des mentions spéciales, quelques hommages, et pis parfois y’a des ex-æquo, et…
— Nan, mais c’est bon, j’ai compris. On en a pour des plombes, quoi. C’est qui, les nominés dans ta catégorie animation, du coup ?
— On dit : « c’est qui les nommés ». Alors, les nommés sont : Tout en haut du monde, Hana et Alice mènent l’enquête, Kubo et l’armure magique, Ma Vie de Courgette et Louise en hiver. Là, c’est à toi.
— (…)
— L’enveloppe, là…
— Ah oui. Bon, alors, and the winner is, roulements de tambours pendant que je décachette… Euh, tu as dû te tromper, là… Non ? T’es sûr ? (…) Bon, ben le vainqueur, c’est tous les cinq. Faudrait que je prenne deux minutes pour t’expliquer le principe d’une remise de prix… »

N’en déplaise à mon coreligionnaire, comment voulez-vous départager nos cinq lauréats ? Car oui, chères lectrices, chers lecteurs, 2016 fut une année exceptionnelle pour le cinéma d’animation.
Dans Tout en haut du monde, Remy Chayé nous propose de suivre Sacha, une jeune aristocrate Russe du XIXe siècle qui part à la recherche de son grand-père explorateur disparu alors qu’il s’attaquait au pôle nord sur un magnifique navire de sa conception. La forme surprend, les dessins intégralement composés sur ordinateur ne présentant que des aplats de couleurs, sans les contours. Le récit, forcément initiatique, est un formidable appel à l’aventure qui emprunte autant aux Voyages Extraordinaires de Jules Verne qu’aux récits de Shackleton. Sobre, parfois cruel, bouleversant, le film rappelle avec bonheur qu’on n’a pas toujours besoin de verser dans la surenchère et le fantastique pour tenir nos chères têtes blondes – et leurs parents – en haleine.

Hana et Alice mènent l’enquête, du japonais Shunji Iwai, pointe du doigt les faiblesses de la distribution des films asiatiques en France. Si ce long-métrage à l’esthétique particulière1 peut se suffire à lui-même, il s’agit en fait du prequel d’un film live tourné en 2004 par le réalisateur, hélas invisible chez nous puisque jamais distribué en salle ou édité en vidéo. Les deux actrices d’origine, qui ont bien grandi depuis, prêtent leurs voix aux personnages animés, et avoir vu le premier film décuple le plaisir du spectateur2. Toujours est-il qu’Hana et Alice… nous entraîne avec délicatesse dans le sillage de deux adolescentes japonaises à peu près comme les autres. Un autre genre de récit de voyage, donc, avec ses joies, ses peines, ses difficultés insurmontables et ses moments en apesanteur. Un pur délice.

Si nous restons au pays du soleil levant avec notre troisième lauréat, c’est des États-Unis que nous vient Kubo et l’armure magique, traduction plus qu’approximative de Kubo and The Two Strings du studio Laïka. Approchez, petits et grands, approchez ! Venez donc, que tonton Guillaume vous raconte une merveilleuse histoire ! Il était une fois Travis Knight, un fils-à-papa comme on les adore en Amérique et comme on adore les détester par chez nous. Mais attention, hein, je ne vous parle pas d’un trust fund baby lambda, mais du fiston au co-fondateur de Nike. « Alors mon petit Travis, qu’est-ce qui te ferait plaisir pour noël ? » « Papa, je veux un studio de cinéma d’animation ! » Et j’arrête tout de suite de me moquer parce que le studio en question, Laïka, c’est ce que les États-Unis nous ont proposé de mieux dans le domaine depuis quoi… Pixar ? Jugez plutôt : Coraline (2009), d’Henry « L’Étrange Noël de mister Jack, c’est moi ! » Selick, le plus que recommandable L’Étrange pouvoir de Norman (2012) et le « un petit peu moins réussi, mais quand même » Boxtrolls (2014). Restait donc au patron du studio à faire ses preuves derrière la caméra. Fidèle à la stop-motion, mais en la combinant avec les dernières innovations en matière prise de vue, le film est déjà un vrai régal visuellement parlant. À une époque où les grands studios ne jurent plus que par l’animation informatisée « en 3D », on n’insistera jamais assez sur la capacité de l’animation en volumes à stimuler l’imagination et à donner – sans jeux de mot – corps aux personnages. Surtout que là, et sans dénigrer le moins du monde le savoir-faire d’Aardman ou du film que j’évoquerai ensuite, la technique atteint un niveau de maîtrise proprement incroyable. Le tout au service d’une histoire de famille passionnante et originale qui ne cède jamais à la facilité. C’est une des forces des productions Laïka : ne pas sous estimer l’intelligence de son public cible sans toutefois verser dans l’animation « pour les parents qui viendront avec leurs mômes comme alibi » chère à la concurrence.

Retour en France – en passant par la Suisse, c’est une coproduction –, mais toujours en stop-motion avec Ma Vie de Courgette de Claude Barras, tiré d’un roman de Gilles Paris et scénarisé, entre autres, par Céline Sciamma. J’ai été pour le moins surpris par l’accueil glacial que lui a réservé Les Cahiers du Cinéma où Joachim Lepastier reprochait au film son manque de prise de risques. C’est oublier un peu vite que le métrage s’adresse d’abord à des enfants de 7 ans et qu’il aborde des sujets aussi difficiles que la mort et l’enfance abandonnée. Alors oui, les personnages sont stéréotypés et tout finit par rentrer dans l’ordre, mais j’ai envie de dire : tant mieux. Pour en avoir discuté avec des spectateurs en sortie de salle, Ma Vie de Courgette a le mérite de toucher adultes et enfants, et d’amorcer entre eux des discussions pas toujours évidentes. Mais le film va largement au-delà de son sujet, que ça soit dans l’infinie délicatesse de son traitement, toujours à hauteur d’enfant comme le soulignent les choix esthétiques, et toujours équilibré entre le rire – le policier victime de bombes à eau – et l’émotion – la mort hors-champs de la maman de Courgette, le retour sur les lieux drame. Et puis entendre Les Bérus et une reprise de Noir Désir dans un film, on dira ce qu’on veut, ça fait toujours quelque chose…

Et pour clore cette année exceptionnelle, Louise en hiver de Jean-François Laguionie, nous raconte les aventures d’une vieille dame qui se retrouve toute seule dans une ville balnéaire fantôme après avoir raté le dernier train de la saison. Un récit en partie autobiographique puisque les flash-back dans l’enfance du personnage sont tout droit issus des souvenirs du réalisateur, âgé de 78 ans. Un film sur les cycles de la vie et sur la vieillesse qui, n’en déplaise à une partie du public, a l’intelligence de prendre son temps, dans tous les sens du terme. Cette langueur permet à l’imagination du spectateur de vagabonder entre les scènes et de superposer ses propres souvenirs à ceux de Louise. Ainsi, et sans jamais l’imposer, le film nous invite à réfléchir sur notre propre rapport au temps.

— « Euh, en parlant de rapport au temps, ça serait peut-être pas mal d’accélérer le mouvement si tu ne veux pas qu’on y passe la nuit…
— « Oh, l’autre ! Je lui parle de langueur et…
— C’est quoi, ta catégorie suivante ?! »

 

06-mademoiselle

Catégorie « Retour en grâce »

S’il arrive souvent de retrouver de mauvais acteurs aux génériques de bons films, c’est beaucoup plus rare de voir un réalisateur médiocre sortir de son chapeau un diamant. Bon, d’accord, en fait, ça n’est pas si rare que ça, mais c’est un foutu déchirement de l’admettre. Prenez David Fincher, par exemple. Il m’a fallu un bon moment pour dépasser ma mauvaise foi et admettre publiquement que sa carrière est devenue passionnante depuis Zodiac. Ce qui ne m’empêche pas de continuer à détester cordialement ses premières œuvres, Seven et Fight Club en tête. Mais comme je ne sais plus quelle publicité nous l’a matraqué dans les années 80, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

Mademoiselle est un des plus beaux films que j’ai vu cette année, et Dieu sait si j’ai du mal avec Park Chan-wook. Que voulez-vous, c’est la faute aux Cahiers du Cinéma et à cette satanée politique des auteurs. Si j’étais tombé dans Positif à l’époque, croyez-moi, ça m’aurait grandement facilité la cinéphilie. J’ai découvert le réalisateur coréen en 2003 avec Old Boy qui m’est littéralement resté en travers de la gorge. Oh, pas au niveau de la virtuosité, je vous rassure : impossible de ne pas reconnaître les immenses qualités de mise en scène du bonhomme. La fameuse scène dite : « si j’avais un marteau » est proprement époustouflante. Mais le film a provoqué chez moi une forme de rejet quasi-physique. Je l’ai trouvé profondément et intrinsèquement malsain. Attention, hein, je ne parle pas du propos – celles et ceux qui me connaissent peuvent témoigner, je ne suis pas du genre à m’effaroucher devant la première déviance venue –, mais de son traitement que j’ai trouvé pour le moins complaisant et ambigu. Et s’il y a bien une chose que j’ai retenue au cours de mon parcours cinéphile, c’est que si un film vous met mal à l’aise sans que vous ne puissiez vous raccrocher à quoi que ce soit – second degré, naïveté ou même complaisance mercantile –, c’est qu’il y a un problème. J’ai donc immédiatement rangé le sieur Park dans la catégorie « trop louche pour être honnête » et depuis, j’ai soigneusement évité sa filmographie. Jusqu’à Mademoiselle, donc. Pour quelle raison ai-je rompu un pacte tacite vieux de 13 ans avec moi-même ? Un faisceau de circonstances, votre honneur. Une irrépressible envie de cinéma asiatique sur grand écran, déjà. Le harcèlement de certain-e-s membres de mon entourage et un article dans les Cahiers. Et l’affiche, que je trouve magnifique à une époque où c’est de plus en plus rare… Bon, d’accord, le film passait à trois cents mètres de chez moi et j’avais une place gratuite à utiliser.

Construit en trois actes qui correspondent à trois points de vue différents sur la même histoire, j’ai eu peur d’être tombé dans ce que j’appelle affectueusement un « film de petit malin », où la construction narrative et les inévitables twists mènent le spectateur par le bout du nez afin de cacher la médiocrité de la mise en scène ou du discours. Mais j’ai vite compris que cette architecture était au service de la richesse et de la profondeur du film. Chaque partie semble à la fois indépendante et indissociable à l’ensemble, un véritable exploit qui s’explique par l’attention minutieuse et égale que le réalisateur accorde à chacune. Le premier acte est d’un classicisme bluffant, le second d’une sensualité enivrante et le troisième, forcément violent et ironique, vient clore ce beau conte cruel de la plus belle des manières. Un véritable travail d’orfèvre, mais toujours au bénéfice du spectateur. J’en connais un qui va devoir réévaluer la filmographie de Park Chan-wook, moi…

— « Baptiste… Baptiste ? C’est à toi, là…
— (…) Hein ? Oh, excuse-moi, je m’étais assoupi. Faut que je fasse quoi, maintenant ?
— Faut que tu lances la séquence suivante… »

 

toni

Ces films que nous avons ratés…

Chaque année, des dizaines de films finissent dans les oubliettes de l’histoire. Pour la plupart, c’est un acte volontaire, politique même, qui s’inscrit dans une démarche salutaire de refus de la médiocrité. D’autres, hélas, sont victimes des aléas de la vie. Trop longs, trop loin ou victimes collatérales de plannings impossible, ils ne méritaient pourtant pas ce traitement indigne de leur stature. Si vous le voulez-bien, recueillons-nous un instant en leur mémoire…

Aquarius, de Kleber Mendonça Filho
Toni Erdmann, de Maren Ade
Un Jour avec, un jour sans, de Hong Sang-soo
Rester vertical, d’Alain Guiraudie
Ma Loute, de Bruno Dumont
Le Bois dont les rêves sont faits, de Claire Simon
Brooklyn Village, d’Ira Sachs
L’Ornithologue, de João Pedro Rodrigues

Nous ne vous oublierons pas. Enfin, je me comprends…

— « Ça y est ? C’est fini ? Je peux rentrer me coucher ?
— Euh, disons que tu peux faire une pause. C’est la fin de la première partie.
— (…) Première sur combien… ?
— Mmmm… sur trois… ? »

1 Il a été entièrement réalisé en rotoscopie, une technique qui consiste à filmer des acteurs en motion-capture, puis à « redessiner » par-dessus avant d’intégrer le résultat sur des fonds dessinés traditionnels. On obtient ainsi des mouvements très réalistes. Cette technique fut notamment popularisée par Ralph Bakshi, avec un rendu assez impressionnant – les Nazgûls de son Seigneur des Anneaux sont autrement plus inquiétants que ceux de Peter Jackson !
2 Et ne venez pas me demander de vous expliquer comment faire pour le voir, hein, bande de sacripants !

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Bilan 2014, des cadres et du mouvement http://enrevenantducinema.fr/2014/12/31/bilan-2014-des-cadres-et-du-mouvement/ http://enrevenantducinema.fr/2014/12/31/bilan-2014-des-cadres-et-du-mouvement/#respond Wed, 31 Dec 2014 18:16:52 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=2094

La fin de l’année est l’occasion de faire notre mini bilan et surtout de revenir sur des films dont on n’a pas parlés parce qu’au moment où on les a … Lire la suite...

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La fin de l’année est l’occasion de faire notre mini bilan et surtout de revenir sur des films dont on n’a pas parlés parce qu’au moment où on les a vus on n’avait pas envie, parce qu’on n’était pas d’humeur, parce qu’on avait d’autres projets et que de toute façon, on n’est pas payé pour ça, alors on fait ce qu’on peut.

Revenir donc sur quelques films.

D’abord Saint-Laurent ou comment Bertrand Bonello prend le genre très cadré du biopic pour le faire éclater et utilise cette déconstruction pour s’approcher de la vérité de quelqu’un, une vérité qui pourtant se dérobe.
À la différence de ces biopics qui présentent des hommes au destin glorieux et au caractère conquérant ou du moins particulier (à part évidemment le magnifique Van Gogh de Pialat), Yves Saint-Laurent est présenté comme absent au monde (c’est la force de Gaspard Ulliel de savoir incarner ce personnage fantomatique ne laissant qu’une empreinte), drogué, devenant une marque, un logo, plus qu’une personne, traversant une décennie importante de l’histoire sans s’en rendre compte, un personnage en creux, à côté de la plaque la plupart du temps.
Le dispositif théorique de la mise en scène est dans le morcellement avec flash-back, flash-forward, split-screen, scène qui semble détachée du reste, rêve, hallucination, lettre lue, dilatation du temps, et accélération, des changements de rythme fréquents, jusqu’à cette fragmentation de l’écran pour un défilé triomphant. Ce morcellement n’est pas une coquetterie, elle est le miroir d’un homme qui n’arrive pas à trouver son unité, qui n’a pas de consistance.
Comme souvent chez Bonello, ça pourrait être froid et intellectuel mais il y a un parfum de tristesse toujours présent, quelque chose qui ne rentre pas dans le dispositif, une douleur profonde de la difficulté à être. Du héros de De la guerre aux prostituées de l’Apollonide, de la Cindy (dans Cindy the doll is mine) à Yves Saint-Laurent, tous ces personnages essaient de trouver une raison de vivre, essaient d’échapper à une réification (avec l’idée que le cinéma c’est aussi se poser la question de la réification par le cinéaste). C’est symptomatique avec ces chiens appelés Moujik de 1 à 4, interchangeables, un film sur le narcissisme, sur le fait que de vivre uniquement dans les yeux des autres nous dévitalise, nous fait disparaître, nous transforme en pantin.

mummyOn retrouve dans Mommy de Xavier Dolan cette volonté de se confronter à un dispositif. Là il s’agit d’encadrer la vie ou de la laisser se développer, de savoir comment on se bat avec un cadre qui emprisonne, de travailler sur cette tension. Un adolescent hyperactif, violent, plein de vie mais ne supportant pas les limites qu’on lui donne face à une mère larguée, qui fait ce qu’elle peut mais n’y arrive plus. Tout le jeu du film est entre ces corps qui courent, se frappent, crient, pleurent, s’aiment, s’engueulent, se déchirent et comment ils habitent, occupent les plans.
Un film très théorique où bien sûr le cadre carré enserre les personnages, rend le face à face entre la mère et le fils étouffant.
Le début part étrangement sur une piste naturaliste, la travailleuse sociale, la nouvelle loi imaginaire et vite ça déborde de partout, rien ne retient la vie qui passe, circule, et l’arrivée de la voisine permet que toute cette énergie prenne de l’ampleur et se canalise dans le même mouvement. L’arrivée du tiers brise la dualité mortifère.
Ce qui est bien avec Xavier Dolan, c’est qu’il ne s’excuse pas, qu’il n’est pas modeste, il y va, fonce, et garde sa route, sa trajectoire est sûre, ça lui permet d’oser des choses naïves et puissantes dans leur naïveté, voir le héros courir avec son caddie au milieu de la route en criant liberté, et ouvrir le cadre ainsi, ça pourrait être casse-gueule, ridicule mais ça passe, jamais on se sent piégé par l’émotion que livre ce film, on n’est pas manipulé, tout est là devant nous, à vif. L’histoire est d’une grande simplicité, les lignes sont évidentes, il ne les cache pas.
Ce film nous insuffle son énergie vitale et donne envie d’envoyer valser les convenances. Ce n’est pas rien. Et si ça pouvait aider à renverser ce vieux monde, ce serait encore plus.

Deux autres films émergent cette année (répétons-le, parmi les films vus, il y a bien sûr des manques et des oublis) le Map to the stars de Cronenberg et sa rage réjouissante et sombre, et à son opposé Love is strange de Ira Sachs, qui après le beau et rugueux Keep the light on (qui s’approchait des films mumblecore), confirme son attachement aux palpitements du cœur. Soit un vieux couple dont le mariage va précipiter un déménagement, un film d’une grande élégance, aux plans d’une grande et belle simplicité, d’une émouvante douceur, avec une fin magnifique et bouleversante d’humanité.

love is strange

Une année sans choc majeur comme l’Inconnu du lac l’an passé peut-être, mais beaucoup de bons films, souvent basés sur des confrontations d’acteurs. La fougue des Combattants de Thomas Cailley révèle un cinéaste prometteur qui doit avoir plus confiance en son regard (la volonté de faire cinéma est une des limites de ce premier film) et à sa capacité à diriger des acteurs (Adèle Haenel, qui impose sa présence essentielle dans le cinéma français d’aujourd’hui face à un Kévin Azaïs touchant)
Olivier Assayas est aussi, mais on le savait déjà, un grand directeur d’acteur et d’actrice, ce que donnent Juliette Binoche et Kristen Stewart sous son regard dans Sils Maria est impressionnant, le film l’est aussi souvent avec de magnifiques plans dans les Alpes, avec parfois, c’est le défaut mignon d’Olivier Assayas, quelques moments trop explicatifs et surlignés.

On n’oubliera pas bien sûr Under the skin, Bird et leur proposition étrange. Le cinéma est travaillé par le fantastique, l’étrangeté, désire s’envoler, et c’est tant mieux. Ne le bridons surtout pas.

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Le Blues du critique (épisode 10) http://enrevenantducinema.fr/2014/05/13/blues-du-critique-episode-10/ http://enrevenantducinema.fr/2014/05/13/blues-du-critique-episode-10/#respond Tue, 13 May 2014 00:16:51 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1975

… Mais je me soigne.

Afin de rassurer les proches qui me croient au bord du suicide – et éviter de les voir débarouler chez moi pour une de ces … Lire la suite...

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… Mais je me soigne.

Afin de rassurer les proches qui me croient au bord du suicide – et éviter de les voir débarouler chez moi pour une de ces interventions dont raffolent les américains –, j’ai décidé d’avancer la publication de cette suite directe à l’épisode 9 posté il y a quelques heures (et que vous trouverez ici). Rassurez-vous, tout va bien, le pire est derrière moi. La preuve : je me suis remis à écrire. Et si j’ai pu m’en sortir, c’est qu’il y a de l’espoir pour tous les cinéphiles victimes comme votre serviteur d’une méchante crise de foi.
Pour commencer, j’ai remis les séries télé à leur place. Entendons-nous bien : je n’ai rien contre les séries télé. C’est tout le contraire. Mais en y réfléchissant, c’est une aberration de les qualifier de « cinématographiques », comme de dire d’un film qu’il est « télévisuel ». Je trouve ça un tout petit peu insultant pour les uns et pour les autres. Au risque de me faire traiter d’intégriste psychorigide, la différence entre ce que produisent le cinéma et la télévision ne tient pas à une question de moyens, de technique, de personnes ou de forme. Les deux empruntent à des arts pré-existants – le théâtre, la littérature, la peinture – et partagent un langage mis en place par les pionniers du Septième Art. Non, pour moi, la seule différence qui compte, c’est la position du spectateur. Aller au cinéma, c’est sortir de chez soi, payer sa place, s’enfermer avec d’autres gens dans une salle obscure et accepter de mettre sa vie entre parenthèse le temps que dure ce que l’on est venu voir. Regarder un programme à la télévision est à la fois plus simple et beaucoup plus compliqué : il suffit de s’asseoir dans son canapé et d’appuyer sur la télécommande. On paye un minimum, pour avoir un minimum. Libre à vous de débourser plus que la redevance pour accéder à une multitude de chaînes, aux rediffusions à la demande, à la VOD ou aux films sur support physique. Mais quoi qu’il en soit, à l’inverse du cinéma, ce que vous regardez est tributaire de votre vie : le téléphone qui sonne, l’envie irrépressible d’une boisson fraîche ou la nécessité d’aller aux toilettes, autant de bonnes raisons d’appuyer sur la touche pause. Pour aller au bout de cette idée, lorsque je vois un épisode du Prisonnier projeté en salle dans le cadre d’un ciné-concert, c’est du cinéma. Lorsque je regarde Les Cheyennes de John Ford en DVD dans mon salon, c’est de la télévision.
Abordons le sujet sous un angle un peu moins théorique. La salle obscure procure des sensations et des émotions incomparables. J’en ai plein ma musette, depuis ma première et désastreuse expérience, Jo de Jean Girault, avec De Funès, vu à l’age de 6 ans et qui m’a tellement impressionné que j’en ai fait des cauchemars pendant des semaines, jusqu’au dernier Resnais, partagé comme un bon vin avec un ami cinéphage il y a quelques jours. Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, la salle de cinéma est un formidable lieu de partage, à condition de savoir se tenir pendant la projection 1. Voir un film au cinéma, c’est se plier à un rituel. Il y a l’avant séance, le moment magique où les lumières s’éteignent et où l’on se demande à quelle sauce le film va vous manger. Il y a le générique de fin qui vous ramène en douceur à la réalité – que celles et ceux qui sortent avant la dernière image aillent brûler en enfer 2. Et une fois rendus à la douleur du monde, le grand partage autour d’un demi en terrasse, ou simplement en s’en grillant une petite devant la sortie. Sans oublier les orgies pelliculaires à s’en faire saigner les rétines, comme feu la fête du cinéma (devenue, hélas, celle des multiplexes) ou, si vous en avez l’occasion, les festivals comme celui des Maudits Films de Grenoble que je ne raterai pour rien au monde tellement je m’y sens bien.
Alors, j’ai décidé de reprendre ma cinéphilie en main. Je me suis forcé à retourner en salle, jusqu’à tomber sur le film qui m’a furieusement donné envie d’écrire. Cela devrait être ma prochaine contribution à ce blog. J’ai réussi à vaincre mon addiction télévisuelle, après m’être infligé à la suite neuf épisodes de l’insupportable Person of Interest, sur les conseils de deux personnes qui n’ont pas fini d’en entendre parler. Pour pallier le manque, je me suis replongé dans le cinéma étasunien que j’adore, en revisitant la filmographie du génial Samuel Fuller, entrecoupée de classiques signés John Ford, Billy Wilder ou Blake Edwards. Un bonheur rendu possible grâce à la télévision, à ma collection de DVD et… au téléchargement. J’aime les Blu-ray et les DVD, comme j’aimais les Laserdiscs en leur temps. Mais je n’ai pas les moyens d’acheter tout ce qui me fait envie, sans parler des titres épuisés ou difficiles d’accès, comme China Gate de Sam Fuller qui n’existe qu’en import et sans le moindre sous-titre. Le téléchargement est pour moi un substitut aux cassettes vidéo que j’enregistrais à la télévision, ou que je faisais enregistrer par des amis câblés. Ou que je repiquais à droite et à gauche. Des pratiques illégales, mais dont on ne faisait pas tout un foin à l’époque.
Les vacances sont terminées, et la salle où je travaille ne programme plus le dernier Clavier. Je retrouve avec plaisir « mes » spectateurs, les habitués à qui je peux dire ce que je pense, et qui me remercient pour mon honnêteté. Je suis même près à pardonner leurs errances aux « occasionnels », et ça, c’est à Henri Langlois que je le dois. Pour la peine, je lui laisse le mot de la fin : « Nous avions un des meilleur public du monde, à Paris, en France. On est en train de le tuer. Vous savez, c’est très facile de tuer un public (…). Vous donnez des navets à des gens, ils perdent le goût de la qualité, et c’est fini »

Ces deux chroniques, un peu plus personnelles que d’habitude, sont dédiées à une poignée de gens qui, consciemment ou non, ont joué un rôle essentiel dans mon « retour aux affaires » : Baptiste, forcément. Laurent pour avoir partagé le dernier Resnais avec moi. L’autre Laurent, pour n’avoir pas ri une seule fois à Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu et l’avoir trouvé un peu raciste sur les bords. Messieurs Thoret et Bou pour leur indispensable émission Pendant les travaux, le cinéma reste ouvert dont j’ai extrait la citation de maître Langlois. Et Samuel Fuller, en espérant que son White Dog qui ressort en salle le 28 mai soit projeté à Grenoble.

1 Quoique… J’adore inviter une certaine personne à voir des polars biens violents ou des films d’horreur, parce qu’avec elle, je sais que le spectacle sera autant dans la salle que sur l’écran.

2 Sauf si vous risquez de manquer le dernier tramway, ou en signe de protestation si le film vous a déplut...

 

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Le blues du critique (épisode 9) http://enrevenantducinema.fr/2014/05/12/blues-du-critique-episode-9/ http://enrevenantducinema.fr/2014/05/12/blues-du-critique-episode-9/#respond Mon, 12 May 2014 13:32:16 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1938 J’ai (très) mal au Cinéma…

Cinquante-cinq jours depuis mon dernier post, et plus de sept mois depuis ma dernière critique de film. La flemme et l’angoisse de la page … Lire la suite...

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pastrescatholiqueJ’ai (très) mal au Cinéma…

Cinquante-cinq jours depuis mon dernier post, et plus de sept mois depuis ma dernière critique de film. La flemme et l’angoisse de la page blanche n’expliquent pas tout : je suis en pleine dépression cinéphilique. Au point d’avoir lancé au cours d’une discussion un péremptoire : « De toute façon, le cinéma est mort avec Kubrick et la critique avec Serge Daney » 1. Chronique d’une descente aux enfers.
Déjà, si vous êtes cinéphile, ne travaillez jamais dans un cinéma. A cause des horaires, qui vous privent des meilleurs créneaux pour… aller voir des films, et parce qu’à moins d’être programmateur d’une cinémathèque, vous allez rapidement vous retrouvez devant un choix cornélien. Vendre votre âme à un établissement commercial, avec à la clef ulcères à l’estomac et dégoût de soi, ou travailler dans le cinéma de vos rêves, sans vraiment en profiter parce que… vous y travaillez. A tout prendre, j’ai opté pour une troisième voie, un mono-écran excentré qui passe un peu de tout. Ça permet de garder un œil sur le tout venant (et d’être incollable sur les fins de films) et de savourer quelques merveilles sur grand écran à l’occasion de soirées spéciales. De quoi compenser les tortures que vous inflige cette saloperie de conscience professionnelle lorsque d’innocents spectateurs vous demandent si le dernier Lelouch est bien ou ce que vous pensez de Dany Boon parce que eux, ils a-do-re-nt. Croyez moi, ça n’est pas facile tous les jours… Autre problème, je suis aux premières loges pour constater les ravages de la crise qui secoue le milieu depuis plusieurs années. Les entrées qui baissent inexorablement, la raréfaction des films qui marchent, le vieillissement du public. Et les recettes foireuses concoctées par des producteurs frileux pour tenter de sauver les meubles, à grands coups de statistiques et d’études de marché. Si t’es étasunien, mise tout sur un blockbuster de super-héros ou un film d’animation familial. En 3D tant qu’à faire, ça rapporte plus. Et si t’es français, choisis la différence – mais en restant dans le politiquement correct, hein ? – traitée sur le mode de la comédie, avec une fin positive et un casting calculé pour toucher un maximum de spectateurs. En ce moment, les gens ont besoin d’être rassuré et de positiver. Si en plus on peut leur donner bonne conscience, c’est parfait. L’intolérance, c’est mal, mais au fond, l’intolérant est un gars sympa, et comme un accroc à la cigarette, il peut arrêter quand il veut. Ce qui ne l’empêchera pas de vous insulter parce qu’il ne reste plus que des places devant ou que vous refusez de prendre son abonnement périmé depuis deux ans en caisse. Si le public ne se déplace en masse que pour plébisciter des films comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, c’est peut-être qu’on a le cinéma qu’on mérite.
Donc, c’est décidé, j’arrête de fréquenter les salles obscures. Dans une société qui prône l’individualisme et la sociabilité à distance, autant rester le cul vissé sur un canapé devant mon téléviseur plasma de 139 cm. Sauf que là aussi, c’est le marasme absolu. Il n’y a quasiment plus de créneaux dédiés au Septième Art sur les chaînes gratuites 2, le marché du DVD et du Blu-ray est moribond, la dématérialisation ne décolle pas et tout ça serait la faute des méchants téléchargeurs, ces vils fossoyeurs de la création artistique. Donc, malgré l’acquittement de ma redevance télé, malgré mes étagères remplies de DVD, ça serait de ma faute si tout se casse la gueule. Parce que figurez-vous que je télécharge. Et pas qu’un peu. Ah, maudite culpabilité judéo-chrétienne ! Cette fois, c’est décidé, j’arrête définitivement le cinéma et j’anesthésie ma dépression à coup de séries télé. D’après les médias, elles sont de plus en plus cinématographiques, alors…

(A SUIVRE…)

1 Ce à quoi mon interlocuteur à eu l’intelligence de répondre que je pouvais être vraiment très con quand je m’y mettais. Merci Benjamin pour cette remise en place salutaire.

2
Ah, cruelle ironie ! Il y a vingt ans, je maudissais la télévision française qui méprisaient les séries étasuniennes (VF exclusivement, diffusion au compte goutte, dans le désordre et à des horaires indécents, les amateurs de Law & Order à l’époque où elle s’appelait New York District savent de quoi je parle !), Aujourd’hui, comme ça coûte moins cher, elles sont programmées en prime time par tranches de trois ou quatre épisodes, au détriment des films qui sont réduits à la portion congrue. Si Dieu existe, il a un sacré sens de l’humour…

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Le blues du critique (épisode 8) http://enrevenantducinema.fr/2014/03/18/le-blues-du-critique-episode-8/ http://enrevenantducinema.fr/2014/03/18/le-blues-du-critique-episode-8/#respond Tue, 18 Mar 2014 10:12:39 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1901
À qui profite le crime ?

Cette fois, le divorce entre les critiques et les spectateurs de cinéma est consommé. On nous informe que ces derniers ont plébiscité Les trois Lire la suite...

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À qui profite le crime ?

Cette fois, le divorce entre les critiques et les spectateurs de cinéma est consommé. On nous informe que ces derniers ont plébiscité Les trois frères, le retour des Inconnus et Supercondriaque de Dany Boon alors que la presse, dans sa grande majorité, les avait descendus en flamme. Et la fameuse interrogation existentielle de ressortir une énième foi : à quoi sert la critique si elle est à ce point déconnectée des attentes du public ? Eh bien, chers lecteurs, je répondrai par une autre question : à qui profite le crime ?
Les éminences grises qui se cachent derrière cet enfumage en règle sont sorties de leur habituelle réserve ces derniers jours, histoire d’épingler les critiques du Figaro qui auraient été très très méchants avec certains de leurs produits phares. Je veux parler des grosses maisons de production et de distribution comme Pathé et Gaumont, bien sûr. Je ne reviendrais pas ici sur la pertinence des critiques du Figaro. Ce n’est pas le problème, et je ne lis jamais le Figaro. Question de principes. Ce qui m’inquiète par contre, c’est ce qui se cache derrière cette histoire. Notons déjà que ce n’est pas la première fois que ça arrive. On se rappellera par exemple le cas Besson qui privait régulièrement la presse d’avant-premières histoire de ne pas « polluer » la sortie de ses chefs-d’œuvre impérissables. Respect du libre arbitre des spectateurs ? Allons, soyons sérieux ! Les films jouant leur carrière sur la première semaine d’exploitation, obliger les journalistes à les voir le jour de leur sortie décalait la parution de leurs critiques assassines. Malin. Mais revenons à nos moutons cinéphiliques. Pourquoi une telle levée de bouclier contre la critique ? Deux explications me viennent à l’esprit : la conjoncture économique et un sérieux problème de vocabulaire. C’est la crise ma bonne dame, et nonobstant ce que l’industrie essaye de vous faire croire, la fréquentation n’en finit pas de baisser. Conséquences : les fragiles restent sur le carreau, tant au niveau de l’exploitation que de la production (cf MK2 qui recentre ses activités après une série de flops), et les gros n’ont jamais été aussi agressifs. Tout y passe, depuis les opérations commerciales du style « 4 € pour les moins de 14 ans1 » jusqu’à l’attaque frontale de tout ce qui pourrait desservir leurs produits, critiques en tête.
Nous voici donc arrivés au cœur du problème que je résumerais par une question de sémantique : quelle est la différence entre un journaliste ? Eh bien, ça dépend du support pour lequel il travaille et/ou de qui signe son chèque en fin de mois. D’un côté, nous avons les chaînes de télévision qui sont également productrices, de gré ou de force puisque la loi française les y oblige. Mais elles choisissent de financer des films en fonction de leurs besoins de programmation à venir. Moralité : on ne mord pas la main qui vous nourrit sous peine d’anthropophagie incestueuse caractérisée. C’est une des raisons pour lesquelles le spécialiste cinéma de Canal Plus s’appelle Laurent Weil et pas, par exemple, Thierry Jousse ou Jean-Baptiste Thoret. On ne parlera pas alors de « journalistes » – et encore moins de « critiques » –, mais d’attachés de presse aux ordres. Pour la radio, c’est à peu près la même chose, avec à défaut d’un financement direct le principe du « partenariat ». Ça veut dire des spots publicitaires et des avis consensuels en échange d’un logo sur l’affiche ou au début du film. Comme vous le savez déjà, chers lecteurs, c’est dans la presse écrite qu’on trouve les derniers vrais journalistes. Mouais, il faut à nouveau séparer le bon grain de l’ivraie, parce que là encore les distributeurs s’ingénient à museler les plumes les plus affûtées. À coup de chantage aux encarts publicitaires, déjà, et en tapissant nos affiches de phrases d’accroche lénifiantes qui ne sont rien d’autre que de la publicité indirecte en échange d’un peu de consensualité. La presse généraliste (Libération, Les Inrock, etc.) et les « revues de cinéma à large diffusion » comme Première ou Studio-Ciné-Live se sont laissées piéger avec plus ou moins de complaisance, parce que c’est la crise – on y revient – et qu’il faut bien manger. Quant aux sites internet, il y a ceux qui vivent des recettes publicitaires et qui sont obligés de pactiser avec le diable, et ceux qui, comme nous, les purs, les incorruptibles, bossent à côté pour payer les factures.

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Et la critique dans tout ça ? Elle survit tant bien que mal, soit dans les marges – déconnectée de l’actualité dans des revues comme Traffic, ou dans les livres consacrés au septième art même si là aussi, la conjoncture économique est compliquée –, soit dans les revues historiques que sont Les Cahiers du Cinéma et Positif dont les rédacteurs ne perdent plus leur temps à critiquer ces films qui, de toute façon, n’intéressent pas leur lectorat2. En tout cas, c’est ce qui ressort des Cahiers parce que pour être franc, je ne lis jamais Positif, question de principes.
Allez, pour finir, revenons sur les soi-disant cartons que j’évoquais en introduction. Supercondriaque est le meilleur démarrage de l’année, et a déjà rassemblé trois millions de spectateurs en deux semaines. Quant aux Trois frères, tout le monde se souvient des 1,1 millions de tickets vendus en première semaine. Quel pied de nez à la critique, messieurs dames ! Sauf que le long-métrage des Inconnus est à bout de souffle à un peu plus de deux millions d’entrées cumulées en troisième semaine d’exploitation, ce qui signifie que le bouche à oreille est désastreux. À titre de comparaison, le premier volet sorti en 1995 avait frôlé les 9 millions. Place aux jeunes, donc, et à Dany Boon qui, question poilade, est clairement le chouchou des français. Trois millions en dix jours, ça décoiffe, non ? Eh bien, pas tant que ça en fait. Rappelons que le film a bénéficié d’une promotion titanesque (240 avant-premières, tout de même!) et qu’en troisième semaine, il est à l’affiche sur rien moins que 836 écrans. Surtout, l’ami Dany nous avait habitué à mieux, environ 9 millions en deux semaines pour Bienvenu chez les Ch’ti (2008) et même s’il a eu une meilleure moyenne par écran que Rien à déclarer (2011) en première semaine, il perd plus de spectateurs que son prédécesseur en seconde. Il aura donc beaucoup de mal à s’approcher de ses 8,1 millions d’entrées en fin de carrière. Tout est relatif !

1 Manipulation honteuse de la Fédération Nationale des Cinémas Français par les gros exploitants (Pathé, CGR, etc.) afin de répercuter la baisse de la TVA sur les entrées (officiellement), mais surtout de récupérer le public familial qui avait déserté les multiplexes pour les salles de proximité beaucoup moins chères.

2 Comble de l’ironie, dans le numéro de février, Laetitia Dosch consacre un article à Didier Bourdon dans lequel elle étudie l’évolution comparée du talent comique de l’acteur avec sa prise de poids. Et contrairement aux apparences, c’est un papier plutôt élogieux pour l’Inconnu.

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Bilan de l’année 2013 (2) http://enrevenantducinema.fr/2014/02/03/bilan-de-lannee-2013-2/ http://enrevenantducinema.fr/2014/02/03/bilan-de-lannee-2013-2/#comments Mon, 03 Feb 2014 10:45:21 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1851 Fou d’Adèle

Ne comptez pas sur moi pour vous livrer un quelconque top ten, insupportable marronnier de la critique qu’il serait bon de remiser à côté des étoiles si Lire la suite...

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La-vie-d'AdèleFou d’Adèle

Ne comptez pas sur moi pour vous livrer un quelconque top ten, insupportable marronnier de la critique qu’il serait bon de remiser à côté des étoiles si chères à Première… Bon, puisque vous insistez, je veux bien revenir sur quelques temps forts d’une année 2013 particulièrement riche comparée à la précédente. Loin de moi l’idée de copier mon petit camarade, mais je suis obligé d’en remettre une couche sur le meilleur film français. Avant de mettre à l’honneur deux productions étrangères, histoire d’être fidèle à ma réputation.

Donc, fou d’Adèle. C’est aussi simple que cela. Avant même de découvrir ce film-monstre en salle. Et malgré le climat délétère qui en accompagnait la sortie, entre la mutinerie opportune de techniciens en pleine renégociation de convention collective, les remarques acerbes de Julie Maroh, auteure de la très belle BD à l’origine du film, et les propos déformés des actrices principales. Il ne faut qu’une poignée de secondes au réalisateur pour mettre tout le monde d’accord. Le temps de retrouver avec bonheur les dispositifs qui font la richesse de son cinéma des improvisations apprises par cœur et rejouées ad nauseam, jouées devant une caméra au plus près de ses actrices, à l’affût d’un regard, du moindre tressaillement, de ces petits riens qui finissent par rendre les personnages humains. Évoquons aussi la fameuse scène de sexe, puisqu’on n’y coupera pas. Elle tient lieu d’élément narratif, séparant les deux chapitres de la vie d’Adèle. Un pivot entre deux autres séquences « sexuées » autrement plus belles, le fantasme de la lycéenne et la douloureuse séparation à l’âge adulte. Et oui, comme le rappelait mon coreligionnaire, elle est l’antithèse du cinéma de Kechiche. Je ne sais pas s’il était question de faire une pause formelle dans un film immersif et dense, ou s’il s’agissait de préserver des actrices à qui il en demandait déjà beaucoup. Toujours est-il que cela ne fonctionne pas, au point que le spectateur finisse par se sentir de trop. Mais soyons clair, c’est l’unique fausse note d’un film entièrement construit autour du rapport intime entre le spectateur et les deux Adèle, le personnage et sa talentueuse interprète dont on n’a pas fini d’entendre parler.

 Snowpiercer

Sans transition, passons au meilleur blockbuster étasunien de l’année. Et vous allez rire, il s’agit d’un film coréen. Bon, d’accord, d’une co-production entre les deux pays, mais tout de même ! Là non plus, je ne m’étendrais pas sur le sujet, mon camarade ayant consacré une brillante chronique à Snowpiercer, le transperceneige de Bong Joon-Ho que vous trouverez ici. En ces temps où Hollywood mise soit sur les gugusses en costumes, soit sur des films de science fiction propres sur eux – si possible avec Tom Cruise –, ça fait un bien fou de voir un vrai film d’anticipation qui joue son rôle, à savoir tendre un miroir à notre société en extrapolant son avenir proche. A la fois film à grand spectacle, film d’action et fable politique, Snowpiercer est une franche réussite sur tous les plans, avec ce qu’il faut de maladresses pour lui donner figure humaine. Loin des aspirations perfectionnistes kubrickiennes qui lissent les productions étasunienne contemporaines au point de les vider de leur substance, ce film grince, rappe, accroche, il est sale, sans concessions, ni au politiquement correct, ni à l’autocensure. On se croirait revenu dans les années 70, et ça fait un bien fou.

Mud

Et à l’issue d’un suspens proprement insupportable, attaquons-nous au film qui m’aura le plus marqué cette année : Mud, de Jeff Nichols. Vous allez me dire : « Elle est raide celle-là ! Il en fait son film préféré, mais ni lui, ni son confrère ne l’ont chroniqué avant ! ». Chère lectrice, cher lecteur, j‘entends votre colère et je vais vous révéler un petit secret. Plus haut, je qualifiais La Vie d’Adèle de « film-monstre ». Il y a des long-métrages qui vous bouleversent et lorsqu’il s’agit de retranscrire ces émotions sur le papier, on se retrouve littéralement coincé, incapable de trouver un angle d’attaque, comme écrasé par l‘idée de ne pas rendre justice à l’œuvre en question. J’imagine que les professionnels ont à leur disposition une panoplie de « trucs » pour contourner le problème, mais à notre modeste niveau, nous préférons passer notre tour plutôt que de trahir notre sujet. Ou saisir l’opportunité d’un article généraliste comme celui-ci pour l’évoquer sans pression.
Dès la première séquence
de Mud, je me suis revu adolescent, blotti au fond de mon lit les soirs d’orage à dévorer Le grand Meaulnes, Deux ans de vacances ou Les aventures de Tom Sawyer. Des récits initiatiques où les éléments fantastiques sont foncièrement ancrés dans la réalité, et n’existent en tant que tel qu’à travers le regard (et l’âge) de leurs personnages. Ainsi, un bateau sur une île du Mississippi, perché dans un arbre suite à l’ouragan Katrina, devient un formidable moteur d’aventure pour les deux adolescents qui le découvrent. Sauf que ce trésor, Mud le repris de justice en a besoin afin de s’enfuir avec sa bien-aimée. Une étrange amitié va lier les jeunes gens et le personnage lunaire interprété par Matthew McConaughey. Récit simple et honnête où plane en permanence l’ombre de Mark Twain, profondément enraciné dans le Sud des États-Unis, Mud est filmé à l‘image du célèbre fleuve, avec nonchalance mais pouvant exploser à tout moment. Un récit trépident où le jeune Ellis doit affronter la dislocation de sa famille, ses premiers émois amoureux et le grand saut vers l’âge adulte. Le réalisateur capte avec beaucoup de finesse les nuances de ces personnages colorés, mais jamais caricaturaux, produits de leur milieu et de leur époque. Jeff Nichols réalise ici un véritable film pour adolescents, avec beaucoup d’intelligence et d’honnêteté. Une gageure à notre époque où les studios leur proposent à la chaîne des produits calibrés par des adultes incapables de les considérer autrement que comme des enfants.

Que retenir d‘autre ? Que le meilleur film fantastique de l’année, le passionnant Lords of Salem de Rob Zombie, est sorti directement en vidéo chez nous, mais aussi, et c’est plus grave, dans son pays d’origine (Les États-Unis). Que le prix du meilleur film que nous n’avons pas pu voir à Grenoble revient à La fille de nulle part, de Jean-Claude Brisseau. Et que j‘ai beaucoup de mal à partager l’enthousiasme de mon camarade quant à l’avenir de la production française. Faute de diffuseurs télé potentiels, on est toujours sans nouvelles de ce cinéma du milieu qui faisait la richesse du septième art il y a seulement 15 ans. Et je ne parle pas du cinéma de genre qui pointe désespérément aux abonnés absents. Les rares auteurs parvenant à monter un long-métrage ici sont contraint de s’exiler à l’étranger pour poursuivre leur carrière, parce que vous comprenez, ça n’est pas notre culture. La faute à des distributeurs frileux, certes, mais également aux spectateurs qui préfèrent s’encanailler devant des franchises étasuniennes faisandées, et à la critique généraliste qui ne se penche pas vraiment sur le problème. Terminons tout de même sur une bonne nouvelle : le cinéma japonais va mieux, entre le retour en force de Kiyoshi Kurosawa (Shokuzai 1 & 2) et la reconnaissance – enfin ! – de Sono Sion (Land of Hope en salle, Love Exposure en vidéo).

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Bilan de l’année 2013 http://enrevenantducinema.fr/2014/01/15/bilan-de-lannee-2013/ http://enrevenantducinema.fr/2014/01/15/bilan-de-lannee-2013/#respond Wed, 15 Jan 2014 16:52:36 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1839 La France en force

Le titre ne doit pas faire croire que En revenant du cinéma verse tout d’un coup dans un nationalisme rance mais mettre en avant qu’après une … Lire la suite...

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L-Inconnu-du-lacLa France en force

Le titre ne doit pas faire croire que En revenant du cinéma verse tout d’un coup dans un nationalisme rance mais mettre en avant qu’après une année 2012 plutôt terne, l’année 2013 du cinéma nous paraît plus excitante et en particulier en ce qui concerne les productions françaises.
Ainsi le système de financement de ce cinéma qui donne des ulcères aux ultralibéraux et aux réactionnaires de tout poil continue de montrer une certaine efficacité (étonnant que le gouvernement actuel et sa logique de droite ne l’attaque pas plus comme il le fait pour les autres systèmes de solidarité). Bien sûr ce système peut être amélioré (par exemple la trop grande importance du scénario pour recevoir l’avance, l’absence de courage artistique des diffuseurs publics comme France2 ou France 3, la médiocrité de son cinéma grand public, etc.) mais il permet encore au cinéma français de survivre, et de belle manière, face à l’hégémonie étasunienne.

Donc commencer par l’Inconnu du lac, un des chocs de l’année.
On aimait déjà les films d’Alain Guiraudie, sa façon de filmer les corps, tous les corps, de les rendre sensuels, sa façon de mêler le politique à l’intime, la tristesse et la drôlerie.
En resserrant son cinéma sur un seul lieu, en bridant sa fantaisie, sa puissance explose. Un huis-clos en pleine nature, un lieu de drague homosexuel, un homme est tué, un héros se prend d’attirance pour le tueur. Un parking, une plage, la forêt, le lac, un jeu sur la répétition des plans qui transforme la beauté, la douceur de ce coin de nature en un endroit étouffant. Le désir pour les corps nus se mêle petit à petit à l’effroi, et cela par petites touches subtiles, jamais démonstratives, un changement de lumière sur l’eau, un léger décalage du plan, une serviette qui reste sur la plage et que personne ne prend la peine d’enlever, le regard des dragueurs qui au départ amusant devient angoissant, nous transforme comme le héros en proie, la présence de telle ou telle voiture sur le parking.
Un dispositif d’une grande simplicité qui permet d’aborder des sujets importants, qu’est-ce qui excite, comment faire durer le désir, la vie, le sexe, l’ennui, la mort. Rien que ça. Un petit bout de terrain où se croise le Cronenberg de Crash (la compulsion de répétition qui mène à la pulsion de mort) et l’étrangeté du Tropical Malady de Weerasethakul (la partie de la chasse au tigre dans la forêt surtout, deux des cinéastes qui savent le mieux filmer la nature)
Assurément un des films de l’année.

Un cinéaste comme Guiraudie arrive à une grande maturité mais on voit aussi la relève, de nombreux premiers films intéressants par leur liberté, excitants par leur ton novateur, leur forme.
Dans ces nouveaux auteurs, on trouve Justine Triet avec la Bataille de Solférino et son sens de la durée des plans, de leur respiration, sa capacité à nous mettre mal à l’aise sans nous provoquer, sans utiliser d’artifices faciles, avec une mise en scène précise alors qu’elle paraît très lâche, très ouverte. Où comment un homme, par certains côtés sympathiques, prend possession de l’espace et colonise la vie d’une femme, avec un regard qui ne surplombe jamais.
La fille du 14 juillet de Antonin Peretjako, un film branque qui part dans tous les sens, avec différents niveaux d’humour, burlesques, absurdes, lourds, poétiques, politiques, mises en abîmes, etc. Juste pour voir un enfant déguisé en cafard de Kafka gueuler contre l’endormissement général et se faire tirer dessus, pour voir Vincent Macaigne, égérie de ce nouveau cinéma, boire et fumer au volant, en envoyant chier la bienséance. Une forme foutraque et en même temps très précise qui donne un sentiment d’euphorie plutôt bienvenue. La joie est encore possible.

laviedadeleRevenir aussi sur la Vie d’Adèle (chapitres 1 et 2), passionnant et problématique. Abdellatif Kechiche sait filmer le trouble d’une jeune femme, comme dans la scène du coup de foudre qui nous saisit comme le personnage, ou le rougissement d’Adèle qui se fait embrasser par une fille pour la première fois, ce plan qui dure, à l’affût des émotions, curieux du visage d’Adèle Exarchopoulos, de voir comme il réagit et qui semble réellement réagir ainsi pour la première fois. Très belle aussi est la scène de retrouvailles entre Adèle et Léa dans un bar, scène non réaliste peut-être mais où on sent toute la force d’un amour physique, le désir qui les envahit, le personnage joué par Léa Seydoux se lâche enfin, l’amour et la souffrance la submergent, Kechiche nous emmène alors.
Sens du détail, de la captation de la peau, d’une aisselle, d’une cigarette tenue avec grâce, la gaucherie d’Adèle réajustant son pantalon en allant au lycée. La frontalité du style de Kechiche est alors à son meilleur.
Par contre comment a-t-il pu rater à ce point la scène de sexe ? Cette longue scène qui est censé être l’acmé du film, comment a-t-il pu à ce point refuser l’obstacle qu’il s’est lui-même fixé ? Alors que la puissance de son cinéma vient d’être littéralement du côté de l’héroïne, d’être sans cesse proche d’elle, avec elle, dans ses sensations, pourquoi lorsqu’il filme cette scène de sexe, il se met à distance, cadre plus large, enchaîne des positions figées pendant plusieurs minutes sans grâce, filme cela comme une performance, nous met soudain en position de voyeurs extérieurs, gênés d’être là. Pourquoi surtout il n’a plus eu confiance en son cinéma lorsqu’il nous plonge là où ça se passe ? Une soudaine pudeur malvenue ? Il veut tout nous montrer mais en restant à distance, on a alors l’impression paradoxale que la pudibonderie de Kechiche transforme la scène en exhibition. Ce ratage se répercute sur la suite du film, comment croire à la passion charnelle qui lie les deux personnages quand celle-ci sonne tellement faux. Heureusement le cinéaste nous rattrape ensuite mais la question de la représentation de la sexualité au cinéma reste ouverte et Kechiche n’apporte par les bonnes réponses.
lajalousie1L’année s’achève avec la Jalousie de Philippe Garrel et montre ainsi la diversité du cinéma français. Du jeu sur le trop de Kechiche (durée des plans, débordements émotionnelles, sensualité maximale, fluides de toutes sortes) on passe à l’épure de Garrel qui sait nous captiver par des ellipses sèches et la beauté intense des plans, par leur lumière, leur grain, par le regard du cinéaste sur Anna Mouglalis, qu’on retrouve grande actrice sans fard, et Louis Garrel. Des mains qui se touchent, une gare, la nuit, un appartement en haut d’un escalier, la blancheur des murs. Une séparation en quelques mots, en quelques plans. Un homme quitte une femme, en rencontre une autre, se fait quitter. S’engager dans une relation, ou non, la possession, l’indépendance, le dépouillement, le poids de la pauvreté sur la relation amoureuse, où le romantisme est porté par l’homme et la rationalité sexuelle par la femme. Tout est dit sans pathos, sans en rajouter. La puissance formelle de Garrel donne une ampleur à ce travail sur la simplicité, on a l’impression d’être proche de l’os. D’aller à l’essentiel.

Bien sûr, il n’y a pas que le cinéma français, même si avec le beau Frances Ha de Noah Baumbach, on y est toujours un peu, du titre du film à la scène d’hommage au Mauvais sang de Carax (s’il est de bon ton de détester le cinéma français par ici, il suffit d’aller voir ailleurs pour comprendre l’influence du cinéma français et sa place dans le cinéma mondial.) Woody Allen, Joon-ho, De Palma, James Gray et tant d’autres nous le prouvent mais on peut attendre le bilan de Guillaume pour avoir une vision moins francocentré du cinéma de 2013.

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Morceaux Choisis : Le Congrès http://enrevenantducinema.fr/2013/08/02/morceaux-choisis-le-congres/ http://enrevenantducinema.fr/2013/08/02/morceaux-choisis-le-congres/#respond Fri, 02 Aug 2013 10:33:33 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1719

L’oeil d’Hollywood

Avec son nouveau film, le réalisateur de Valse avec Bashir soulève une question essentielle à l’ère de la dématérialisation, des effets numériques et des blockbusters aseptisés : quelle place … Lire la suite...

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Le-Congres-01

L’oeil d’Hollywood

Avec son nouveau film, le réalisateur de Valse avec Bashir soulève une question essentielle à l’ère de la dématérialisation, des effets numériques et des blockbusters aseptisés : quelle place restera-t-il à l’émotion dans le cinéma de demain ? Et qu’elle soit posée par un réalisateur issu de l’animation a de quoi aiguiser notre curiosité cinéphile. Au début de ce Congrès, nous suivons Robin Wright dans son propre rôle d’actrice à la quarantaine bien entamée, écartelée entre une carrière moribonde et l’attention que requiert son fils atteint d’une maladie dégénérative. Son agent, Al (Harvey Kietel, brillant), lui expose froidement la situation : elle n’est plus jeune, elle n’est plus bankable à force d’avoir refusé des projets, et soit elle accepte sans moufter l’ultime proposition du studio Miramount – contraction savoureuse des bien réels Miramax et Paramount –, soit elle fait définitivement une croix sur sa carrière et son niveau de vie. La vérité nue, brutale, et s’il se permet de l’annoncer sans ménagement c’est qu’il est devenu au fil du temps un membre à part entière de la famille. Acculée, l’actrice accepte cet entretient de la dernière chance et se retrouve face à Jeff (Danny Huston), archétype de l’executive de studio hollywoodien. Ce dernier lui propose de se faire numériser contre une somme d’argent largement suffisante pour mettre sa famille à l’abri du besoin. En contrepartie, elle renonce à exercer son métier de comédienne, et laisse le studio gérer la carrière – et les retombées financières – de son double à la jeunesse éternelle ; le tout étant re-négociable au bout de 20 ans. Devant l’écran, le cinéphile a du mal à en croire ses oreilles… en moins d’une demi-heure, Folman vient non seulement d’aborder de front la douloureuse question du vieillissement des acteurs, mais aussi de tacler le vieux fantasme des studios de se débarrasser non seulement des acteurs et de leurs agents, mais aussi – en filigrane – de celui qui les dirige. En un mot, d’évacuer la moindre composante artistique et créative du processus cinématographique. Ouch.
De guerre lasse, Robin Wright accepte le deal et se retrouve vêtue d’un justaucorps blanc au centre d’une machine barbare tapissée d’appareils photos. Dans une cabine, hors champs, un directeur de la photographie prestigieux reconverti en simple technicien, est chargé d’enregistrer les émotions de l’actrice. Le personnage d’Harvey Kietel assiste à la scène, en simple spectateur. L’opération débute et le technicien scande les indications de jeu dans son micro : « souriez… riez… soyez triste… pleurez… ». Assommée par ce déferlement déshumanisé, coincée dans cette sphère aux milles yeux inquisiteurs, elle ne parvient pas à donner ce qu’on lui demande et menace de tout laisser tomber. Al prend alors le relais et évoque leur première rencontre, d’une voix douce et affectueuse. L’actrice sourit, la machine la photographie. Il enchaîne sur des souvenirs moins agréables, le jour où elle a appris la maladie de son fils. Nouveau plan sur l’actrice, qui est passée à la tristesse avant de fondre en larmes. La machine la photographie. Cette séquence est bouleversante. Le monologue d’Harvey Kietel touche par sa simplicité et sa sincérité, et de notre côté de l’écran, on ne peut s’empêcher d’inverser les rôles. L’actrice devient spectatrice, l’agent devient réalisateur, et le technicien et sa machine s’effacent progressivement devant la puissance de l’émotion suscitée. Ce que Ari Folman nous dit à ce moment-là, c’est que technicité et procédés ne devraient jamais se substituer à la raison d’être primitive du cinéma : nous faire ressentir des émotions à travers une histoire, qu’elle soit documentaire ou fictionnelle.
Nous en sommes à peine à la moitié du métrage, qu’on se demande déjà si on ne serait pas devant le film de l’année. Hélas, après une transition très réussi entre prises de vue réelle et animation – en sniffant une substance chimique, il fallait oser ! – Folman fait basculer Le Congrès de l’anticipation à la science fiction, sacrifiant les promesses évoquées plus haut au profit d’une soupe futuriste qui, quelle que soit la pertinence de son propos, ne parviendra jamais à effacer la frustration du spectateur. Pire, il se crée un réel déséquilibre entre les deux parties du film qu’on ne peut s’empêcher de mettre sur le dos du changement de procédé. Quel gâchis. Reste tout de même cette séquence magistrale qui, sans porter de jugement péremptoire, pose une vraie réflexion cinéphile sur l’avenir du septième art. Et on se dit que Robin Wright, qui n’a jamais été aussi belle, a accompli un sacré parcours depuis Santa Barbara !

Le Congrès (The Congress) de Ari Folman, EU-Israël-Pologne, 2013 avec Robin Wright, Harvey Kietel, Paul Giamatti, Jon Hamm…

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Morceaux Choisis : Last Days / The Bling Ring http://enrevenantducinema.fr/2013/08/02/morceaux-choisis-last-days-the-bling-ring/ http://enrevenantducinema.fr/2013/08/02/morceaux-choisis-last-days-the-bling-ring/#respond Fri, 02 Aug 2013 09:50:38 +0000 http://enrevenantducinema.fr/?p=1698

Last days, de Gus Van Sant

En 2005, Gus Van Sant bouclait avec Last Days une trilogie magistrale consacrée à la jeunesse américaine. Dans ce portrait à peine déguisé … Lire la suite...

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The-bling-ring-01Last days, de Gus Van Sant

En 2005, Gus Van Sant bouclait avec Last Days une trilogie magistrale consacrée à la jeunesse américaine. Dans ce portrait à peine déguisé des derniers jours de Kurt Cobain, il filmait les ultimes soubresauts du mouvement grunge, pleinement conscient de sa récupération par à peu près tout ce qu’il entendait foutre en l’air. Au delà du discours, le film est d’une beauté renversante grâce à des parti-pris artistiques audacieux, comme celui d’illustrer les derniers jours d’une icône rock avec de la musique contemporaine. Un plan en particulier résume la démarche du réalisateur. Blake (Michael Pitt), entre dans le studio d’enregistrement de sa luxueuse propriété. La caméra, placée à l’extérieur du bâtiment, face à la baie vitrée, va capter une improvisation du personnage / acteur. Pitt – lui-même musicien – passe tour à tour derrière la guitare, le micro, la batterie, scandant des phrases musicales qui, par le truchement des boucles, finit par devenir un morceau cohérent. Le plan subjugue, par sa longueur et par son apparente fixité. Jusqu’à ce que le spectateur se rende compte que la caméra zoome de manière quasi-imperceptible vers la maison. Pourtant, l’essentiel du mouvement est créé par les déplacement rageurs du personnage, comme emprisonné dans les limites du cadre. Mais il est également insufflé par les boucles musicales qui suivent leur créateur comme autant d’échos et brouillent nos sens. Le plan devient alors une véritable installation dont le filmage ne serait qu’une composante parmi d’autres. Une habile métaphore de la situation du réalisateur, partagé entre classicisme hollywoodien et expérimentations formelles.

Last days de Gus Van Sant, EU, 2005 avec Michael Pitt, Asia Argento, Lukas Haas…


The bling ring
, de Sofia Coppola

Huit années ont passé. Gus Van Sant n’a jamais retrouvé la virtuosité de Last Days – même si Promised Land est une des belle surprise de ce début d’année. La société américaine se complaît dans le conformisme et manque cruellement d’ambitions. La télé-réalité a transformé la banalité du quotidien en climax, fabriquant au passage de nouvelles idoles prêtes à toutes les bassesses pour s’assurer leur quart d’heure de gloire. Alors qu’on admirait le travail des stars en fantasmant sur leurs caprices, on érige aujourd’hui les mondanités et les frasques des people en performance artistique. Et au milieu de tout cela, la jeunesse continue de s’auto-détruire dans un ennui et un désœuvrement qui font peine à voir. Justement, la réalisatrice de The bling ring n’a jamais cessé de construire son cinéma sur l’ennui et le désœuvrement, traités tour à tour comme une maladie – Virgin Suicide (1999) –, un remède – Lost in translation (2003) –, une malédiction – Marie-Antoinette (2006) – ou une constante sociétale – Somewhere (2010). Et son dernier film ne parle que de ça. A Los Angeles, des lycéens friqués s’amusent à cambrioler les maisons des personnalités qu’ils admirent (Paris Hilton, Lindsey Lohan, etc.). Passionnés de mode et de faits-divers, l’argent qu’ils récoltent au passage sera toujours secondaire par rapport aux trophées qu’ils dérobent et collectionnent religieusement. Surtout, c’est en prenant possession du lieu de vie de leurs victimes ou en reproduisant leurs frasques judiciaires qu’ils ont l’impression de donner un sens à leur existence dramatiquement vide. Si le personnage de Blake dans Last Days avait pleinement conscience du caractère auto-destructeur de sa démarche, la jeunesse dorée de The bling ring ne mesure jamais la portée ses actes. Autres temps, autres mœurs, autre culture. Pourquoi mettre ces deux films en parallèles ? Parce que le plus beau plan du film de Sofia Coppola fait écho à celui de Gus Van Sant évoqué plus haut : Extérieur, nuit. Dans le cadre, une maison de star toute en baies vitrées. La caméra est fixe. Rebecca et Marc investissent les lieux et visitent méthodiquement les pièce l’une après l’autre. Pas de musique d’accompagnement, juste les bruits de la nuit et celui, plus lointain, de la circulation – nous sommes dans une zone résidentielle, sur les collines. Cette ambiance sonore contraste avec le reste du film, où la musique est omniprésente. On se rend compte alors que la caméra n’est pas immobile, mais qu’elle zoome très lentement sur la maison. Les déplacements successifs des protagonistes renvoient aux boucles musicales de Blake, mais si les séquences du musicien s’ajoutaient les unes aux autres pour composer un ensemble, chaque pièce visitée par les deux cambrioleurs est immédiatement abandonnée pour la suivante. Lorsque le couple quittera la maison, elle retournera à son point de départ, un espace vide, où il ne restera aucune empreinte de leur passage. Leur action n’existe que dans l’immédiateté. En reprenant sciemment le dispositif formel de Gus Van Sant, Sofia Coppola met en lumière les changements sociétaux opérés depuis une dizaine d’années, tout en évitant comme son aîné de porter un jugement sur cette jeunesse qui la fascine.
L’accueil réservé à The bling ring a été plutôt froid. On a étrangement reproché à la réalisatrice les fondements mêmes de son cinéma : son désintérêt flagrant pour le trépident et le spectaculaire au profit d’une fascination quasi-obsessionnelle pour l’arythmie et la durée. Et c’est bien là que résident la pertinence de son regard et la singularité de son travail. En prenant le temps de filmer les vides et les creux de ses personnages, elle leur donne la possibilité d’exister en dehors des attentes balisées du spectateur. Et de nos jours, c’est une qualité rare.

The bling ring de Sofia Coppola, EU, 2013 avec Katie Chang, Israel Broussard, Emma Watson…

last-days-01

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